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exposées : l'empereur que la France avait fait fut chassé trois fois de ses propres états.

Les armées françaises furent détruites en Bavière et en Bohême, sans qu'il se donnât une seule grande bataille; et le désastre fut au point qu'une retraite dont on avait besoin, et qui paraissait impraticable, fut regardée comme un bonheur signalé. Le maréchal de Belle-Isle sauva le reste de l'armée française assiégée dans Prague, et ramena environ treize mille hommes de Prague à Egra, par une route détournée de trente-huit lieues, au milieu des glaces, et à la vue des ennemis. Enfin la guerre fut reportée du fond de l'Autriche au Rhin.

Le cardinal de Fleury mourut au village d'Issy, au milieu de tous ces désastres, et laissa les affaires de la guerre, de la marine, de la finance et de la politique, dans une crise qui altéra la gloire de son ministère, et non la tranquillité de son âme.

Louis XV prit dès-lors la résolution de gouverner par luimême, et de se mettre à la tête d'une armée. Il se trouvait dans la même situation où fut son bisaïeul dans une guerre nommée comme celle-ci la guerre de la succession.

Il avait à soutenir la France et l'Espagne contre les mêmes ennemis, c'est-à-dire contre l'Autriche, l'Angleterre, la Hollande et la Savoie. Pour se faire une idée juste de l'embarras qu'éprouvait le roi, des périls où l'on était exposé, et des ressources qu'il eut, il faut voir comment l'Angleterre donnait le mouvement à toutes ces secousses de l'Europe.

CHAPITRE XXII.

Conduite de l'Angleterre. Ce que fit le prince de Conti en Italie.

On sait qu'après l'heureux temps de la paix d'Utrecht les Anglais, qui jouissaient de Minorque, et de Gibraltar en Espagne, avaient encore obtenu de la cour de Madrid des priviléges que les Français, ses défenseurs, n'avaient pas; les commerçants anglais allaient vendre aux colonies espagnoles les nègres qu'ils achetaient en Afrique pour être esclaves dans le Nouveau-Monde. Des hommes vendus par d'autres hommes, moyennant trente-trois piastres par tête qu'on payait au gouvernement espagnol, étaient un objet de gain considérable; car la compagnie anglaise, en fournissant quatre mille huit cents Nègres, avait obtenu de vendre les huit cents sans payer de droits; mais le plus grand avantage des Anglais, à l'exclusion des autres nations, était la permission dont cette compagnie jouit, dès 1716, d'envoyer un vaisseau à PortoBello.

Ce vaisseau, qui d'abord ne devait être que de cinq cents tonneaux, fut, en 1747, de huit cent cinquante par convention; mais en effet de mille par abus; ce qui faisait deux millions pesant de marchandises. Ces milles tonneaux étaient encore le moindre objet de çe commerce de la compagnie anglaise; une patache qui suivait toujours le vaisseau, sous prétexte de lui porter des vivres, allait et venait continuellement; elle se chargeait dans les colonies anglaises des effets qu'elle apportait à ce vaisseau, lequel ne se désemplissant jamais par cette manœuvre tenait lieu d'une flotte entière. Souvent même d'autres navires venaient remplir ce vaisseau de permission, et

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leurs barques allaient encore sur les côtes de l'Amérique porter des marchandises dont les peuples avaient besoin, mais qui faisaient tort au gouvernement espagnol, et même à toutes les nations intéressées au commerce qui se fait des ports d'Espagne au golfe du Mexique. Les gouverneurs espagnols traitèrent avec rigueur les marchands anglais, et la rigueur se pousse toujours trop loin.

Un patron de vaisseau, nommé Jenkins, vint en 1730 se présenter à la chambre des communes; c'était un homme franc et simple, qui n'avait point fait de commerce illicite, mais dont le vaisseau avait été rencontré par un garde-côte espagnol dans un parage de l'Amérique où les Espagnols ne voulaient pas souffrir de navires anglais. Le capitaine espagnol avait saisi le vaisseau de Jenkins, mis l'équipage aux fers, fendu le nez et coupé les oreilles au patron. En cet état Jenkins se présenta au parlement; il raconta son aventure avec la naïveté de sa profession et de son caractère. «Messieurs, dit-il, quand on << m'eut ainsi mutilé on me menaça de la mort; je l'attendis; « je recommandai mon âme à Dieu, et ma vengeance à ma « patrie. » Ces paroles prononcées naturellement excitèrent un cri de pitié et d'indignation dans l'assemblée; le peuple de Londres criait à la porte du parlement d'Angleterre : « La mer « libre ou la guerre ! » On n'a peut-être jamais parlé avec plus de véritable éloquence qu'on parla sur ce sujet dans le parlement d'Angleterre; et je ne sais si les harangues méditées qu'on prononça autrefois dans Athènes et dans Rome, en des occasions à peu près semblables, l'emportent sur les discours non préparés du chevalier de Windham, du lord Carteret, du ministre Robert Walpole, du comte de Chesterfield, de M. Pultney, depuis comte de Bath.

Enfin le cride la nation détermina le parlement et le roi; on déclara la guerre à l'Espagne dans les formes, à la fin de l'année 1739.

La mer fut d'abord le théâtre de cette guerre dans laquelle les corsaires des deux nations, pourvus de lettres-patentes, allaient en Europe et en Amérique attaquer tous les vaisseaux marchands, et ruiner réciproquement le commerce pour lequel ils combattaient: on en vint bientôt à des hostilités plus grandes.

L'amiral Vernon pénétra dans le golfe du Mexique, y attaqua et prit la ville de Porto-Bello, l'entrepôt des trésors du Nouveau-Monde, la rasa, et en fit un chemin ouvert par lequel les Anglais purent exercer à main armée le commerce autrefois clandestin qui avait été le sujet de la rupture. Cette expédition fut regardée par les Anglais comme un des plus grands services rendus à la nation: l'amiral fut remercié par les deux chambres du parlement; elles lui écrivirent ainsi qu'elles en avaient usé avec le duc de Marlborough après la journée d'Hochstet. Depuis ce temps les actions de leur compagnie du Sud augmentèrent, malgré les dépenses immenses de la nation. Les Anglais espérèrent alors conquérir l'Amérique espagnole; ils crurent que rien ne résisterait à l'amiral Vernon; et lorsque, quelque temps après, cet amiral alla mettre le siége devant Carthagène, ils se hâtèrent d'en célébrer la prise; de sorte que, dans le temps même que Vernon en levait le siége, ils firent frapper une médaille où l'on voyait le port et les environs de Carthagène, avec cette légende : « II << a pris Carthagène ; » le revers représentait l'amiral Vernon, et on y lisait ces mots : « Au vengeur de la patrie. » Il y a beaucoup d'exemples de ces médailles prématurées qui tromperaient la postérité si l'histoire, plus fidèle et plus exacte, ne prévenait pas de telles erreurs.

La France, qui n'avait qu'une marine faible, ne se déclarait pas alors ouvertement; mais le ministère de France secourait les Espagnols autant qu'il était en son pouvoir.

On était en ces termes entre les Espagnols et les Anglais, quand la mort de l'empereur Charles VI mit le trouble dans l'Europe. On a vu ce que produisit en Allemagne la querelle de l'Autriche et de la Bavière : l'Italie fut aussi bientôt désolée pour cette succession autrichienne. Le Milanais était réclamé par la maison d'Espagne : Parme et Plaisance devaient revenir, par le droit de naissance, à un des fils de la reine née princesse de Parme. Si Philippe V avait voulu avoir le Milanais pour lui, il eût trop alarmé l'Italie; si l'on eût destiné Parme et Plaisance à don Carlos, déjà maître de Naples, trop d'états réunis sous un même souverain eussent encore alarmé les esprits. Don Philippe, puîné de don Carlos, fut le premier auquel on destina le Milanais et le Parmesan. La reine de Hongrie, maîtresse du Milanais, faisait ses efforts pour s'y maintenir; le roi de Sardaigne, duc de Savoie, revendiquait ses droits sur cette province; il craignait de la voir dans les mains de la maison de Lorraine entée sur la maison d'Autriche, qui, possédant à la fois le Milanais et la Toscane, pourrait un jour lui ravir les terres qu'on lui avait cédées par les traités de 1737 et 1738; mais il craignait encore davantage de se voir pressé par la France et par un prince de la maison de Bourbon, tandis qu'il voyait un autre prince de cette maison maître de Naples et de Sicile.

Il se résolut, dès le commencement de 1742, à s'unir avec la reine de Hongrie, sans s'accorder dans le fond avec elle :

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