Il existe plusieurs recueils contenant un choix des lettres de madame de Sévigné. Le plus remarquable est celui que madame Tastu a publié en 1841. Celui que nous donnons, contiendra 101 lettres de plus que ce recueil fait avec le goût qu'on devait attendre de madame Tastu. Ces lettres, qui ne se trouvent point dans son édition, sont extraites, soit du choix donné par M. de Monmerqué (1), soit du choix moral, publié en 1824 (2), soit enfin du recueil complet de ses lettres, publiées par M. de Monmerqué, à qui nous devons la meilleure édition du texte et dont les notes si instructives sont le résultat d'une immense lecture. Parmi les additions que nous avons faites, on remarquera, dès le commencement, vingt lettres relatives au procès de Fouquet; elles offrent un vif intérêt, et elles sont aussi remarquables par le style que par le sujet qu'elles traitent. Nous pouvons affirmer que quiconque lira avec soin ce recueil, connaîtra tout ce que la correspondance de madame de Sévigné offre de plus saillant en ce qui concerne ses affections maternelles, et de plus instructif, sous le rapport des mœurs et de l'histoire du temps. Mais il y aura toujours avantage et plaisir à lire en entier cette vaste correspondance, que chacun cependant trouve encore trop courte, tant l'intérêt et le naturel du style en font oublier l'étendue au lecteur, charmé de se trouver initié à ce que l'âme et l'esprit de madame de Sévigné ont de plus intime, et à tous les secrets détails de cette époque, qui sera toujours legrand siècle de la France. Entre tous les ouvrages qui ont été écrits sur madame de Sévigné et sur son siècle, il n'en est aucun dont la lecture soit plus agréable et qui représente mieux l'état de la société à cette époque que celui que vient de publier M. Walckenaer, secrétaire perpétuel de l'Académie des inscriptions et belles-lettres. Au charme du style se joint l'intérêt, qui est souvent dramatique, comme, par exemple, lorsque l'auteur nous raconte l'enlèvement de madame de Miramion par Bussy Rabutin, ou, lorsqu'il nous fait assister à la lecture d'une pièce de Corneille, à l'hôtel de Rambouillet, en présence de madame de Sévigné, etc., etc. Nulle part on ne saurait trouver un exposé plus clair et plus précis de la Fronde. Enfin, ce qui ajoute un grand prix, même aux moindres détails, c'est qu'il n'en est aucun qui ne soit justifié par des preuves authentiques, où l'on retrouve l'érudition la plus étendue, qui sait se cacher dans les notes et qui atteste l'exactitude scrupuleuse de l'historien. A. F.-D. (1) Ce choix, en 2 volumes, publié chez Blaise, ne contient que 125 lettres. (2) Ce choix, en 3 volumes, publié chez Boulland, contient 233 lettres, souvent très-abregées. SUR MADAME DE SÉVIGNÉ. Sévigné (Marie de Rabutin-Chantal, marquise de), naquit en 1626, à Paris, paroisse Saint-Paul, de Celse-Bénigne de Rabutin, baron de Chantal, et de Marie de Coulanges, fille de Philippe de Coulanges, conseiller d'État. La première de ces deux familles était d'une noblesse bien plus ancienne que la seconde d'après une charte retrouvée par Bussy, l'origine des Rabutins remontait au XIe siècle. Marie de Rabutin était encore au berceau lorsqu'elle perdit son père; le baron de Chantal fut tué en 1627, en combattant sous les ordres du marquis de Toiras, pour repousser les Anglais de l'île de Ré. Sa veuve ne lui survécut que cinq ans. Restée orpheline à l'âge de six ans, Marie de Rabutin fut placée sous la tutelle de son aïeul maternel jusqu'à l'année 1636, où elle le perdit. Elle demeura depuis sous la surveillance de l'abbé de Coulanges, son oncle. C'est lui qu'elle désigne dans ses lettres sous le nom de Bien bon, et pour lequel elle témoigne si souvent, avec cet accent de sensibilité qui lui appartient, une reconnaissance toute filiale. Son enfance et sa jeunesse furent entourées, en effet, de soins tout paternels. Rien ne fut négligé pour qu'elle reçût autant d'instruction qu'il était permis alors aux femmes d'en avoir : et on leur permettait, on leur demandait même d'en avoir beaucoup. Ménage, qu'on lui donna pour précepteur, lui apprit le latin, l'italien, l'espagnol; le savant Chapelain contribua aussi à l'instruire. Aux sérieuses leçons de ces deux maîtres succédèrent celles d'une cour élégante et polie, qui commençait à servir de modèle à l'Europe pour la grâce des manières et la délicatesse de l'esprit. C'était la cour d'Anne d'Autriche, où elle passa les plus belles années de sa jeunesse. Elle se maria jeune encore en 1644: elle n'avait pas atteint sa dix-huitième année. Le marquis de Sévigné, qu'elle épousa, était un L'acte de naissance se trouve aux Archives de l'hôtel de ville de Paris, et a été publié par M. Ravenel. |