sible d'en faire de meilleurs. Dans cette satire, qui est entièrement dans le goût d'Horace, Boileause fait son procès à lui-même, pour avoir le droit de le faire aux autres, et s'excuse ainsi de ses critiques. Et je serai le seul qui ne pourrai rien dire ! Et souvent, sans ces vers qui les ont fait connaître Sa satire vi, qui est dans le goût de Perse, le dispute également à tout ce que les anciens ont fait de meilleur en ce genre. Ses épîtres sont généralement regardées comme encore supérieures à ses satires; on place la neuvième au-dessus de toutes les autres. Rien de plus séduisant pour la versification, et de plus profond en morale que cette peinture du vrai : Un cœur noble est content de ce qu'il trouve en lui, Fait bouillonner mon sang et pétiller mes yeux? Ne tend qu'à faire aux yeux briller la vérité. J'aime un esprit aisé qui se montre, qui s'ouvre, On admire dans le Lutrin le feu, la verve, la fécondité qui, sur un pupitre remis et enlevé, ont pu créer un poème en six chants. La fable, pêndant les six premiers chants, est bien conduite; la vérité des caractères, la vivacité des peintures, y répandent un intérêt dont le sujet ne paraissait pas susceptible, c'est-à-dire l'amusement à de grands débats pour de petites choses. Parmi une foule de portraits d'une perfection et d'une vérité admirables, on distingue celui du prélat endormi, et que la Discorde vient réveiller: Dans le réduit obscur d'une alcôve enfoncée, L'art Poétique de Boileau joint les meilleurs préceptes aux plus beaux exemples, et fait regarder avec raison son auteur comme le législateur des lettres; ce poème didactique, qui est peut-être le chef-d'œuvre de Boileau, a pour garant de son immortalité, l'art étonnant de répandre les fleurs de l'imagination sur l'aridité des préceptes, et le mérite d'une utilité générale. Ce poème est imité d'une épître d'Horace, mais Boileau a fait un poème dans toutes les règles de ce qut n'était qu'un recueil de réflexions écrites, pour ainsi dire, comme elles se présentaient à l'esprit du poète, et avec l'abandon qui doit régner dans une lettre ; car l'épître n'est autre chose qu'une lettre écrite en vers, Boi leau, dans son poème, prend toujours le style du genre d'ouvrage dont il enseigne le précepte et dont il dépeint les difficultés; ainsi, en parlant de l'idylle, toutes ses expressions sont douces et simples comme ses images. Telle qu'une bergère, au plus beau jour de fête, Et, sans mêler à l'or l'éclat des diamans, Cueille en un champ voisin ses plus beaux ornemens ; Au contraire, cet autre, abject en son langage, Ne quittent point vos mains, jour et nuit feuilletés. Seuls, dans leurs doctes vers, ils pourront vous apprendre DE LA FABLE. LA FONTAINE. DANS tous les genres de poésie, la supériorité plus ou moins disputée a partagé l'admiration TOME I. S'agit-il de l'épopée, Homère, Virgile, le Tasse, se présentent à la pensée. Dans la tragédie, l'ode, la satire, Athènes, Rome, Paris, nous offrent des talens rivaux. Après Molière, on peut encore citer Regnard. Il n'existe qu'un genre de poésie dans lequel un seul homme ait si particulièrement excellé, que ce genre lui est resté en propre, et ne rappelle pas d'autre nom que le sien. Nommer la fable, c'est nommer La Fontaine; le genre et l'auteur ne font plus qu'un. Il a tellement imprimé son caractère dans ses écrits, ce caractère est si aimable, qu'il s'est fait des amis de tous les lecteurs. On adore en lui la bonhomie, devenue pour la postérité un de ses attributs distinctifs; le bonhomme La Fontaine, voilà le nom qui lui est resté. Molière dit un jour à Racine et à Boileau : « Messieurs, ne raillons point du bonhomme La Fontaiue; il ira plus loin « que nous». La fable du Chêne et du Roseau, celle du Statuaire, celles du paysan du Danube, des deux Pigeons, des deux Amis, offrent des exemples du sublime de sentiment et du sublime d'expression; il règne dans une infinité d'autres une délicatesse, une naïveté, non moins admirables. Quoique ses fables soient sues par cœur dès l'enfance, nous ne pouvons nous refuser à transcrire ici celle du Chêne et du Roseau. Le Chêne un jour dit au Roseau : Fait rider la face de l'eau Vous oblige à baisser la tête; Cependant que mon front, au Caucase pareil, Tout vous est aquilon, tout me semble zéphyr. Encor, si vous naissiez à l'abri du feuillage Vous n'auriez pas tant à souffrir; Mais vous naissez le plus souvent Sur les humides bords des royaumes du vent. Les vents me sont moius qu'à vous redoutables : Résisté sans courber le dos; Mais attendons la fin. Comme il disait ces mots, Le plus terrible des enfans Que le nord eût porté jusque-là dans ses flancs. Le vent redouble ses efforts, Et fait si bien qu'il déracine Celui de qui la tête au ciel était voisine, Et dont les pieds touchaient à l'empire des morts. La douce philosophie de La Fontaine se peint dans ces vers tirés de Philémon et Baucis : Ni l'or ni la grandeur ne nous rendent heureux. Ces deux divinités n'accordent à nos væœux Que des biens peu certains, qu'un plaisir peu tranquille : Véritable vautour, que le fils de Japet Représente enchaîné sur son triste sommet. Il lit au front de ceux qu'un vain luxe environne, Rien ne trouble sa fin, c'est le soir d'un beau jour. On retrouve sans cesse dans ses fables la simplicité de son caractère et de ses mœurs, la saine raison, l'amour de la vertu, la vraie sagesse, et l'art de la faire aimer. BOURSAULT. Les fables de Boursault ne sont pas sans talent; |