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» L'EXPIRATION DES DIX ANS que les héritiers ont le droit de PRO» VOQUER la déclaration d'absence. La sage lenteur que le titre 11 >> apporte dans la procédure qui doit avoir lieu, est une garan» tie, etc. » (Locré, p. 91).

Voltaire a dit qu'un auteur doit en savoir beaucoup plus que son livre. Cela est surtout vrai de l'auteur d'un manuel; et c'est peut-être à cause de cela que les bons manuels sont si rares. Il n'est pas plus aisé d'être sobre que d'être abondant; car pour omettre avec discernement et à propos, on doit également savoir et tout ce que l'on dit et tout ce que l'on ne dit pas. Un savant de la veille ne vous fait grâce de rien, et il se hâte d'enseigner aux autres tout ce qu'il vient d'apprendre lui-même. Nos auteurs se sont bien gardés de tomber dans ce défaut; leur mérite est d'avoir su se contenir, se borner, se résigner à mettre en deux lignes ce qui leur a coûté quelquefois quinze jours de lecture ou de méditation, d'avoir visé à la concision autant qu'à la clarté. Nous les félicitons d'avoir fait le sacrifice d'un amour-propre vulgaire; un manuel est à ce prix. Pourquoi d'ailleurs les professeurs dédaigneraient-ils, en France, ces utiles et modestes travaux dont s'honorent leurs plus illustres confrères des universités d'Allemagne? Nous ne sommes pas de ceux qui craignent que les manuels, en se multipliant, en se répandant, n'affaiblissent peu à peu l'enseignement de nos écoles et n'amènent la solitude dans nos amphithéâtres. Nous avons de cet enseignement une trop haute idée, nous sommes trop convaincu de sa nécessité, pour croire qu'il soit jamais sérieusement menacé. Les cours et les livres élémentaires répondent à deux besoins très-différents; ils agissent sur l'esprit d'une manière non moins diverse qu'utile. Il y a dans la parole vivante du professeur un don d'initiation, une puissance communicative que rien ne remplace; il y a dans le geste, dans la voix, dans le regard, dans tout ce qui compose l'action oratoire, il y a dans les formes variées d'un langage incisif, pittoresque, parfois même passionné, il y a dans cette muette correspondance qui s'établit bientôt entre le professeur et les élèves, un je ne sais quoi qui vous électrise, qui commande et soutient l'attention, qui pénètre et ouvre les intelligences les plus rebelles. Voilà ce qui assurera éternellement à l'enseigne

ment oral une incontestable supériorité, et qui en fera dans tous
les temps l'indispensable condition de toutes fortes études. N'ap-
pliquons pas ici le précepte d'Horace :

Segnius irritant animos demissa per aurem
Quam quæ sunt oculis subjecta fidelibus..

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C'est tout le contraire qu'il faut dire. Mais la parole du professeur est accidentelle et fugitive; l'enseignement écrit est permanent et continu. Le manuel et le cours s'aident et se complètent réciproquement, sans se nuire. Où se fait-il plus de cours et de livres élémentaires qu'en Allemagne ? Et chez nous, depuis dix ans, en même temps que des manuels bons et mauvais ont surgi de tous côtés, n'avons-nous pas vu s'élever le niveau des études ? C'est donc sincèrement et dans un intérêt scientifique, que nous souhaitons l'achèvement et le succès de l'œuvre entreprise par M. Du Caurroy, avec la collaboration de MM. Bonnier et Roustain. Mais, nous ne chercherons pas à le dissimuler, ce qui leur vaut surtout toutes nos sympathies, c'est que nous voyons en eux des auxiliaires de la réaction qui se manifeste depuis assez longtemps contre l'exagération de l'esprit analytique, contre les abus du culte de la lettre.

C. GASLONDE.

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Notice nécrologique sur M. le président Chardon.

Par M. A. LEBAIGUE, avocat.

Encore une grande perte pour la science, encore un homme de bien à regretter. Trop vraie, hélas! cette pensée de Lucrèce :

Nam nox nulla diem, neque noctem aurora secuta est,

Quæ non audierit mixtos vagitibus ægris

Ploratus, mortis comites et funeris atri.

Mais si la mort l'a frappé, jamais existence ne fut mieux remplie, et c'est par la seule force de sa volonté que M. le président Chardon sut arriver à l'un des postes les plus brillants de la magis

trature. Quel bonheur n'éprouve-t-on pas à retracer cette vie si belle, si pure, si pleine de loyauté et de désintéressement!

Jacques-Olivier Chardon naquit à Auxerre en 1761. Son père, notaire de cette ville, mourut fort jeune, laissant dans une position précaire sa veuve et trois enfants, dont M. Chardon était l'aîné. Femme d'un esprit supérieur et d'une éducation distinguée, madame Chardon employa toutes ses ressources à donner aussi à ses enfants une éducation forte et complète.

Placé au collège d'Auxerre, fondé par Amyot et dirigé alors par les oratoriens, dont la réputation était dans tout son éclat, le jeune Chardon profita rapidement des leçons de ces maîtres si distingués et si savants Circonstance bien rare dans les jeunes enfants, Chardon réunissait à une grande facilité et à une extrême vivacité d'esprit, une ardeur indicible dans le travail. Dès ses plus jeunes années, il montrait déjà cette délicatesse de sentiments qu'il conserva dans toutes ses actions, pendant toute sa vie; et le désir de ne plus être à charge à sa mère, de lui donner au contraire le bien-être dont elle se privait pour ses enfants, était, dans un âge aussi tendre, le mobile de ses pensées et de ses efforts.

Un fait suffira pour montrer avec quelle puissance ce besoin d'instruction agissait sur le jeune élève : bien souvent, au milieu de la nuit, on voyait Chardon endormi se lever, se rendre à la classe et terminer des devoirs qu'il était tout surpris de trouver achevés le lendemain. Aussi ses succès furent-ils éclatants, et Chardon laissa-t-il à son collége des souvenirs qui durèrent jusque bien après la retraite de ses maîtres.

Ses études terminées, Chardon se voua à la profession d'avocat, et se rendit à Dijon pour y suivre les cours de la Faculté. Étudiant, le jeune homme resta ce qu'il avait été collégien ; même ardeur au travail, même succès dans les résultats. Il fit une étude approfondie du droit romain et surtout du droit coutumier, qui plus tard devaient si puissamment l'aider dans ses commentaires sur le Code civil.

Pendant trois ans, Chardon resta dans cette Faculté, et c'était avec une joie bien douce et bien vive qu'il racontait dans la suite cette époque de sa vie, et surtout les voyages qu'il faisait chaque

année à sa ville natale, qu'il affectionna toujours passionnément. « Je me rappelle, disait-il, qu'alors, ayant un petit sac de voyage où se trouvaient mes chers livres, mes bons compagnons, je parcourais à pied, leste et joyeux, les quarante lieues qui me sépa raient de ma mère. C'est que, de mon temps, les coches n'allaient pas assez vite, et les autres voies de transport coûtaient trop cher. >>

Après avoir terminé son cours de droit, Chardon se rendit chez un procureur au Châtelet de Paris, et vers l'année 1786 il rentra à Auxerre pour exercer la profession d'avocat à laquelle il s'était toujours destiné. Rien ne put le détourner de ce projet peu en rapport avec sa fortune, ni l'aridité des débuts, ni les gênes pécuniaires, ni les rivalités d'amour-propre : rien, en un mot, ne put changer sa détermination.

En peu de temps, Chardon prit au palais un rang distingué; l'extrême facilité de son élocution, l'élégance de sa parole, la force de son argumentation, à la fois vive, mordante, spirituelle et surtout profonde, le mirent bientôt à la tête du barreau. Il eut le bonheur de rencontrer un rival éloquent et digne de la lutte qu'il devait soutenir, dans Me Bazin, son confrère. Le talent qu'il déploya alors en maintes circonstances se grandit encore de cette rivalité, et bientôt Chardon n'eut plus rien à demander à la fortune et à la gloire.

La Révolution, qui renversa tant de fortunes et bouleversa tant d'existences, fit peu sentir ses rigueurs à l'avocat. Chardon pour tant, fidèle et dévoué à son pays, déposa sa robe pour répondre à l'appel de la patrie. Enrôlé volontaire, il voulut servir sans récompense et sans marque de distinction. Il refusa le grade d capitaine qui lui avait été décerné par ses concitoyens, grade qu plus tard conduisit à la gloire et à de hautes positions de fortun presque tous ceux qui l'avaient accepté.

Pendant et après la terreur, sa conduite resta toujours la même c'est-à-dire admirable de dévouement et d'intégrité; dans ce sanglantes époques, Chardon se dévoua à la défense des malheu reux accusés d'aristocratie, et fut assez heureux pour arrache à la mort ceux dont le crime était l'affection à des principes aux quels Chardon était lui-même dévoué. Toute sa vie il resta atta

ché à ses anciennes opinions, et ni le consulat ni l'empire ne purent lui faire accepter leurs faveurs.

Depuis trente ans Chardon exerçait à Auxerre la profession d'avocat, lorsqu'en 1816 M. Bellart le désigna comme conseiller à la cour royale de Paris. Mais quitter cette ville où il était né, où avait vécu sa mère, où sa réputation s'était formée et avait grandi, était un sacrifice qu'il ne put se résoudre à faire; il refusa. Ce fut alors qu'il fut appelé à la présidence du tribunal d'Auxerre, qu'il conserva comme titulaire jusqu'en 1845.

Pendant cette longue carrière, Chardon employa ses loisirs à écrire plusieurs ouvrages qui l'ont placé au rang des jurisconsultes les plus distingués. A la profondeur de la pensée, Chardon unit la clarté du style, et toutes ses œuvres sont écrites avec la plus extrême facilité. Il suivit une route jusqu'alors peu parcourue, en écrivant le Traité des alluvions, sujet complétement neuf, que nul n'avait abordé avant lui, et que ne régissait aucune loi spéciale; le traité Du dol, de la fraude et de l'usure, où l'homme pratique et le magistrat se révèlent à chaque page, où se trouvent réunis les principes les plus exacts du droit romain et du droit moderne; enfin le traité des trois puissances: puissance paternelle, puissance maritale et puissance de tutelle. Au moment de sa mort, M. Chardon écrivait un quatrième ouvrage sur la révision du Code civil; cet ouvrage est resté inachevé.

M. Chardon a encore écrit une Histoire de la ville d'Auxerre fort estimée, et qui lui a mérité une mention honorable de l'Académie.

Telle a été la vie de M. Chardon. Simple dans ses mœurs, d'une sobriété antique, d'une exactitude scrupuleuse dans l'accomplissement de ses devoirs, il prit pour modèle constant l'ancienne magistrature qu'il avait vue s'éteindre, et qu'il avait toujours entourée de ses respects. Peu d'hommes ont eu autant de persévérance pour le travail. Tous les jours, à six heures du matin, il entrait dans son cabinet, et jamais il ne prononça un jugement sans avoir lu jusqu'aux moindres notes du dossier, ayant toujours présente à l'esprit cette parole de l'Écriture: Diligite justitiam, qui judicatis terram. M. Chardon redoutait si vivement tout ce qui aurait pu le déranger, ou paraûre même le déranger

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