encore nos lois religieuses. Entre les choses spirituelles et les choses temporelles, la limite n'est pas nettement posée. De là pour tout le monde de fâcheuses conséquences. L'État se mêle trop de l'Église comme l'Église de l'État; et, embarrassés l'un dans l'autre, ces deux pouvoirs ne peuvent se développer ainsi qu'il serait juste et bon. En un mot, nous n'en sommes pas venus à cet admirable état de choses où, impassible et neutre entre toutes les croyances, la politique n'interviendra que pour maintenir l'ordre et la paix; où, seul juge entre elles, le public aussi sera seul maître de les faire grandir ou décroître, vivre ou mourir; où enfin l'entière liberté des religions et leur parfaite égalité nous sauveront du double danger d'être opprimés ou oppresseurs, tyrans ou esclaves. Mais, au moins, la route est ouverte, et il ne s'agit plus que de marcher devant soi. Nous n'avons ni dîmes, ni bénéfices; pour juridictions ecclésiastiques, rien que les tribunaux ordinaires; pour propriétés du clergé, rien qu'un fonds annuellement accordé par les Chambres. Enfin, égale pour tous, la loi en France ne distingue ni le protestant du catholique, ni le déiste du chrétien. Pour ce qui reste à faire, ayons confiance au temps, et surtout ne nous effrayons pas de quelques difficultés, qui peut-être hâteront le triomphe des véritables principes. Que cet avenir soit proche ou lointain, pour l'atteindre il suffit à la France d'un progrès. Il faut à l'Angleterre presque une révolution. Contenant un examen critique de l'organisation de la justice administrative AVOCAT A LA COUR ROYALE DE PARIS, ANCIEN AVOCAT AUX CONSEILS DU ROI ST A LA COUR DE CASSATION, Paris, 1828. 1 vol. in-8°.-Au Bureau du Recueil des Arrêts du Conseil d'État, rue des Grands-Augustins, no 28. CET écrit est l'ouvrage d'un jurisconsulte très-estimé. C'est, en même temps, l'œuvre d'un homme de bien, d'un excellent citoyen. Les dernières discussions de la Chambre des députés, au sujet du Conseil - d'État, celles qui vont, selon toute apparence, se reproduire à l'ouverture de la prochaine session, en font un livre de circonstance. Il contient d'ailleurs des recherches très-bien faites, très-méthodiquement exposées, sur l'origine de la juridiction administrative, sur l'impor tance et l'étendue de ses attributions, sur le nombre et la diversité des autorités qui l'exercent; recherches auxquelles on ne peut refuser la plus grande confiance, lorsque l'on songe aux travaux antérieurs de l'auteur, aux facilités qu'il tient de sa position, aux documens qui lui sont ouverts. Voilà bien deş motifs pour ne pas différer d'en rendre compte. Nous profitons donc avec empressement de l'occaаsion qu'il nous offre, et des renseignemens qu'il met à notre disposition, pour tenter d'initier nos lecteurs aux difficultés d'une controverse également importante, et par l'influence que son issue peut avoir sur les intérêts de l'État, et comme question à l'ordre du jour. S'il nous arrive souvent, trop souvent peut-être, d'être en désaccord avec M. Macarel sur le fond des idées, si, là même où nos conclusions ne diffèrent pas essentiellement des siennes, nous cherchons d'ordinaire à les fonder sur des argumens qui nous soient propres, cela n'ôte rien à l'utilité de son livre qu'il faut lire, et c'est pour nous un devoir d'autant plus étroit de rendre justice à la droiture de ses intentions, et graces aux lumières dont nous lui sommes redevables. Faire connaître la nature, les principes et la marche de la justice administrative, indiquer les améliorations dont semble susceptible, en ce point, l'état actuel des choses, tel est le but que M. Macarel se propose. Mais qu'est-ce que la justice administrative? En droit et en raison, y a-t-il telle chose que justice administrative? Ne sont-ce point là des expressions mal sonnantes, hérétiques, sentant l'hérésie, ou qui, du moins, frayent difficilement ensemble? Voilà, de prime abord, la question qui se présente; question épineuse, question délicate, que notre auteur résout, de prime abord aussi et sans la moindre hésitation, mais sur laquelle, dans l'intérêt même de son opinion, nous ne pouvons l'en croire, ni lui donner gain de cause, qu'autant que nous aurons examiné de près les motifs qui le déterminent. Il naît, d'instant en instant, à l'occasion des actes de l'administration, des controverses plus ou moins importantes; il s'élève des difficultés soit entre l'administration elle-même et les administrés, soit entre deux ou plusieurs citoyens dont ces actes ont placé les intérêts en collision. Ces difficultés, ces contestations, quelque nom qu'on leur assigne, sont portées immédiatement devant l'autorité qui, par ses faits et gestes, les a suscitées à l'existence. Là elles sont prises en considération, contradictoirement avec toutes les parties intéressées; elles subissent une instruction, régulière à quelques égards. L'administration, après avoir informé, prononce. C'est cet ordre de choses qu'on nomme l'exercice de la justice administrative; c'est le droit de connaître et de statuer, en pareille matière, que l'on désigne, bien ou mal à propos, sous l'appellation de juridiction administrative. Or, depuis quatorze ans, ou environ, c'est-à-dire depuis l'époque où, grace au rétablissement des institutions constitutionnelles, les questions de droit public ont repris, dans l'opinion, leur rang et leur importance, beaucoup de très-bons esprits, beaucoup d'hommes recommandables parleur dévouement aux libertés publiques, s'élèvent, au nom des principes, contre l'existence d'une semblable juridiction. Leurs argumens sont, il faut bien en convenir, sérieux et pressans. Dans tout État policé, disent-ils, toute contestation quelconque doit trouver des juges, mais des juges vraiment juges, des juges indépendans, des juges qui prononcent publiquement, et selon des formes déterminées, dont il ne leur soit pas loisible de s'affranchir. Ici, que voyons-nous? Une contestation naît entre l'administration et les citoyens; c'est l'administration qui décide; elle est, en même temps, juge et partie. Une contestation naît entre deux citoyens par suite de quelque acte de l'administration; celui-ci se prévaut de cet acte; celui-là s'en plaint et l'incrimine; l'affaire est portée devant l'administration elle-même. Quelle justice peut en espérer le dernier ? D'ailleurs les agens de l'administration, petits ou grands, sont-ils indépendans du gouvernement ? Non, à coup sûr. Sont-ils inamovibles? Tout aussi peu. Prononcent-ils selon des formes déterminées ? Point du tout; ou s'ils en observent, c'est l'administration elle-même qui se les impose, et qui demeure par conséquent plus ou moins libre d'y déroger. N'estce donc point là une justice de cadi ou de pacha? Pourquoi l'administration craindrait-elle de soumettre ses différends avec les administrés aux juges qui prononcent sur la fortune, sur l'honneur, sur la vie des citoyens? Pourquoi les différends qui s'élèvent entre les citoyens, à l'occasion d'un acte administratif, ne seraient-ils point déférés aux tribunaux ordinaires? Il n'y a qu'une justice; il n'y a qu'une raison et qu'une vérité. Réformez, améliorez l'ordre judiciaire, s'il ne vous semble pas digne de confiance; que si, au contraire, vous l'estimez bon et sage, ne déclinez point, vous gouvernement, son intervention dans les affaires où vos intérêts se trouvent engagés. A ces interpellations vives et énergiques, les défenseurs les plus éclairés de l'ordre de choses actuel répondent qu'on se méprend étrangement sur la nature et l'essence de la juridiction administrative; que cette juridiction, à parler rigoureusement, n'en est point une; que les questions qui sont portées devant elle ne |