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enfants une grande liberté par rapport au sommeil, jusqu'à les laisser dormir autant qu'ils veulent quand ils sont petits, je n'entends point parlà que cette liberté doive leur être continuée pour toujours, à mesure qu'ils deviennent grands. Mais il n'est pas aisé de déterminer précisément quand il faudrait commencer d'abréger leur sommeil, si l'on devrait le faire quand ils sont parvenus à l'âge de sept ans, de dix, ou en quelqu'autre temps. Il faut pour cela avoir égard à leur tempérament, à leurs forces et à leur constitution particulière.

Mais je crois que, s'ils sont trop grands dormeurs, il serait à propos de commencer entre la septième et la quatorzième année de leur âge, à les réduire par degrés à huit heures de sommeil, ce qui en général suffit à des personnes faites qui sont en bonne santé. Or, si vous avez accoutumé votre enfant, comme vous devriez, à se lever constamment de bon matin, il serait aisé de le corriger du défaut de garder trop long-temps le lit; car la plupart des enfants sont assez portés d'eux-mêmes à abréger ce temps par la passion qu'ils ont de passer la soirée

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en compagnie. Il est vrai que, si l'on n'y prend garde, ils se dédommageront le matin du sommeil qu'ils auront perdu le soir, ce qu'on ne doit absolument point leur permettre. Il faudrait les faire lever constamment le matin à leur heure ordinaire, mais toujours en prenant soin de ne pas les éveiller (1) trop brusquement, ou avec un ton de voix trop fort ou trop perçant, ou en frappant tout d'un coup leurs oreilles de quelque autre bruit trop violent. Cela épouvante souvent les enfants, et leur fait beaucoup de mal; et qui est-ce qui n'est pas déconcerté, si par quelque soudaine alarme, il vient à être éveillé tout d'un coup d'un profond sommeil? Lors donc que vous voulez éveiller un enfant,

(1) Le père de Montaigne poussa cette précaution encore plus loin à l'égard de son fils, qui nous l'apprend lui-même eu ces termes : « Mon père avait esté conseillé de me faire << gouster la science et le devoir par une volonté non forcée, <«<et de mon propre désir; et d'eslever mon ame en toute << douceur et liberté, sans rigueur et contrainte. Je dis jus«< ques à telle superstition, que parce qu'aucuns tiennent << que cela trouble la cervelle tendre des enfants, de les « éveiller le matin en sursaut, et de les arracher du som« meil, auquel ils sont plongés beaucoup plus que nous ne << sommes, tout-à-coup et par violence; il me faisait éveiller « par le son de quelque instrument, et ne fut jamais sans « homme qui m'en servit. » Essais de Montaigne, liv. I, ch. XXV.

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à lui-même. Quand il a mis une fois ses habits, vous êtes assuré qu'il est entièrement éveillé. On cause une assez grande peine à un enfant de venir interrompre son sommeil, quelque doucement qu'on le fasse; c'est pourquoi l'on devrait bien prendre garde de n'y pas joindre quelque autre action rude, et sur-tout qui pût lui donner de l'épouvante.

§ XXIII.

Il ne faut pas accoutumer les enfants à coucher mollement.

Il faut que les enfants soient couchés durement, sur des matelas plutôt que sur des lits de plume. Un lit dur fortifie les membres; mais un lit mollet où l'on s'ensevelit chaque nuit dans la plume, fond et dissout, pour ainsi dire, tout le corps, ce qui cause souvent des faiblesses, et est comme l'avant-coureur d'une mort prématurée. Outre que d'avoir les reins enveloppés trop chaudement, engendre souvent la pierre, les lits de duvet causent plusieurs autres in

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commodités, et, ce qui les produit toutes, une complexion délicate et valétudinaire. D'ailleurs, celui qui est tout accoutumé à coucher durement chez lui, ne perdra pas le sommeil faute d'un lit mou et d'un oreiller bien placé, durant ses voyages que le dormir lui est le plus nécessaire. C'est pourquoi je crois qu'il serait à propos de faire le lit des enfants de différentes façons : que tantôt on leur mît la tête plus haute, et tantôt plus basse, afin qu'ils ne fussent pas réduits à se ressentir du moindre petit changement à quoi ils ne peuvent qu'être exposés, lorsqu'ils ne sont pas destinés à coucher toujours dans la maison de leurs parents, et à avoir toujours une servante à leurs côtés pour ranger leurs hardes et les bien couvrir dans le lit. Le sommeil est le plus excellent cordial que la nature ait préparé pour l'homme. Si on en perd l'usage, l'on s'en ressent infailliblement; et celui-là est bien malheureux qui ne saurait prendre ce charmant breuvage que dans la coupe dorée de sa mère, et non dans une tasse de bois. Qui peut dormir d'un profond sommeil avale ce cordial, et il n'importe que ce soit sur un lit mollet ou sur le plancher. C'est le sommeil qui est la seule chose nécessaire.

Une autre chose qui a beaucoup d'influence sur la santé, c'est d'aller à la selle régulièrement. Ceux qui ont le ventre trop libre ont rarement l'esprit ou le corps vigoureux; mais comme il est beaucoup plus aisé de remédier à ce mal qu'à son contraire, par le régime ou par certaines médecines, il n'est pas fort nécessaire de s'étendre sur cet article; car si le flux de ventre paraît dangereux, ou par sa violence ou par sa durée, il sera assez tôt et quelquefois trop tôt de recourir à un médecin pour en arrêter le cours; et, s'il est modéré et de courte durée, il vaut mieux pour l'ordinaire laisser agir la nature. D'un autre côté, la difficulté d'aller à la selle a des suites très-dangereuses qu'il est beaucoup plus malaisé de guérir par le secours de la médecine : car les remèdes purgatifs qu'on prend dans ces occasions, et qui semblent donner du soulagement, servent plutôt à augmenter le mal qu'à le dissiper.

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