il la jette dans la mer, et cela fait, s'en revint à | Polycrate n'allèrent pas en Égypte, mais ayant terre; et retourné en sa maison était chagrin de ❘ vogué seulement jusqu'à Carpathos, là se con ce malheur. Cinq ou six jours après lui avint ce que voici: Un pêcheur avait pris un poisson grand et beau, et tel qu'il lui parut mériter d'être offert en don à Polycrate, et pour cela s'en vint aux portes, disant qu'il voulait être admis en sa présence, ce qui lui étant octroyé, il parla en ces termes : « Roi, j'ai pris celui-ci et ne l'ai pas voulu porter vendre au marché, pauvre homme que je suis toutefois, qui en ce faisant gagne ma vie; mais il m'a semblé digne de toi, pourquoi je l'apporte et te le donne. » Lui aise d'entendre ce propos, repart : « Tu as grandement raison, et double grâce t'en est due de ton dire et de ton présent, et nous t'invitons à souper. Le pêcheur, qui tint à grand heur cette invitation, s'en retourna en son logis; et cependant les serviteurs coupant le poisson, trouvèrent dans son ventre la bague même de Polycrate, laquelle ils prirent dès qu'ils la virent, et joyeux la portèrent vitement à Polycrate, et la lui donnant lui contèrent en quelle sorte ils l'avaient trouvée. Lui, comme il crut y voir en cela quelque chose de divin, écrit dans une lettre tout ce qu'il avait fait et comment lui en avait pris, et tout étant écrit, il dépêche en Égypte. Ayant donc le roi Amasis lu cette lettre, qui venait de la part de Polycrate, comprit qu'homme ne peut préserver un autre homme de chose qui lui doit avenir, et que Polycrate ne devait pas faire bonne fin, ayant heur en tout, à tel point de retrouver même ce qu'il avait voulu perdre exprès. Si lui envoya en Samos un héraut, disant qu'il rompait avec lui l'hospitalité; ce qu'il fit pour cette raison, afin que venant Polycrate à choir en quelque grande et terrible disgrace, il n'en eût point le deuil au cœur comme pour un hôte et un ami. Contre ce Polycrate donc heureux en tout, les Lacédémoniens entreprirent une guerre, mus à ce faire et appelés par ceux d'entre les Samiens qui depuis fondèrenten Crète la ville de Cydonie. De sa part Polycrate dépêchant à Cambyse, fils de Cyrus, qui lors armait contre l'Égypte, le pria qu'il lui plût envoyer en Samos lui demander, à lui Polycrate, une armée; ce qu'ayant entendu, Cambyse volontiers envoya en Samos vers Polycrate, qu'il requit de lui prêter une armée de mer pour son expédition d'Egypte. L'autre prend ceux des citoyens qu'il pensait lui être contraires, les envoie sur quarante galères, et mande à Cambyse de faire en sorte qu'ils ne retournassent point. Aucuns disent que ces Samiens envoyés par seillèrent entre eux, et résolurent de ne point aller plus avant. D'autres content que venus en Égypte on les gardait, et qu'ils s'enfuirent sur leurs vaisseaux, avec lesquels, comme ils retournaient en Samos, Polycrate vint à leur rencontre ; il y eut combat, ils vainquirent et débarquèrent dans l'île, où ayant de nouveau combattu, ils eurent du pire et se rembarquèrent, enfin vinrent à Lacédémone. Mais il en est aussi qui disent que ceux-là revenant d'Égypte, vainquirent Polycrate, en quoi, selon moi, ils disent mal. Car ces gens n'eussent eu que faire du secours de Lacédémone, étant par eux-mêmes capables de le ranger à la raison. Joint qu'il n'y a nulle apparence que lui, ayant à sa solde une troupe étrangère et ses propres archers, nombreux aussi, n'ait su résister à ce peu qu'ils étaient retournant d'Égypte. Encore tenait-il enfermés dans les hangars de sa marine les femmes et enfants des citoyens demeurés sous lui, tout prêt à y mettre le feu et brûler les hangars et ces otages avec, si leurs parents l'eussent trahi en faveur de ceux qui revenaient A Sparte arrivés, ces Samiens, que Polycrate avait chassés, se rendirent près des magistrats, et là disaient beaucoup de choses, comme gens qui se trouvaient en grande nécessité. Eux à la première harangue répondirent qu'ils en avaient oublié le commencement, et ne comprenaient pas la fin. A la seconde audience, ils ne haranguèrent plus, mais ayant apporté un thulacos vide, le montraient disant qu'il avait faute de farine. A quoi l'on repartit que le thulacos seul en aurait dit assez, et toutefois fut résolu de les secourir. Adonc toutes choses préparées pour cette expédition, les Lacédémoniens passèrent à Samos, en récompense, disent les Samiens, de ce qu'eux les avaient aidés de leurs vaisseaux contre les Messéniens; mais, comme le racontent ceux de Lacédémone, ce fut moins pour donner secours aux Samiens que pour eux-mêmes se venger de l'enlèvement du cratère qu'ils portaient à Crésus, et du corselet que le roi d'Égypte Amasis leur envoyait en présent. Car les Samiens leur prirent, un an avant le cratère, ce corselet, lequel étant de lin avec beaucoup d'animaux en tissu, orné d'or et de laine de coton, est admiré pour ce regard, et aussi pour ce que chaque fil, fin comme • Sac de cuir qui servait à porter en voyage une provision de farine. il est, a cependant en soi trois cent soixante fils | retour à Corinthe, il ne voulut plus aucunement Or aidèrent les Corinthiens à l'armement contre Samos, et volontiers y prirent part. Car il y avait un outrage à eux fait par les Samiens une génération avant, lorsque le cratère fut volé. Car comme une fois Périandre, fils de Cypselus, envoya pour être coupés à Sardes chez Alyattès, trois cents jeunes enfants des premières familles de Corcyre, ceux qui les menaient, Corinthiens, étant abordés en Samos, la chose fut contée aux Samiens, comment et pourquoi ces enfants s'en allaient à Sardes, et eux premièrement leur montrèrent à toucher le temple de Diane; puis ne souffrant pas qu'on les enlevât suppliants du temple, comme ceux de Corinthe empêchaient qu'ils n'eussent à manger, les Samiens firent une fête de laquelle ils usent encore aujourd'hui en même façon. La nuit venue, durant tous le temps que les enfants furent suppliants, ils dressaient des chœurs de jeunes filles et de jeunes garçons, et dressant ces chœurs ordonnèrent par une loi qu'on y portât des gâteaux de sesame et de miel, à celle fin que les dérobant, les enfants des Corcyréens eussent de quoi se nourrir; et dura cette façon de faire jusques à tant que les Corinthiens, gardes de ces enfants, les laissant, s'en allèrent, et lors les Samiens les ramenèrent à Corcyre. De vrai si les Corinthiens, mort Périandre, eussent été amis des Corcyréens, ils ne se fussent pas sans doute, pour le souvenir de cette affaire, joints aux ennemis de Samos; mais jamais depuis le temps que l'ile fut peuplée par eux, ils n'ont paru d'accord ensemble, bien qu'entre eux cependant il y ait.... Voilà pourquoi les Corinthiens en voulaient à ceux de Samos. Or, Périandre envoyait à Sardes pour être coupés ces enfants des premiers de Corcyre, afin de se venger. Car les Corcyréens d'abord avaient commencé par un acte horrible envers lui. Car après que Périandre eut tué sa femme Mélissa, un autre malheur lui avint après celui-là. Il avait de Mélissa deux fils âgés l'un de dix-sept, l'autre de dix-huit ans. Leur grand-père maternel Proclès, qui était tyran d'Epidaure, les ayant fait venir devers lui, les chérissait comme on peut croire, étant les enfants de sa fille, et le jour qu'il les renvoya, leur dit en les reconduisant : « Savez-vous bien, enfants, qui est celui qui a tué votre mère ? » Parole dont l'aîné tint peu de compte; mais le plus jeune, appelé Lycophron, en eut telle douleur en l'âme, qu'étant de 1 Quelques mots manquent au texte. parler à son père, ni répondre à quoi qu'il lui pût dire ou demander; interrogé par lui, se taisait. Pourquoi Périandre en colère à la fin le chasse de sa maison; et ayant chassé celui-là', s'enquit à l'aîné de ce que leur grand-père leur avait dit et de quels propos il s'était avec eux entretenu. L'autre lui conte comme quoi ils en avaient été reçus avec joie et caresses grandes; mais de ce mot que leur dit Proclès en les reconvoyant il ne s'en souvenait pas comme n'y ayant fait d'abord nulle attention. Périandre alors repart qu'il n'était pas possible au monde que leur grand-père ne leur eût donné quelque avis, et à force de l'interroger, fit tant que le jeune homme enfin se souvint de cela et le dit. Telle chose ouïe, Périandre, délibéré de ne céder ni s'amollir en nulle sorte à l'égard de son autre fils, où il le savait coutumier de se retirer, là envoyait un messager défendre aux gens de le recevoir, et lui, comme on le faisait sortir d'une maison, s'en allait en une autre, d'où on le chassait encore à cause des menaces de Périandre et de ces ordres qu'il donnait afin de l'exclure de partout; ainsi chassé il recourut à divers de ses amis, lesquels, comme enfant de Périandre, le recevaient, craignant toutefois. Mais Périandre fit publier un ban portant que qui le logerait, ou lui parlerait seulement, payerait une amende sacrée à Apollon, disant de combien. Après ce ban, il n'y eut personne qui le voulût plus recevoir en sa maison ni lui parler. Luimême cessa de tenter d'être admis nulle part, et depuis hantait sous les portiques, couchant à terre et manquant de tout. Au bout de quatre jours, Périandre qui le vit affamé, mal en point pour ne s'être lavé de longtemps, en eut compassion, en quittant sa colère, s'approcha de lui et lui dit : «< O enfant, lequel donc te semble à préférer, ou ton sort tel qu'il est maintenant, ou me succéder et avoir, étant attaché à ton père, la tyrannie et les biens que j'ai, toi, mon fils, qui né roi de la riche Corinthe, as choisi cette vie misérable et maudite en me résistant et te prenant à qui fallait le moins? Si chose est avenue dont tu aies contre moi soupçon, à moi d'abord en est le mal, dont j'ai d'autant plus à souffrir que seul j'en suis cause. Mais toi, connais enfin combien mieux vaut faire envie que pitié, et voyant la folie que c'est de se courroucer à son père et plus fort que soi, va de ce pas à la maison. » Ainsi l'avisait Périandre; mais l'enfant ne lui répondit autre chose, sinon qu'il devait l'amende un Le troisième descendant de cet Archias-là, autre Archias, je l'ai connu moi-même à Pitane, duquel bourg il était, et de tous les étrangers c'étaient les Samiens qu'il honorait le plus; et me dit que son père avait eu nom Samius, de ce que son père Archias était mort vaillamment en ce combat de Samos, et m'ajouta qu'il honorait surtout les Samiens, à cause que son aïeul fut publiquement par eux enseveli fort bien. sacrée au dieu pour lui avoir parlé. Périandre ¡ nombre, lesquels, ayant tenu tête aux Lacédéalors, connaissant que le mal en lui ne se pouvait moniens quelque peu de temps, s'enfuirent, et adoucir ni vaincre, l'éloigne de ses yeux et l'en- eux les poursuivant en tuaient. Si dans cette voie sur un navire à Corcyre, dont il était maître journée les Lacédémoniens eussent fait tous aussi aussi. Lui parti, Périandre fit la guerre à son bravement comme Archias et Lycopas, sans faute beau - père Proclès, qu'il pensait être auteur le Samos était prise. Car Archias et Lycopas, à la premier de ses peines, prit la ville d'Epidaure, et poursuite de fuyards, s'étant seuls jetés avec eux prit aussi Proclès, et le garda vivant; et comme dedans l'enceinte des murailles, la retraite leur avec le temps Périandre, avancé en âge, sentit fut coupée, ainsi périrent-ils dans la ville des Sane pouvoir désormais voir et gouverner les af- miens. faires, alors il mande de Corcyre Lycophron, pour qu'il vint prendre la tyrannie, n'ayant aucun égard à l'aîné de ses fils, qui lui semblait être de trop faible entendement; mais Lycophron ne daigna même répondre au message. Le père, qui avait mis en lui son espérance, envoie à ce jeune homme une autre fois sa sœur, fille de lui Périandre, pensant qu'il se devait plutôt laisser persuader à elle, laquelle devers lui venue, lui ayant dit : « O enfant, souffriras-tu donc la tyrannie passer à d'autres, la maison de ton père s'abîmer, plutôt que toi venir et la tenir? Habite en ton logis, cesse de te tourmenter; désir de gloire chose vaine; et ne tâche point à guérir le mal par le mal. Plusieurs ont préféré au droit l'accommodement; plusieurs se sont vus perdre la paternelle chevance en requérant celle de leur mère. La tyrannie échappe; beaucoup en sont amants. Le voilà vieux, cassé; ne livre point à d'autres le bien qui t'appartient. >> Après avoir tenu Samos assiégé quarante jours, les Lacédémoniens, voyant qu'ils n'en étaient de rien plus avancés, s'en retournèrent au Péloponèse. Un sot propos en a couru, que Polycrate, ayant frappé en plomb force pièces du pays, les fit dorer, les leur donna, et qu'eux les prenant s'en allèrent. Cette guerre fut la première que firent en Asie les Doriens. Ceux des Samiens qui étaient venus en Samos contre Polycrate, avec les Lacédémoniens, sur le point d'en être quittés, passèrent à Siphnos; car Elle donc lui disait, instruite par leur père, ce ils avaient besoin d'argent, et les affaires des qu'elle croyait plus capable de l'attraire et fléchir Siphniens florissaient alors. Ils étaient les plus rison cœur; mais il lui répondit disant que jamais ches de tous les insulaires, comme ayant dans leur n'irait à Corinthe, tant qu'il saurait son père en île des mines d'or et d'argent, si que de la dîme vie. Ce qui étant par elle rapporté à Périandre, du produit, ils en ont consacré à Delphes un trépour la troisième fois il envoie un héraut, vou- sor égal aux plus riches, et chaque année se parlant aller lui-même demeurer à Corcyre, et man- tageaient les sommes provenantes de ces mines. dait à son fils de s'en venir en Corinthe prendre Or quand ils faisaient ce trésor, ils demandèrent la tyrannie; à quoi lui s'étant accordé, ils se pré-à l'oracle si leurs biens présents leur devaient paraient pour passer, Périandre en Corcyre et l'enfant à Corinthe. Mais ceux de Corcyre, informés de toutes ces choses, afin d'empêcher que Périandre ne fût en leur pays, mettent à mort le jeune homme; ce fut là la cause pourquoi Périandre se voulut venger des Corcyréens. Les Lacédémoniens, avec une puissante flotte, arrivés devant Samos, la tenaient assiégée. D'abord, attaquant le mur du côté de l'esplanade, ils montèrent sur la tour qui est au bord de la mer, mais bientôt en furent chassés par Polycrate même accouru avec un gros de gens. Cependant, par la tour d'en haut, bâtie sur la croupe du mont, sortirent les alliés et des Samiens bon longtemps demeurer. La pythie leur fit cette réponse: Alors que dans Siphnos Prytanée blanc sera, et blanc le sourcilleux marché, Siphnien sagement fera si caut en son ile caché, il évite embúche de bois et rouge heraut. Le marché de Siphnos, en ce temps-là, et le Prytanée étaient revêtus de pierre de Paros; ils ne surent comprendre l'oracle, ni lors, ni depuis à la venue des Samiens; car les Samiens, dès qu'ils eurent pris terre en Siphnos, envoyèrent sur un de leurs navires des parlementaires à la ville. Tous les vaisseaux jadis étaient peints de vermillon, et c'était cela que la pythie avait prédit aux Siphniens, parlant d'une embûche de bois et d'un héraut rouge. Venus, ces envoyés requirent les Siph- | niens de leur prêter dix talents, ce que ceux-ci refusèrent, et les Samiens se mirent à piller le pays; quoi entendant, ceux de Siphnos accourent pour défendre leurs biens, et dans le combat eurent du pire; même beaucoup d'entre eux ne purent regagner la ville, le chemin leur étant coupé par les Samiens qui leur firent payer ensuite cent talents. Ils eurent pour argent des Hermionéens une île près du Péloponèse, Hydrée, qu'ils remirent aux Trézéniens comme dépôt, puis fondèreut en Crète Cydonie, n'étant pas venus dans ce dessein, mais bien pour expulser de l'île les Zacynthiens. Ils y demeurèrent et vécurent en prospérité l'espace de cinq ans, tellement que tous les lieux sacrés, qu'on voit maintenant à Cydonie, sont leur ouvrage; aussi est le temple de Dictyne. Mais la sixième année, ceux d'Égine les vainquirent dans un combat naval, et les firent esclaves; les proues qu'ils ôtèrent de leurs vaisseaux, faites en hures de sanglier, ils les consacrèrent dans le temple de Minerve à Égine. Les Éginètes en usèrent de la sorte avec les Samiens, par une haine envenimée que de longtemps ils leur portaient; car les Samiens les premiers, régnant Amphicrate à Samos, passèrent en Égine armés, firent aux Éginètes de grands maux, et non moins en eurent à souffrir, de quoi la cause ne fut autre. Or ai-je voulu m'étendre un peu sur le propos des Samiens, parce que les trois plus grands ouvrages de la Grèce entière sont faits par eux. D'une montagne haute de cent cinquante orgyies, la fosse ou trouée, commençant d'en bas avec double ouverture, sept stades sont la longueur de la fosse, hauteur huit pieds, largeur égale; par le milieu de celle-ci une autre fosse de bout en bout a de profondeur vingt coudées, trois pieds de large, par où l'eau d'une grosse source est conduite jusqu'à la ville dans des tuyaux; de laquelle fosse ou trouée l'architecte était de Mégare, Eupalinus, fils de Naustrophus, et voilà un des trois ouvrages; le second, c'est une levée dans la mer autour du port, profondeur quelque vingt orgyies; longueur de la levée, plus de deux stades; le troisième qu'ils ont fait est un temple, le plus grand de tous les temples connus, dont fut le premier architecte Rhocus, fils de Philès, né du pays; pour cela j'ai voulu davantage m'étendre au sujet des Samiens. Cependant que Cambyse séjournait en Égypte, faisant tels actes de démence, deux hommes se rebellent contre lui, tous deux mages et frères dont l'un avait été par lui laissé gouverneur de sa maison. Il se souleva, parce qu'il vit la mort de Smerdis tenue secrète, que peu en étaient informés; la plupart même des Perses le croyaient encore en vie prenant son parti là-dessus, il attente à la royauté. Il avait un frère que j'ai dit s'être soulevé avec lui, tout à fait semblable de visage à Smerdis, fils de Cyrus, celui que Cambyse, son frère, avait fait mourir. Il ressemblait donc à Smerdis, et de plus avait nom comme lui Smerdis cet homme, à la persuasion du mage Patizithès, son frère, qui se faisait fort de lever toute difficulté, se laissa conduire et placer sur le siége royal, et cela fait, Patizithès envoie des hérauts partout, et en Égypte aussi, mandant à l'armée d'obéir à Smerdis, fils de Cyrus, et non plus à Cambyse. Les autres hérauts proclamèrent cela où ils allèrent, et aussi fit celui qui alla en Égypte; il trouva Cambyse et l'armée à Ecbatane de Syrie, et debout au milieu proclama ce qu'avait ordonné le mage. Cambyse entendant cela, et pensant être vrai le dire du héraut, et que Prexaspès l'avait trahi en ne tuant pas Smerdis, quand il en avait l'ordre, regarda Prexaspès au visage, et lui-dit : « Ainsi as-tu fait, Prexaspès, le devoir que je t'imposai ! » L'autre dit : « Maître, il n'est pas vrai, et ne peut être que Smerdis, ton frère, se révolte aujourd'hui, ni que jamais il ait querelle avec toi, grande ni petite; car moimême, ayant fait comme tu commandais, l'ai enseveli de mes propres mains : si à présent les morts reviennent, attends-toi de voir revenir aussi le Mède Astyagès; mais s'il en va comme devant et selon l'ordre de nature, oncques de lui nulle nouveauté ne s'élèvera contre toi. Or à cette heure, mon avis est qu'il convient appeler le héraut, afin de savoir par quel ordre il nous vient ici proclamer obéissance au roi Smerdis. » Ainsi fut fait, la chose approuvée par Cambyse; le héraut mandé arriva, et venu Prexaspès l'interroge : « Homme, qui te dis messager de Smerdis, fils de Cyrus, confesse ici la vérité, et tu t'en iras sans nul mal; est-ce lui Smerdis qui, présent à tes yeux, t'a donné cet ordre, ou quelqu'un de ses serviteurs?» L'autre répond : « Je n'ai point vu, depuis que le roi Cambyse est parti pour l'Égypte, Smerdis, fils de Cyrus; le mage que Cambyse a laissé pour gouverneur de sa maison m'a dépêché ici, disant que c'était Smerdis, fils de Cyrus, qui me commandait de parler à vous comme je l'ai fait. » Cambyse alors : « Prexaspès, en homme de bien tu as fait mon commandement, et partant tu es sans reproche; mais qui donc est vous n'avez plus le fils de Cyrus, Smerdis; mais ce sont les mages qui règnent, c'est un que je laissai gouverneur de ma maison, et son frère Smerdis. Celui qui maintenant saurait les punir et venger ma honte, a misérablement péri par ses plus proches! lui n'étant plus, ceci me reste à vous recommander, ô Perses, chose nécessaire et que je veux qui s'exécute après ma mort: je vous l'enjoins exprès au nom des dieux royaux, à vous tous, et à ceux surtout des Achéménides qui se trouvent ici présents; ne laissez pas la souveraineté retourner aux Mèdes; que s'ils l'ont usurpée par ruse, il faut par ruse la leur ôter, ou si la force les soutient, force plus grande les doit abattre. Faites ces choses, et ainsi puisse la terre vous donner tous ses fruits, vos femmes, vos brebis engendrer, vous étant libres à jamais; que si vous ne reprenez l'empire ou n'y faites du moins vos efforts, je vous veux et voue le contraire de tous ces biens: et davantage, que puissent avoir tous les Perses une fin pareille à la mienne. »> Cambyse, en disant ces paroles, déplorait son sort, et les Perses, quand ils virent le roi pleurer, se mirent tous à déchirer ce qu'ils avaient sur eux d'habits, et se lamenter sans mesure. Ensuite l'os s'étant carié, la cuisse fut tantôt pourrie et le mal emporta Cambyse, fils de Cyrus, après un règne de sept ans et cinq mois en tout, n'ayant lignée d'enfants ni mâle ni femelle. Les Perses là présents entrèrent en méfiance, et doutaient que vraiment les mages fussent devenus maîtres des affaires, soupçonnant Cambyse de dire à mauvais dessein ce qu'il disait de la mort de Smerdis, pour soulever contre lui la Perse. Eux tous tenaient pour assuré que c'était Smerdis fils de Cyrus qui se déclarait roi; car Prexaspès niait fortement avoir tué Smerdis, car il n'eût pas fait sûr pour lui, Cambyse mort, de confesser que le fils de Cyrus avait péri de sa main. << Force m'est à cette heure, ô Perses, de déclarer devant vous la chose que plus je voulais tenir cachée; car étant en Égypte, j'eus en songe une vision, cause de mon malheur ; il me fut avis que je voyais un messager venu de chez moi, m'annoncer que Smerdis, assis sur le siége royal, tou- Le mage donc, après que Cambyse fut mort, chait de sa tête le ciel; pourquoi appréhendant régna paisiblement, profitant du nom qu'il avait que mon frère ne m'ôtât l'empire, je fis plus vite le même que Smerdis, fils de Cyrus, pendant les que sagement. Aussi ne peut l'humaine faiblesse sept mois qui restaient à remplir les huit ans de détourner le mal à venir. Insensé lors, j'envoie Cambyse; durant lesquels il fit tant bien, qu'à sa à Suses Prexaspès tuer Smerdis, et après un si mort tout le monde en Asie le regretta, hormis grand méfait, je vivais sans peur, ne pensant pas les Perses; car envoyant de tous côtés aux nations que jamais personne, lui mort, se pût soulever qu'il gourvernait, il publia une exemption de contre moi; mais ayant failli à comprendre ce qui milice et d'impôts pour trois ans le mage fit m'était prédit, je fus mal à propos meurtrier de cette publication aussitôt son avénement, mais mon frère et n'en perds pas moins mon empire; il fut au huitième mois reconnu en cette manière. car c'était le mage Smerdis que la divinité me mon- Otanès était fils de Pharnaspès; par sa naistrait dans cette vision se devoir contre moi rebel- sance et ses richesses égal aux plus grands de la ler. La chose est faite toutefois, et comptez que | Perse. Le premier de tous, cet Otanès soupçonna |