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1.

providence, Dieu nous donne, il est vrai, SERM. des marques éclatantes de fon amour, mais il unit toujours la grandeur à la bonté; & fi nous voyons en lui un Pere, nous voyons auffi un Législateur. Jesus-Chrift, mourant pour rendre la vie au pécheur qui fe repent de fes fautes, eft, il eft vrai, un folide fondement de joie & d'espérance, mais il ne l'est pas moins de respect & de crainte; puifque cet augufté dévouement nous apprend que Dieu eft auffi sévere en fa justice, que grand en fa bonté. Moi, l'Eternel, je fais miféricorde à mille de ceux qui me craignent; j'oublie leurs tranfgreffions: mais je ne veux en aucune maniere juftifier le pécheur impénitent. Lorfque nous ouvrons le livre de la Loi, nous trouvons dans la même page la promeffe & la menace. D'un côté, nous voyons les cieux étaler toute leur gloire; de l'autre, l'enfer dévoiler toutes fes terreurs. En un mot, fous quelque point de vue que nous confidérions la religion chrétienne, elle fe montre à nous fous un afpect augufte & vénérable. C'eft un temple

SERM. majeftueux, dont les vrais adorateurs de I. Dieu peuvent s'approcher avec confiance, dans l'espoir d'obtenir miféricorde. Mais ils ne fauroient pénétrer dans fon Sanctuaire, fans être faifis de crainte. S'il nous étoit permis de représenter les objets fpirituels par ceux qui frappent nos fens, nous comparerions la Religion, non point à ces tableaux que nous offre la nature, où tout eft agréable, où tout eft riant; non point à ce paysage délicieux, à ce fleuve bienfaisant, à ce champ fertile, à cette prairie femée de fleurs; mais à ces objets auguftes & fublimes qui nous frappent d'admiration, à ces montagnes couvertes d'une neige éternelle, à cet immenfe océan, à ce firmament étoilé, qui rempliffent l'ame de crainte & de délices, & qui, par la réunion de la grandeur & de la beauté, produisent une émotion tout - à - la - fois agréable & férieuse.

Si les objets que la religion nous offre font propres à tempérer notre joie par la crainte, l'union de ces deux fentimens

I.

n'eft pas moins néceffaire pour régler notre SERM conduite, & nous porter à la vertu. Lors même que notre joie émaneroit de la fource la plus abondante & la plus pure, fi elle demeure long-temps fans mêlange, elle finira par détruire nos principes, par corrompre notre cœur. Ainfi que les eaux qui ne font jamais agitées, dépofent un fédiment qui les putréfie; ainfi une chaîne non interrompue de fenfations agréables, développe dans l'ame les germes funestes du défordre. C'est donc avec beaucoup de fageffe que Dieu a ordonné qu'ici-bas la joie feroit balancée par la crainte, & le plaifir par la douleur; afin que ces deux principes fe corrigeant réciproquement, aucun ne nous fubjugue & ne nous porte à des excès que notre constitution phyfique & morale ne pourroit foutenir. Le danger rend circonspect; fans lui l'homme le plus fage deviendroit imprudent; & le plus modefte, présomptueux. Cette vie est un voyage dont le terme eft l'immortalité Si les fentiers que nous fuivons pour y parvenir étoient tous unis & femés de fleurs,

SERM. nous ferions bientôt tentés d'abandonner I. notre guide, & d'oublier le but de notre

voyage.

La vigilance & la crainte font la fauvegarde du bonheur. Une joie immodérée conduit à l'indolence, l'indolence à la fécurité, la fécurité à l'imprudence, à la ruine. Pour nous réjouir long-temps, il faut nous réjouir avec crainte. Si nos premiers parens avoient obfervé cette loi de la prudence, nous habiterions encore le féjour du repos. Celui qui dit en fon cœur: Ma montagne s'éleve folidement, je ne ferai jamais ébranlé, peut être affuré que fa prospérité ne fera pas de longue durée. La religion agit donc avec la plus grande bonté, lorsqu'elle nous exhorte à tempérer notre joie par la crainte. Elle attache un plaifir inexprimable à fervir le Seigneur. Elle fait de la joie le premier mobile de nos actions, mais elle l'affermit, en lui donnant la crainte pour appui. Elle n'interdit pas la joie, mais elle en réprime l'excès. Elle nous ordonne de nous livrer à la joie comme des perfonnes qui ont

trouvé un trésor, mais un tréfor que nous SERM; sommes en danger de perdre, fi nous I. manquons de vigilance pour le conferver. Des êtres dépendans doivent vivre dans une foumiffion continuelle; & la foumiffion eft inféparable de la crainte. L'Eternel regne; terre, fois joyeufe! Nous fommes les fujets de Dieu, nous pouvons donc nous réjouir; mais nous fommes des fujets, par conféquent notre joie doit être modérée par la crainte.

En troifieme lieu, l'instabilité des chofes humaines place naturellement la crainte à côté de la joie. Les fentimens que la religion inspire doivent être relatifs à notre état actuel, & aux fonctions qu'il nous impofe. Or, la premiere idée que présente notre état actuel, eft celle-ci : Que le péché nous a dégradés de notre dignité primitive; que nous fommes appellés à faire dans ce monde l'épreuve de notre vertu; & que, pour nous réhabiliter dans les privileges de notre nature, Dieu nous a ordonné de travailler à notre falut avec crainte &

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