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ont pris pour appeler de tous côtés des secours d'hommes; d'armes et de munitions.

Un membre assure que les rebelles ne sont pas maîtres de Marvejols, et que cette ville est en état de faire une longue résistance, à moins qu'elle ne leur soit livrée par surprise.

Pelet. Depuis 89, il s'est fait trois insurrections dans le département de la Lozère; il y a six districts dans ce département : deux sont dans les Cevennes, et c'est là que se trouvent les patriotes. Je puis assurer la Convention qu'aussitôt qu'ils seront requis par les corps administratifs, ils s'empresseront d'éteindre le feu de la guerre civile. Remarquez d'ailleurs qu'il existe une contradiction entre la lettre écrite de Saint-Flour et celle envoyée par les commissaires du département de la Lozère. Dans la première, on annonce que la ville de Marvejols est au pouvoir des rebelles; dans la seconde, il n'en est pas du tout question; on vous parle seulement des mesures qu'on prend contre les rebelles. Je demande que la Convention prenne des mesures promptes et efficaces pour arrêter les progrès de la sédition.

Jean-Bon Saint-André. La Convention ne peut plus fermer les yeux sur les dangers qui menacent la liberté. Les torches de la guerre civile sont aliumées, les brandons embrasés du fanatisme se manifestent; de toutes parts les contre-révolutionnaires s'agitent. Dans la Vendée, la rébellion a fait de grands progrès; à Lyon, huit cents patriotes ont été égorgés; l'aristocratie y marche sur les cadavres ensanglantés des amis de la liberté. Dans le département de la Lozère, l'étendard de la révolte éclate. Ces troubles doivent d'autant plus fixer votre attention, que par le Cantal on peut pénétrer à Lyon. Quelles mesures prendra la Convention pour arrêter cet incendie, qui produira les plus grands ravages, qui se communique avec tant de rapidité? Il faut de grandes mesures révolutionnaires. Dans les temps de calme, on peut arrêter une sédition par les lois ordinaires; lorsqu'il y a un grand mouvement, lorsque l'audace de l'aristocratie est portée à son comble, il faut avoir recours aux lois de la

guerre; cette mesure est sans doute terrible, mais elle est nécessaire; vainement vous en emploieriez d'autres.

Commencez d'abord par envoyer des commissaires dans le département de la Lozère revêtus de pleins pouvoirs ; qu'ils soient autorisés à faire tomber toute tête qui s'opposera à l'établissement de la liberté. Envoyez-y des hommes purs, qui aient des principes sains, des hommes pleins de l'amour de la liberté, et que ces commissaires trouvent ici non des calomniateurs, mais des approbateurs de leurs travaux. Je demande que vous preniez une autre mesure, c'est que tous les aristocrates soient hors de la loi ; que vous donniez ordre aux autorités constituées de renfermer toutes les personnes suspectes et les empêcher par là d'aller grossir les armées des contre-révolutionnaires.

Je sais bien qu'on a parlé ici contre les commissaires qui ont pris de semblables mesures; mais c'est qu'on n'a pas vu comme nous ces hommes que l'on protége, accaparer les subsistances, envoyer des armes, des munitions aux rebelles de la Vendée ; c'est qu'on n'a pas vu ces hommes, couverts du manteau de l'hypocrisie, cachés sous le masque du patriotisme, creuser le terrain sur lequel vous deviez marcher pour vous engloutir. Vos commissaires ont exécuté en partie ces mesures : il est du devoir de la Convention de les compléter. Je me résume et je demande que vous envoyiez des commissaires dans le département de la Lozère, avec pouvoir de prendre toutes les mesures que nécessitera le salut public, et que vous enjoigniez à toutes les autorités de faire arrêter toutes les personnes suspectes. (On applaudit.)

Roux. La ville de Langres a été troublée jusqu'au moment où on a mis en réclusion quarante-trois personnes suspectes.

On demande l'ordre du jour. (L'ordre du jour du dimanchie était l'admission des pétitionnaires qui se présentaient.) Lanjuinais. Je demande à faire une motion d'ordre. On demande de nouveau l'ordre du jour.

Lanjuinais. Je demande à parler sur la générale qui bat daus

tout Paris.

Plusieurs voix. Vous voulez mettre la division dans l'assemblée; civile.

à bas! vous voulez allumer la guerre

Lanjuinais. Je viens vous occuper des moyens d'arrêter les mouvemens qui se manifestent encore dans la ville de Paris, mouvemens non moins dangereux pour la liberté que ceux qui ont éclaté depuis deux jours. Tant qu'il sera permis de faire entendre ici sa voix, je ne laisserai pas avilir dans ma personne le caractère de représentant du peuple. Je réclamerai ses droits et la liberté. Je vous dirai des vérités, non pas de celles qui tuent la vérité même, qui tuent la liberté..... (On murmure.) Il n'est que trop notoire que depuis trois jours vous ne délibérez presque plus, que vous êtes influencés et au-dedans et au-dehors; une puissance rivale vous commande : elle vous environne; au-dedans, de ses salariés; au-dehors, de ses canons. Je sais bien que le peuple blâme et déteste l'anarchie et les factieux; mais enfin il est leur instrument forcé. Des crimes que la loi déclare dignes de mort, ont été commis. Une autorité usurpatrice a fait tirer le canon d'alarme. (Nouveaux murmures.) Il semblait qu'un voile officieux devait être jeté sur tout ce qui s'était passé. Mais le lendemain le désordre continue; le surlendemain il recommence. Thuriot. Vous calomniez tous les jours.

Legendre. Il n'est pas permis de conspirer à la tribune. Vous conspirez sans cesse à cette tribune. (Applaudissemens des spectateurs, parmi lesquels on entend des cris: A la Vendée.)

Lanjuinais. Comment voulez-vous assurer la liberté de la représentation nationale, lorsqu'un député vient de me dire à cette barre: Jusqu'à extinction des scélérats qui te ressemblent, nous remuerons et agirons ainsi. (Nouvelles interruptions.)

Guffroy, Drouet. Entendez les pétitionnaires.
Plusieurs voix: Maintenez la parole à Lanjuinais.

Julien. Il en abuse pour faire une diatribe calomnieuse contre Paris.

Lanjuinais. Nous avons pallié les démarches des coupables, des factieux, des anarchistes. (Les murmures augmentent et se prolongent.)

T. XXVII.

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Billaud-Varenne. Et la contre révolution que tu as faite à

Rennes?

Lanjuinais. Ces messieurs ont arrêté à la poste les lettres des citoyens des sections de Rennes qui m'annoncent que j'ai bien mérité de la patrie. (On rit et on murmure.)

Drouet. Je soutiens que tu as menti; tu es un infâme imposteur.

Drouet monte à la tribune.-On réclame la parole en faveur de Lanjuinais. Quelques momens se passent dans l'agitation. Drouet. Je suis sûr qu'il est faux qu'on ait violé le secret des lettres à l'égard de Lanjuinais.

Lanjuinais. Je l'ai prouvé à dix de mes collègues.

Ferment. Je dois dire à l'assemblée que j'ai reçu un paquet uvert; mais où on a eu la bonté de laisser une lettre dans laquelle on annonce qu'on a chassé de Rennes un nommé Bernard, accusé et convaincu de friponnerie dans les fournitures publiques. Voilà la contre-révolution qu'on a faite à Rennes.

Lanjuinais. Qu'ayez-vous fait ? rien pour la dignité de la onvention, rien pour la conservation de l'intégrité de la représentation nationale attaquée depuis deux jours. Voici mes preuves....

Tureau. Tu as donc juré de perdre la République par tes déclamations, par tes éternelles calomnies!

Lanjuinais. Une assemblée usurpatrice non-seulement existe, non-seulement délibère, mais elle agit, mais dans la nuit du vendredi au samedi elle a conspiré; non pas la grande assemblée qui séduit, égare et trompe les ignorans, mais le comité directorial et exécutif de cette assemblée. C'est lui qui a fait hier sonner le tocsin jusqu'à onze heures du soir; c'est lui qui recommencera encore aujourd'hui. Cette Commune révoltée, illégalement nommée, existe encore. Le secret des lettres a été violé, et n'est pas rétabli. Si, lorsque je parlai jeudi soir des mouvemens qu'on préparait, yous aviez voulu m'entendre, la scène ne serait pas arrivée. Eh bien, écoutez-moi donc quand cette autorité rivale et usurpatrice vous faisait entourer d'armes et de canons, on venait

vous reproduire cette pétition traînée dans la boue des rues de Paris.... (Nouveaux murmures dans une grande partie de l'assemblée et dans les tribunes.- Un membre. Lanjuinais insulte le peuple dans l'exercice même de son droit de pétition.) Cette même pétition, dis-je, qui avait été déclarée calomnieuse, après une longue discussion, et pour ainsi dire à l'unanimité. On nous accuse de calomnier Paris. (Un grand nombre de voix. Oui, oui.) Non, Paris est pur, Paris est bon; Paris est opprimé par des tyrans qui veulent du sang et de la domination. (Nouveaux cris: A bas! à bas!)

Drouet, Robespierre jeune, Julien et quelques autres membres entourent la tribune. Quelques membres accusent Legendre d'avoir voulu en arracher Lanjuinais. Une agitation tumultueuse s'empare de l'assemblée. Le président se couvre. Après quelques momens le calme se rétablit.

Le président, découvert. La scène qui vient de se passer est des plus affligeantes. La liberté périra si vous continuez à vous conduire de même. (Plusieurs voix. Non, non.) Je vous rappelle à l'ordre, vous qui vous êtes ainsi portés à cette tribune. Plusieurs fois j'ai invité Lanjuinais à se renfermer dans la question. Je vous rappelle au calme, à la dignité. Conduisons-nous comme les représentans d'un peuple libre.

Lanjuinais. Je demande que toutes les autorités révolutionnaires de Paris, et notamment l'assemblée de l'Évêché, le comité central ou exécutif de cette assemblée, soient cassés, ainsi que ce qu'ils ont fait depuis trois jours, et que le comité de salut public vous rende compte après demain de l'expédition du décret que vous rendrez à ce sujet. Je demande encore que tous ceux qui voudront s'arroger une autorité nouvelle et contraire à la loi, soient déclarés hors de la loi, et qu'il soit permis à tous les citoyens de leur courir sus.

Le président. Une députation des autorités révolutionnaires et constituées du département de Paris demande à être admise à la barre pour présenter les dernières mesures de salut public.

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