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de fes idées, & le mettre dans le plus grand embarras. On ne doit donc hasarder cette maniere qu'après avoir acquis une grande pratique de l'art; encore ne convient-elle qu'aux Prédicateurs qui parlent habituellement à un Auditoire peu difficile.

I I I.

Parallele entre les Prédicateurs François & les Anglois.

LES Prédicateurs François ont fur l'Eloquence de la Chaire des idées trèsdifférentes de celles des Prédicateurs Anglois. Un Sermon François eft, pour l'ordinaire, une exhortation vive, touchante; un Sermon Anglois un raifonnement inftructif, mais fans chaleur. L'Orateur François parle à l'imagination & au cœur; l'Orateur Anglois ne parle qu'à l'esprit & à la raison. Les Théologiens Anglois fe font diftingués par des compofitions auffi exactes que profondes. Mais la vraie Eloquence, ce talent précieux de la perfuafion, a été jufqu'ici négligé parmi eux; & leurs Sermons, loin d'être des difcours

animés & pathétiques, paffent rarement les bornes d'un raifonnement correct, mais aride; tandis que Boffuet, Maffillon, Bourdaloue & Saurin ont porté l'Eloquence de la Chaire à un degré de perfection où il est à craindre qu'elle ne revienne de long-temps. Il résulte de cette différence de goût, qu'un Sermon François paroît à une oreille angloife un difcours fleuri & fouvent enthousiaste, mais fans profondeur; & qu'un François éclairé, qui entend un Prédicateur Anglois, dit qu'il eft Logicien & Philosophe, mais qu'il n'est point Orateur. Le défaut effentiel de la plupart des Sermons François, vient de ce que les textes étant toujours tirés de la Leçon du jour, la liaison entre le texte & le fujet eft souvent forcée, & les allufions à l'Ecriture plutôt imaginaires qu'inftructives. D'ailleurs, l'habitude de diviser toujours un Sermon en deux ou trois points, gêne le développement des idées, rend la compofition diffuse, & offre plutôt deux ou trois pensées travaillées avec beaucoup d'art, qu'une riche variété de tableaux &

de fentimens. Enfin, ces Sermons font trop longs, prononcés avec une rapidité qui ne permet pas d'en graver les détails dans la mémoire, & avec une emphase qui approche souvent du théatral. Cependant, malgré ces défauts, on ne peut nier qu'ils ne remplissent, à beaucoup d'égards, l'idée d'un discours populaire, c'est-à-dire, d'un discours propre à perfuader, à consoler, à encourager, & que leur lecture ne préfente de très-grands avantages. L'Orateur qui uniroit à la vivacité, au pathétique des François, l'exactitude, la profondeur des Anglois, offriroit, à mon avis, le modele le plus parfait de l'Eloquence de la Chaire, & il réuniroit les fuffrages des deux Nations.

Avant le rétabliffement de Charles II, les Sermons Anglois offroient le ridicule étalage d'une vaine érudition, d'une Théologie fcholaftique, & d'une controverse infidieufe; mais ils étoient terminés par des exhortations très-pathétiques qui frappoient vivement la confcience des Auditeurs, & les portoient à de falutaires retours.

Bientôt l'art de la Prédication prit une forme plus correcte & plus polie. On le dégagea du pédantisme qui en faifoit la base; mais on supprima auffi les exhortations qui finiffoient chaque difcours. Les Non-conformistes ayant confervé ce que l'ancienne méthode avoit de meilleur, les Prédicateurs de l'Eglife dominante s'en éloignerent de plus en plus. Tout ce que ceux-là mettoient d'ardent & de paffionné, foit dans la compofition, foit dans le débit de leurs Sermons, parut à ceux-ci dicté par l'enthousiasme & le fanatifme; & pour éviter ce double écueil, ils se bornerent à des raisonnemens fimples, mais froids, qui inftruisent toujours, mais ne perfuadent jamais. Plufieurs Prédicateurs Anglois ont porté ce genre au plus haut degré de la perfection; mais le genre en lui-même eft défectueux. Le Docteur Clarke, par exemple, montre dans tous fes discours un fens droit, un raisonnement judicieux. L'ufage qu'il fait de l'Ecriture fainte eft toujours jufte, fouvent élégant; il instruit, il est convainquant. Que lui manque-t-il donc

donc ? d'intéreffer, de gagner le cœur. Il fait voir ce qu'on doit faire, mais il n'en excite pas le defir. Il traite l'homme comme s'il étoit un être purement intellectuel, fans paffions, fans imagination. La maniere de l'Archevêque Tillotson est plus libre, plus animée; & c'eft le Prédicateur Anglois qui a le plus approché de la perfection du discours populaire. Mais il ne mérite pas le titre d'Orateur parfait: car fa compofition eft lâche, négligée; fon ftyle foible & fouvent infipide. Cependant plufieurs de fes Sermons ont tant de chaleur & de véhémence; tous ont tant d'aifance & de clarté; ils font dictés par un jugement fi folide, par une piété fi ardente, qu'on peut le regarder comme un des meilleurs modeles que l'Angleterre ait jamais produits.

On admire dans le Docteur Barrow plutôt la prodigieufe fécondité de fon invention, & la force peu commune de fes idées, que l'art de les préfenter & de les rendre intéreffantes. Il a un génie rare, qui lui eft même particulier; mais ce Tome III. C

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