le grand Il offre dabord aux yeux modéle, Jefus-Chrift triomphant par fa réfurrection de l'envie qui l'avoit perfécuté toute fa vie, & des doufeurs de la Croix, fous lefquelles avoit paru fuccomber fon innocence. Il applique enfuite l'exemple à fon fujet, & prouve le triomphe des Grands par la force de la Religion, dabord fur l'envie. pour Quelle eft la marche naturelle parvenir à prouver ce triomphe? C'eft fans doute de faire voir que l'envie toujours attachée aux Grands, ne peut être vaincue par la gloire purement humaine, & qu'elle céde à celle d'une vertu fondée fur la Religion. C'eft ce que fait l'Orateur : & il fortifie fa preuve de raifonnement par l'exemple de S. Louis, que les Rois voifins, loin d'être jaloux de fa gloire, prenoient pour arbitre de leurs querelles. Mettez l'exemple avant la preuve de raifonnement; mettez le triomphe de la piété fur l'envie avant l'impuiffance de la gloire humaine pour la vaincre vous renverfez l'ordre & vous gâtez entiérement le dif cours. Suit le triomphe de la vertu Chré tienne fur les difgraces. L'Orateur commence par obferver que les adverfités font l'appanage inévitable de la condition humaine, & que la Royauté même n'en affranchit pas ce qu'il prouve par l'exemple de Louis XIV bifayeul & prédéceffeur du Roi devant qui il parloit. Son régné, lẹ plus long & le plus glorieux de la Monarchie, a fini par des revers & par des difgraces: & l'Orateur plaçant ici un éloge, qui entre tout-à-fait dans fon fujet, obferve que ce grand Prince fçut, par fa piété, élever fur les débris d'une gloire humaine une autre gloire plus folide & plus vraiment immortelle. ככ Cet exemple n'eft traité qu'incidemment. La preuve directe de la propofition confifte en une comparaifon de la Religion & de la Philofophie, l'une puiffante pour vaincre les adverfités, l'autre inutile & trompeufe. La plaie qui bleffe le cœur, dit l'Orateur Chrétien » ne peut trouver fon reméde que dans le cœur même. Or la Religion toute feule 50 porte fon reméde dans le cœur. Les vains préceptes de la Philofophie nous prêchoient une infenfibi 2 lité ridicule, comme s'ils avoient pû éteindre les fentimens naturels 3, fans éteindre la nature elle-même. » La Foi nous laiffe fenfibles : mais elle nous rend foumis; & cette fen» fibilité fait elle-même tout le mé »rite de notre foumiffion. Notre » fainte Philofophie n'est pas infenfi» ble aux peines: mais elle nous rend fupérieurs à la douleur. » Pour éviter la longueur, je ne tranfcris point le refte du morceau, qui eft pourtant fort beau, & qui fe termine par cette pensée tout-à-fait noble, & puifée dans le fujet. » Le Monde fe vante » de faire des heureux : mais la Religion toute feule peut nous rendre » grands au milieu de nos malheurs → mêmes.x Dans l'analyfe que je viens de faire, on a fenti que tout marche & fe fuit, tout eft lié, une pensée améne l'autre : & voilà la perfection, & en même tems la grande difficulté de l'art de parler & d'écrire. Defpréaux difoit de la Bruyére, dont les Caractéres, comme l'on fçait, font tracés par penfées détachées, que cet Ecrivain en fe difpenfant des tranfitions s'étoit affranchi de ce qu'il y a de plus diffi cile dans l'art. Il n'eft point permis à l'Orateur de fe donner une pareille liberté. Des pensées détachées peuvent faire un livre elles ne feront jamais un difcours. » Il ne fuffit pas, dit " သ L. II. Quintilien, » que les penfèes foient » mifes en leur place: il faut qu'elles » fe lient enfemble, & qu'elles foient fi bien jointes que la couture ne paroiffe point. Le difcours doit faire » corps, & non pas des membres féparés les uns des autres. Ce feroit un grand vice, fi vos penfées mal » afforties venoient comme de diffé»rens endroits fe rencontrer pour » ainfi dire, fans fe connoître, & fe » heurter les unes les autres. Il faut » au contraire que chacune d'elles » tienne par des liens naturels avec » celle qui précéde & celle qui doit » fuivre. De là il arrivera que le dif cours n'aura pas feulement le mérite de l'ordre, mais celui de faire » un tout continu, fans hachures & fans >interruptions. » La Tranfition proDe cet ordre duit cet effet: nous en parlerons dans bien gardé l'article des Figures, parmi lefquelles on la range affez communément. naît le méri te du tontenfemble, & l'unité du fujet. Un difcours bien diftribué, dont toutes les parties fe tiennent, & dont les penfées s'amènent les unes les au tres, aura le mérite du tout-enfem. ble, grand & excellent mérite, & auquel n'atteignent que les efprits fupérieurs. C'est le premier précepte de l'Art Poëtique d'Horace & l'ob fervation en eft indifpenfable pour le Poëte, qui fait lui-même fa matiére. L'Avocat la reçoit toute faite, il n'en est pas le maître : & fi fa caufe renferme plufieurs prétentions difparates, plufieurs intérêts, plufieurs demandes, qui ne fe rapportent point les unes aux autres, & qu'il voulût faire un tout de ces parties refpectivement étrangères, il ne formeroit pas un corps naturel, mais un affemblage monftrueux, tel que celui qu'Horace décrit dans les premiers vers de fon Art Poëtique. Difons donc que fifa caufe eft une, & fufceptible du toutenfemble, il doit lui conferver & lui procurer avec grand foin cet avantage. Si elle eft compofée de piéces difpa rates, & qu'elle se refuse à l'unité du fujet, ce feront plufieurs causes, plufieurs plaidoyers, qui devront chacun faire un tout bien proportionné & bien lié. C'étoit la pratique de M. Cochin, comme nous l'avons obfervé,, |