PRÉFACE Le grand poëte matérialiste Lucrèce savait une multitudė de choses que nous ne savons plus. Il savait qu'il y a des dieux fortunés et tranquilles, relégués dans un ciel où ils ne font rien. Il savait qu'il existe des atomes dont il connaissait la forme, le concours et l'agencement pour constituer le monde (notons, en passant, que ses atomes n'ont rien de commun avec ceux de nos chimistes). Il savait que les animaux sont nés par une génération spontanée dont la terre fournissait les matériaux et qui les produisait tendres encore et à demi formés. Comment savait-il tout cela? C'est que tout celalui semblait expliquer le mieux les choses telles qu'il croyait les connaître. Suivant une disposition d'esprit qui n'est pas particulière à son époque, ce qu'il expliquait lui semblait garanti, et il prenait sans difficulté une explication pour une démonstration. Ma prétention n'est pas de modifier la manière de penser des esprits montés sur les hautes échasses de la transcendance. Elle est beaucoup plus modeste. C'est d'exciter les intelligences qui ont quelque penchant vers les doctrines positives à considérer, sans se laisser éblouir, les conceptions qui dépassent les limites de la connaissance humaine, et à n'accepter les grandes hypothèses que comme des thèmes qui exerceront la critique, si elles peuvent être utilement critiquées, et qu'on écartera de notre raison, si elles appartiennent à un ultra-univers auquel nul n'a jamais abordé. |