phénomène que présente une nappe d'eau parsemée de flotteurs cylindriques lestés, si l'on fait décrire à un seul de ces flotteurs plusieurs oscillations successives. Le flotteur ébranlé devient le centre d'un système d'ondes circulaires qui se propagent à la surface du liquide, et les autres flotteurs se meuvent comme l'eau ambiante. Cette matière hypothétique qui sert, en quelque sorte, de mer commune à tous les atomes, n'est autre chose que l'éther. On me permettra d'user quelque temps de cette comparaison, qui, si grossière qu'elle soit en regard d'un phénomène si délicat, a cependant l'avantage d'en donner une sorte de représentation. Si nous supposons qu'un certain nombre de flotteurs, au lieu de demeurer indépendants les uns des autres se rapprochent, sous l'influence de certaines forces attractives, leur assemblage plus ou moins rigide sera une image de ce que nous appelons un corps. Or dans ce quinconce de flotteurs balancés dans le même liquide, on peut imaginer deux sortes de mouvements : les uns qui affecteront principalement les flotteurs, les autres qui les laisseront immobiles. Tout mouvement vertical du liquide se traduira par des oscillations verticales des flotteurs. Mais on peut imaginer que des courants horizontaux se propagent par les interstices laissés libres entre les flotteurs, sans que ceux-ci modifient leurs positions relatives; ils pourront être entraînés ensemble, mais le quinconce demeurera intact; ou si quelque force particulière le retient dans sa position primitive, le liquide passera à travers ses mailles, comme l'eau s'écoule entre les arches d'un pont. Revenons maintenant aux atomes matériels suspendus dans un milieu éthéré; il pourra de même arriver que les ondes qui se propagent dans ce quinconce moléculaire affectent principalement, suivant les circonstances, ou l'éther, ou les atomes. Si nous pouvions pénétrer dans les moindres détours de l'édifice moléculaire, savoir de quelle manière l'éther est condensé autour de ses parties, mesurer les distances des atomes, connaître leur forme, leur grandeur, leur position, leur poids, nous verrions de quelle façon une impulsion primitive se dissémine et se propage dans ce délicat microcosme. Mais comment obtenir toutes les données d'un tel problème? S'il a fallu tant de siècles pour explorer notre vaste système solaire et si, chaque jour encore, l'astronomie y fait des découvertes nouvelles et souvent inattendues, combien ne faudra-t-il pas de temps et d'efforts pour connaître le petit monde des tourbillons atomiques? C'est dans les corps cristallisés que nous devons chercher les systèmes les plus simples; aussi la cristallographie est-elle le terrain où la physique mathématique peut marcher avec le plus de sécurité. Mais, même après les admirables travaux de Fresnel, de Cauchy, de Lamé, et si simple que soit l'édifice moléculaire dans ces corps où la nature s'asservit à des lois toutes géométriques, nous ne sommes pas encore capables de démêler avec précision quelle part, dans chaque espèce de mouvement, est laissée aux atomes et quelle part au fluide éthéré. Il est évident que dans le milieu complexe qui com pose les corps, les deux éléments de la substance réagis sent constamment l'un sur l'autre. Mais tantôt le phénomène emprunte ce que l'on pourrait nommer sa caractéristique à l'agitation moléculaire, tantôt à l'agitation éthérée. La même quantité de mouvement, en se propageant dans des milieux divers, peut ainsi donner naissance à des phénomènes très-variés et en apparence tout à fait étrangers les uns aux autres. On ne peut plus douter que la lumière, la chaleur, l'électricité, le magnétisme, l'affinité chimique, enfin que la pesanteur elle-même ne soient les manifestations variables de l'énergie mécanique répandue dans le monde. S'il était permis d'en essayer une classification grossière, on pourrait dire que dans le phénomène lumineux, cette énergie s'épuise, en quelque sorte, sur l'éther; l'électricité et le magnétisme semblent dus surtout à un mouvement atomique; l'affinité chimique ne change pas seulement la direction des atomes, elle les déplace, les remue, les groupe; enfin la pesanteur transporte la masse entière des corps, sans changer l'équilibre atomique. Toutes ces forces sont comme des ouvriers auxquels sont dévolues des tâches plus ou moins délicates, depuis la lumière qui joue avec l'impondérable, jusqu'à la pesanteur qui entraîne les mondes. Faire dans tout phénomène partiel la part de chacune de ces actions, telle est la tâche imposée à la physique; qu'il nous suffise, pour le moment, de remarquer combien s'efface, dans le travail éternel de la nature, le rôle de la pesanteur qui, pourtant, frappe si vivement notre imagination par ses effets grandioses et directement perceptibles. Supposons que le mouvement des corps célestes s'arrête tout d'un coup, et que tous les corps restent condamnés à une éternelle immobilité, il restera encore une source infinie d'énergie mécanique, répandue dans les petits tourbillons moléculaires et dans le fluide éthéré. Pouvons-nous cependant faire l'hypothèse inverse? Est-il permis de supposer que toute l'énergie mécanique de l'univers vienne à se concentrer dans le simple transport de masses corporelles? Cela semble au moins difficile: car nous serions obligés alors de supprimer tout mouvement intestin dans ces masses, d'y anéantir lumière, chaleur, électricité et le reste, d'y supprimer en un mot les qualités sans lesquelles nous ne pouvons plus concevoir la substance matérielle. On se trouve assez naturellement conduit à admettre que les mouvements invisibles de la substance consomment une plus grande quantité d'énergie mécanique que ses mouvements visibles tout cet appareil théâtral des soleils, des planètes et de leurs satellites, que l'astronomie nous montre pour étonner et subjuguer notre esprit, ne révèle sans doute que la plus faible, la plus mesquine partie de la force universelle. Des deux éléments qui composent le monde, le plus actif, le plus puissant, est celui que nous ne pouvons ni voir, ni toucher, ni peser, et dont l'existence est seulement démontrée à l'esprit. La nature cst gouvernée par un roi invisible. Corrélation des forces. La force motrice qui anime l'univers est un vrai Protée qui subit sans cesse de nouvelles métamorphoses. Suivez, par exemple, la chaleur dans le cycle de ses travaux : dans cette longue colonne vibratoire que nous appelons un rayon, elle tient les particules de l'éther dans un état constant d'agitation; aux bornes de l'atmosphère terrestre, le mouvement se communique aux atomes des divers gaz et des vapeurs qui forment cette enveloppe aérienne; presque tous dociles et légers, ces atomes obéissent aux moindres impulsions de l'éther avec une extrême facilité; mais les molécules de la vapeur d'eau, heureusement assez peu nombreuses, ne se mettent qu'à grand'peine à l'unisson des autres, elles opposent une puissante résistance au mouvement, et absorbent, sous forme de chaleur, près de quarante fois autant de force motrice que les autres parties constituantes de l'atmosphère. Un ingénieux physicien anglais, M. Tyndall, a montré comment la vapeur d'eau, bien que disséminée en bien faible proportion dans l'air, sert de véritable écran à la chaleur et en absorbe la quantité la plus notable. Que va devenir, après cette première perte de force vive, ce qui a échappé à l'action atmosphérique? Certaines substances sont à la chaleur ce que le verre est à la lumière; le sel gemme, par exemple, est un transparent du calorique, si, par analogie, il est permis d'employer ce mot. Les rayons de toute nature le traversent librement; mais qu'un métal, par exemple, se trouve sur le chemin du |