SERM. tremblement. Cette idée ne doit ni nous 1. effrayer, ni nous abattre. Loin d'exiger que nous abandonnions triftement toutes les affaires, ou que nous regardions avec mépris les amusemens de cette vie, elle nous dispose à l'humilité; elle fortifie le fentiment de notre dépendance; elle nous engage à élever à Dieu nos fupplications & nos prieres. Dans une fituation fi critique, & quand il s'agit d'intérêts fi importans, tout homme raisonnable avouera que la gaieté doit être tempérée par des réflexions férieuses. S'il étoit fur cette terre un afyle dans lequel nous puiffions nous réfugier, afsurés, dès que nous y ferions parvenus, d'être à l'abri de tout danger, foit pour notre corps, foit pour notre ame, alors je l'admets, il nous feroit permis de bannir toute crainte, & de nous livrer à la joie avec une entiere fécurité. Mais, hélas! comment pourrions - nous trouver une telle retraite au milieu dn défordre dans lequel nous fommes plongés, & dans l'état de guerre où nous vivons? & s'il en exiftoit une, I. y repoferions-nous avec affurance? La vie SERM. est un mêlange de biens & de maux d'épreuves & de confolations. L'homme le mieux intentionné eft quelquefois entraîné au crime; le plus prudent eft souvent accablé fous le poids du malheur. Le monde est une roue dont le mouvement perpétuel éleve & abaiffe fucceffivement toutes les chofes humaines. Les jours de notre existence, qui se font écoulés, ont été fe très diverfifiés; ceux qui nous restent à parcourir, ne font encore que ténebres, qu'incertitudes. L'avenir eft une région que nous ne pouvons pénétrer fans être faifis de crainte; parce que nous ne faurions prévoir quels dangers nous menacent, & à quelles épreuves nous fommes appellés. Ce que nous favons très bien, ce que l'expérience nous confirme tous les jours, c'eft que le fentier du bonheur est escarpé, & la pente qui entraîne à la perdition trèsfacile à franchir. Nous n'avons élevé l'édifice de notre félicité qu'avec beaucoup de travail, de foins, de vigilance : mais une action imprudente, mais un revers SERM. de fortune fuffifent pour le renverser. La I. base fur laquelle repose la confiance hu maine eft peu fûre; la fphere des plaifirs humains très-circonfcrite. Tandis que nous formons des plans pour affermir l'une, & pour agrandir l'autre, le temps s'enfuit d'un cours rapide, quoique infenfible. Tel qu'une riviere qui mine peu à peu les rives qu'elle arrofe, il altere par degrés notre constitution. Chaque année il nous enleve une partie de nos forces, de nos amis, de nos jouiffances, jufqu'à ce qu'enfin notre machine, totalement dégradée, tombe & se réduife en pouffiere. Ainfi, que nous confidérions la vie ou la mort, le temps ou l'éternité, tout concourt à nous confirmer ce confeil de David: Réjouis toi avec crainte. La religion nous inspire donc tout-à-lafois la joie & la gravité; elle nous place dans la fituation la plus propre à faire naître la joie dans notre ame; elle nous fournit tous les fecours néceffaires pour la fortifier; elle nous invite à l'entretenir, de I. elle l'exige même comme le feul moyen SERM. prouver la fincérité de nos principes, & de nous affermir dans la vertu. Si elle nous ordonne de tempérer cette joie par la crainte, c'est qu'une joie immodérée nous expoferoit aux plus grands dangers, & que nous commettrions une imprudence inexcufable, en nous y livrant fans réserve, malgré l'inconftance de la fortune, malgré les périls qui nous environnent. La crainte prescrite dans notre texte n'eft point un abattement pufillanime, c'est une fage prudence abfolument néceffaire à des créatures mortelles. En affociant cette crainte à notre joie, la religion a pour but de nous inspirer une humeur gaie, mais tranquille; également éloignée de l'abjection fervile qui naît de la crainte, & de la légéreté fémillante que l'on confond fouvent avec la joie. Se réjouir fans ceffe, c'est l'action d'un fou; trembler toujours, c'est celle d'un esclave. Une gaieté modeste, une joie innocente, une gravité courageuse, voilà les difpofitions qui conviennent aux ferviteurs de Dieu. SERM. 1. MAIS, demandera-t-on peut-être, eft-ce à cela que fe réduisent ces jouiffances fi délicieufes dont la religion nous flatte? eft-ce là l'unique dédommagement de tous les travaux qu'elle exige, de tous les facrifices auxquels elle nous foumet? Ne fontelles pas beaucoup plus féduifantes les promeffes du vice, lui qui donne un libre effor à tous nos defirs; lui qui, en retour des efforts que nous faifons pour furmonter les fcrupules d'une confcience timorée, nous affure une joie, une fatisfaction fans mêlange? Le vice peut éblouir par fes promeffes magnifiques; mais, pour juger combien il est éloigné de les réaliser confultons l'homme le plus fenfuel; interrogeons - le au moment où, prêt à finir fa carriere, il fait la revue des jouiffances qu'il a éprouvées ; demandons-lui s'il voudroit recommander à ses enfans, à ses amis, de fuivre la même route; demandons-lui s'il oferoit foutenir jufqu'au lit de mort, qu'il n'eft de vraies jouiffances que dans le libertinage. Quelque flatteufes que foient les illufions que le vice offre dans |