gne de vous, et que le choix que fait votre compagnie quand il faut parler et montrer ce qu'elle a de bon, est juste aussi! Si l'on juge d'elle par ce qu'elle fait paroître, on la mettra au-dessus de nos Parlements. Il me semble que je vois M. et Madame de Verneuil vous dire des douceurs, et recevoir agréablement les vôtres. Quand cette Princesse vous parlera de moi, répondez bien qu'on ne peut être à elle plus entiérement que j'y suis. Vous avez une sœur de Madame de la Troche qui est aimable, l'ainée vous tiendra compte de tout ce que vous ferez pour elle. J'ai fait des compliments pour vous au Chevalier de Grignan, il les a reçus admirablement bien; il fit valoir en Prince le silence et la discrétion de votre départ, rien ne manque aux sentiments et au zele de celui qui prend vos intérêts: mais quand on est emmanché à gauche, on ne peut répondre de rien. Ce que vous me mandâtes l'autre jour d'un certain discours qu'il a fait à un certain homme, me fait vous exhorter encore à conserver en vous la noble tranquillité que je vous ai toujours vue sur le succès de cette affaire. Nous ne revînmes qu'hier de Livry; la beauté du temps et la santé de ma fille qui s'y est quasi rétablie, nous y faisoit demeurer par reconnoissance. Dans les deux mois que nous y avons été, je n'ai pu y faire demeurer notre ami plus de douze jours. Il y a ici. mille petites affaires à quoi il est accoutumé : je ne sais point ses desseins sur son départ, je me doute quasi que la bonne compagnie qui est chez M. de Vardes, pourra l'empêcher d'y aller si-tôt. Je vous avoue queje profiterai avec plaisir de cette disposition, mais je n'y contribue que de mes souhaits. Je vous prie de nous mander comme M. de V..... se trouvera de cette troupe de Bohemes, je ne saurois. m'ôter cette vision. Nous aurions cent choses à vous dire sur le tendre; en un. mot, il nous sembloit l'autre jour que si Homere l'avoit connu, il en auroit bien fait son Achille pour la colere. Nous avons ici un nouveau Prince et une nouvelle Princesse LETTRE X X I I. A Paris, ce premier Mars. IL est L est vrai que j'ai tort de ne vous avoir pas mandé la conclusion du mariage de mon fils, mais cela même me servira d'excuse demandez à notre ami Corbinelli ce que c'est que d'avoir affaire avec des : Bas Bretons, il n'y a point de tête qui n'en soit renversée, et l'on ne peut pas songer à M. de Moulceau quand on fait un contrat dans la Généralité de Ploermel: cette derniere pensée chasse absolument l'autre ; votre souvenir ne peut pas demeurer dans une mémoire chargée de tous les incidents qui ont accompagné notre mariage, jusqu'au jour de la bénédiction nuptiale. Elle fut donnée le 8 de l'autre mois, et dès ce moment je me mis à respirer et à songer qu'il y avoit au monde l'antipode de notre beau pere, qui s'appelloit M. de Moulceau. Cette pensée m'a redonné la vie, et votre lettre est venue tout à propos pour répondre à ce qu'on pensoit de vous. Notre Corbinelli a eu part aussi à mon tourbillon: car le pauvre homme n'en est pas à couvert; il a beau se parer de sa philosophie, il faut qu'il écoute mes détails cruels, qu'il entre dans mes coleres, qu'il me dise que jai raison pour m'empêcher de la perdre tout à fait; enfin, il a été dans cette occasion, comme dans plusieurs autres, le médecin de mon ame. Il a donc cette excuse, sans compter celle d'être un jeune Avocat, qui veut se signaler par la perte de trois ou quatre procès de ses meilleurs amis, dont il a été le conseil. Ce pauvre M. de Housset en sait des nouvelles, en attendant mon cousin de Bussi. Je vous rendrai compte de ce dernier car si par hasard il le gagnoit, il seroit l'homme du monde le plus riche, puisqu'il auroit l'habileté de faire voir qu'un mariage qu'on croyoit bon n'est qu'une pure imagination, et n'a ja mais été. Vous me rendez un fort bon compte de M. de Vardes; mais renvoyez-le-nous, nous avons besoin de son mérite. Je n'approuve point qu'il ait quitté notre quartier, il est allé se planter au fond du fauxbourg Saint-Germain, et y traîne notre ami. Il a quitté ici tous ses anciens amis; il est vrai qu'il s'éloigne aussi de ses enfants, mais nous devons emporter la balance. Le pont rouge a commencé à nous venger, il est parti pour Saint-Cloud, et n'a point soutenu la fureur des débaclements qui ont ravagé. Jamais il ne s'est vu un hiver si terrible; votre pays n'en a pas été exempt; et si M. le Cardinal de Bonzy a trouvé des hommes morts sur le chemin de Montpellier à Lyon, les Courtisans en ont trouvé plusieurs sur le chemin de Versailles; et nous autres bourgeois, nous n'avons pu empêcher qu'il y en ait eu la nuit dans les rues, glacés et morts, et plusieurs pauvres et de petits enfants: c'est ainsi qu'il plaît à la Provi-, dence de faire sentir sa main de temps en temps. Il faut, je crois, Monsieur, parcourir un peu l'hôtel de Carnavalet, et vous faire les amitiés de tous les apparte ments. Ma fille se porte bien ; elle ne sait encore si elle ira en Provence, ou si un procès qu'elle a la tiendra ici. La destinée de Mademoiselle d'Alérac paroît encore incertaine, nous croyons pourtant que le nom de Polignac est écrit au ciel avec le sien. Si Mademoiselle de Grignan vouloit, elle nous en diroit bien la vérité car elle a dans ce pays céleste un commerce perpétuel. Le petit Marquis est un petit mérite naissant qui ne se dément point: le bon Abbé est toujours le bien bon : les autres Grignans sont toujours dignes de votre estime. Je me suis embarquée insensiblement à cette longue kirielle. Adieu Monsieur, il ne faut pas abuser de vous. Je vous conjure de faire mes compliments à Madame votre femme; je n'oublierai jamais tout ce qu'elle me conta un jour ici dans la pureté de son langage et la vivacité de votre climat et la réponse qu'elle fit à Versailles. Il me semble que je vois dans mon almanach que j'irai en Bretagne, mais ce ne sera pas sans vous dire adieu encore plus de deux fois. La Marquise de Sévigné. |