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génie souvent fauvage, n'a point été corrigé par l'étude de l'art Oratoire. Atterbury mérite d'être cité comme un modele de ftyle; & plufieurs de fes Sermons font écrits avec une chaleur, une élégance, une correction très rares en Angleterre. Si l'Evêque Butler, au lieu de differtations abftraites & philofophiques, avoit compofé plus de Sermons dans le genre de ceux qu'il a publiés fur les dangers de fe tromper foi-même, & fur le caractere de Balaam, nous le citerions comme un modele parfait des Sermons de caractere recommandés ci-deffus.

Saurin tient le premier rang dans l'Eglife Proteftante Françoise. Il écrit avec chaleur, avec véhémence; il eft ému, il enflamme. Mais fes premieres parties font trop didactiques; fes péroraisons, quoique fort touchantes, ramenent trop fouvent les tableaux lugubres de la mort; & fon ftyle, fublime dans diverses occafions, approche dans d'autres de l'affectation. Parmi les Catholiques Romains, les trois plus éminens Prédicateurs, font Bourdaloue, Maffillon

& Boffuet. Les critiques ne font point d'accord fur celui qui mérite la préférence, Ils attribuent à Bourdaloue un raifonnement folide & précis ; à Maffillon, une maniere touchante & persuasive; à Boffuet, une éloquence fublime & de grands mouvemens. « Ce qui me plaît, ce que j'admire » principalement dans Bourdaloue, » diţ l'Abbé Maury dans fon excellent Difcours fur l'Eloquence de la Chaire, « c'eft cette » abondance de génie qui ne laiffe rien » à imaginer au delà de chacun de fes » Difcours: c'eft la fimplicité d'un style » nerveux & touchant, naturel & noble, » la connoiffance la plus profonde de la

religion, l'usage admirable qu'il fait de » l'Ecriture & des Peres: enfin je ne pense » jamais à ce grand homme, fans me dire » à moi - même : Voilà donc jusqu'où le

génie peut s'élever, quand il eft foutenu » par le travail!» Mais fon ftyle eft fouvent verbeux, il est trop chargé de citations; il manque d'imagination. Maffillon a plus de graces, plus de fenfibilité, &, à mon avis, toujours plus de génie. Il connoît

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à fond le monde & l'organisation du cœur humain. Auffi eft-ce de ce côté-là qu'il dirige tous fes coups. Non feulement il convainc, mais il touche, il attendrit. Ses tableaux font vifs & naturels ; fon ftyle tantôt noble & majestueux, tantôt pathétique & perfuafif; & nul Ecrivain n'a porté la correction du langage à un plus haut degré de perfection. « Boffuet, » dit encore l'eftimable Auteur que je viens de citer, «< a une éloquence toujours frappante, » parce que ce grand Orateur n'écrivoit jamais que par une forte paffion. Au lieu >> de n'employer que des beautés accef» foires, il les tire toutes du fond même » de fes fujets. Dès fon exorde, vous » voyez fon génie en action; vous ne » rencontrez ni formules triviales, ni com» mentaire des pensées d'autrui, ni lenteurs, » ni stérilité, ni redondance; il ne marche » pas, il court dans un fentier nouveau » que fon imagination lui ouvre; il fe » précipite vers fon but, & vous entraîne » avec lui. Peu à peu fon ftyle fe paffionne » & s'enflamme, fon enthousiasme porte

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» de toute part la conviction & la terreur; » & alors il n'eft plus poffible de le lire, il » faut qu'on le déclame: voilà le triomphe » de l'Eloquence écrite. Toute la véhé» mence du génie de Boffuet éclate dans » fes Sermons, découverts & imprimés >> feulement depuis quelques années, & » qu'on regardera fans doute comme l'un » de fes beaux titres littéraires. Un Ecrivain » qui en auroit fait l'unique objet de ses » travaux, feroit fûr de l'immortalité; mais » Boffuet eft fi grand, qu'il a pu perdre, » impunément pour fa réputation, tous » ces chefs-d'œuvres; & c'eft le comble » de fa gloire de n'en avoir pas eu besoin » pour être compté parmi nos plus grands » hommes. » Pour peindre d'un trait ces trois étonnans contemporains, Bourdaloue parle à la raison, Maffillon au cœur, Boffuet à la raifon & au cœur.

I V.

Parties conftitutives d'un Discours. UN Orateur qui connoît & obferve les regles de l'art, cherche d'abord à préparer

l'efprit de fes Auditeurs, à fixer leur attention, à leur donner une opinion avantageufe & de fon fujet & de lui-même. Puis il établit l'ordre de fes idées, & les place fous un point de vue lumineux. Il démontre enfuite la vérité & l'importance de fa doctrine, & détruit les objections qu'elle peut préfenter. Enfin il met en œuvre toute la force de fon génie pour émouvoir, pour perfuader, pour laiffer dans l'ame une impreffion forte & durable. Un Sermon renferme donc en général un Exorde, une Divifion, une Narration ou Explication, une fuite de Motifs ou de Raifonnemens, enfin une Péroraison vive & pathétique. Cette gradation néanmoins n'eft pas rigoureusement néceffaire. Il y a d'excellens Sermons où elle n'est point obfervée, où le Prédicateur entre en matiere fans Exorde; où il fond la Partie raisonnée avec la Perfuafive; où il n'indique même aucune Divifion. Mais comme tout difcours régulier réunit ces cinq chefs & qu'un Sermon en admet néceffairement la plupart, je vais donner quelques regles

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