Allez, mes vers, allez; je me confie en vous; Allez fléchir son cœur, désarmer son courroux, Suppliez, gémissez, implorez sa clémence, Tant qu'elle vous admette enfin en sa présence. Entrez; à ses genoux prosternez vos douleurs, Le deuil peint sur le front, abattus, tout en pleurs; Et ne revoyez point mon seuil triste et farouche, Que vous ne m'apportiez un pardon de sa bouche.
Quand l'ardente saison fait aimer les ruisseaux, A l'heure où vers le soir, cherchant le frais des eaux, La belle nonchalante à l'ombre se promène, Que sa bouche entr'ouverte et que sa pure haleine Et son sein plus ému de tendresse et de vœux Appellent les baisers et respirent leurs feux; Que l'amant peut venir, et qu'il n'a plus à craindre La raison qui mollit et commence à se plaindre; Que sur tout son visage, ardente et jeune fleur, Se répand un sourire insensible et rêveur;
Que son cou faible et lent ne soutient plus sa tête;
Sous leur longue paupière à peine ouverte au jour, Languissent mollement et sont noyés d'amour;
Il n'est donc plus d'espoir, et ma plainte perdue A son esprit distrait n'est pas même rendue! Couchons-nous sur sa porte. Ici, jusques au jour Elle entendra les pleurs d'un malheureux amour. Mais, non... Fuyons... Une autre avec plaisir tentée Prendra soin d'accueillir ma flamme rebutée, Et de mes longs tourments pour consoler mon cœur... Mais plutôt renonçons à ce sexe trompeur. Qui? moi? j'aurais voulu sur ce seuil inflexible Tenter à mes douleurs un cœur inaccessible; J'aurais flatté, gémi, pleuré, prié, pressé.....
Que l'amour au plus sage inspire de folie! Allons; me voilà libre, et pour toute ma vie. Oui, j'y suis résolu; je n'aimerai jamais; J'en jure... Ma perfide avec tous ses attraits Ferait pour m'apaiser un effort inutile... J'admire seulement qu'à ce sexe imbécile Nous daignions sur nos vœux laisser aucun pouvoir; Pour repousser ses traits, on n'a qu'à le vouloir. Ingrate que j'aimais, je te hais, je t'abhorre... Mais quel bruit à sa porte... Ah! dois-je attendre encore? J'entends crier les gonds... On ouvre, c'est pour moi!... Oh! ma..... m'aime et me garde sa foi... Je l'adore toujours... Ah! dieux! ce n'est pas elle! Le vent seul a poussé cette porte cruelle.
Partons, la voile est prête, et Byzance m'appelle. Je suis vaincu; je suis au joug d'une cruelle. Le temps, les longues mers peuvent seuls m'arracher Ses traits que malgré moi je vais toujours chercher; Son image partout à mes yeux répandue, Et les lieux qu'elle habite, et ceux où je l'ai vue, Son nom qui me poursuit, tout offre à tout moment Au feu qui me consume un funeste aliment. Ma chère liberté, mon unique héritage, Trésor qu'on méconnaît tant qu'on en a l'usage, Si doux à perdre, hélas! et sitôt regretté, M'attends-tu sur ces bords, ma chère liberté?
Eh! le pourrais-je au moins! suis-je assez intrépide? Et toute belle enfin serait-elle perfide?
Moi, tendre, même faible, et dans l'âge d'aimer, Faut-il n'oser plus voir tout ce qui peut charmer! Quand chacun à l'envi jouit, aime, soupire, Faut-il donc de Vénus abjurer seul l'empire! Ne plus dire: Je t'aime! et dormir tout le jour, Sans avoir pour adieux quelques baisers d'amour! Et lorsque les désirs, les songes, ou l'aurore, Troubleront mon sommeil, me réveiller encore, Sans que ma main déserte et seule à s'avancer Trouve dans tout mon lit une main à presser!
Souvent le malheureux sourit parmi ses pleurs, Et voit quelque plaisir naître au sein des douleurs. Ainsi l'Allobroge recélc
Sur ses monts, de l'hiver la patrie éternelle, Et les fleurs du printemps et les biens de l'été. Sur d'arides sommets le voyageur porté S'étonne. Auprès des rocs d'âge en âge entassée En flots âpres et durs brille une mer glacée. A peine sur le dos de ces sentiers luisants Un bois armé de fer soutient ses pas glissants. Il entend retentir la voix du précipice. Il se tourne, et partout un amas se hérisse De sommets ou brûlés ou de glace épaissis, Fils du vaste mont Blanc, sur leurs têtes assis, Et qui s'élève autant au-dessus de leurs cimes Qu'ils s'élèvent eux-même au-dessus des abîmes. Mais bientôt à leurs pieds qu'il descende; à ses yeux S'étendent mollement vallons délicieux, Pâturages et prés, doux enfants des rosées, Trientz, Cluse, Magland, humides Élysées, Frais coteaux, où partout sur des flots vagabonds Pend le mélèze altier, vieil habitant des monts.
O délices d'amour! et toi, molle paresse, Vous aurez donc usé mon oisive jeunesse!
Les belles sont partout. Pour chercher les beaux-arts, Des Alpes vainement j'ai franchi les remparts :
Rome d'amours en foule assiége mon asile. Sage vieillesse, accours! O déesse tranquille, De ma jeune saison éteins ces feux brûlants, Sage vieillesse! Heureux qui dès ses premiers ans A senti de son sang, dans ses veines stagnantes, Couler d'un pas égal les ondes languissantes ; Dont les désirs jamais n'ont troublé la raison ; Pour qui les yeux n'ont point de suave poison.
Qui, s'il regarde et loue un front si gracieux, Ne le voit plus sitôt qu'il a fermé les yeux! Doux et cruels tyrans, brillantes héroïnes, Femmes, de ma mémoire habitantes divines, Fantômes enchanteurs, cessez de m'égarer. O mon cœur! ô mes sens! laissez-moi respirer; Laissez-moi dans la paix et l'ombre solitaire Travailler à loisir quelque œuvre noble et fière Qui, sur l'amas des temps propre à se maintenir, Me recommande aux yeux des âges à venir. Mais non! j'implore en vain un repos favorable ; Je t'appartiens, Amour, Amour inexorable!
Eh bien! conduis-moi aux pieds de... Je ne refuse aucun esclavage..... Conduis-moi vers elle, puisque c'est elle que tu me rappelles toujours..... Allons, suivons les fureurs de l'àge; mais puisse-t-il passer vite!... Puisse venir la vieillesse!... La vieillesse est seule heureuse. (Contredire pied à pied l'élégie contre la vieillesse.)
Le vieillard se promène à la campagne, se livre à des goûts innocents, étudie sans que les vaines fureurs d'Apollon le fatiguent... Les soins de la propreté, une vie innocente font fleurir la santé sur son visage; s'il devient amoureux d'une jeune belle,
Il a le bien d'aimer sans en avoir les peines; Il n'en exige rien, il ne veut que l'aimer.
Elle y consent, tout le monde le sait; elle le permet,
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