: de vous reprendre une si jolie nouvelle mais je n'ai pas été seule trompée. Tantæne animis cœlestibus iræ? En récompense, vous saurez que Mademoiselle de Grignan prend vendredi le grand habit des grandes Carmélites, je ne rendrai point cette vérité. Madame d'Alérac se fatigue et se ruine pour le carrousel: admirez les différentes occupations des deux sœurs. Je suis aise que vous soyez content de M. de la Trous se, Monsieur: cette gueule enfarinée qui m'a obligée de vous dire de si bon cœur une fausseté, ne m'empêchera pas de vous en mander peut-être encore, car je suis toujours la dupe des circonstances, et cette nouvelle en étoit toute pleine. LETTREV. A Paris, ce 26 Mai 1682.. N'AVEZ vous pas été bien surpris, Monsieur, de vous voir glisser des mains M. de Vardes, que vous teniez depuis dixneuf ans? Voilà le temps que notre Providence avoit marqué; en vérité, on n'y pensoit plus, il paroissoit oublié et sacrifié à l'exemple. Le Roi qui pense et qui range range tout dans sa tête, déclara un beau matin que M. de Vardes seroit à la Cour dans deux ou trois jours: il conta qu'il lui avoit fait écrire par la poste, qu'il avoit voulu le surprendre, et qu'il y avoit plus de six mois que personne ne lui en avoit parlé. S. M. eut contentement; il vouloit surprendre, et tout le monde fut surpris: jamais une nouvelle n'a fait une si grande impression, mi un si grand bruit que cellelà. Enfin, il arriva samedi matin avec une tête unique en son espece, et un vieux juste-au-corps à brevet (1) comme on le portoit en 1663. Il se mit un genou à terre dans la chambre du Roi où il n'y avoit que M. de Châteauneuf: le Roi lui dit, que tant que son cœur avoit été blessé, il ne l'avoit point rappellé, mais que présentement c'étoit de bon cœur, et qu'il étoit aise de le revoir. M. de Vardes répondit parfaitement bien et d'un air pénétré, et ce don des larmes que Dieu lui a donné ne fit pas mal son effet dans cette occasion. Après cette premiere vue, le Roi fit appeller M. le Dauphin, et le présenta comme un jeune Courtisan; M. de Vardes le reconnut, et le salua: le Roi lui (1) C'étoit une casaque bleue, brodée d'or et d'argent, qui distinguoit les principaux Courtisans : il falloit une permission spéciale pour la porter. La mode en étoit passée quand Vardes revint à la Cour. Tome X. C 1 1 dit en riant: Vardes, voilà une sottise, vous savez bien qu'on ne salue personne devant moi. M. de Vardes du même ton : Sire, je ne sais plus rien, j'ai tout oublié, il faut que Votre Majesté me pardonne jusqu'à trente sottises. Eh bien, je le veux, dit le Roi, reste à vingt-neuf. Ensuite le Roi se moqua de son juste-aucorps. M. de Vardes lui dit: Sire, quand on est assez misérable pour étre éloigné de vous, non-seulement on est malheureux, mais on est ridicule. Tout est sur ce ton de liberté et d'agrément. Tous les Courtisans lui ont fait des merveilles. Il est venu un jour à Paris, il m'est venu voir; j'étois sortie pour aller chez lui : il trouva ma fille et mon fils, et je le retrouvai le soir chez lui: ce fut une joie véritable: je lui dis un mot de notre ami. Quoi, Madame ! mon maître! mon intime! l'homme du monde à qui j'ai le plus d'obligation! pouvez - vous douter que je ne l'aime de tout mon cœur ? Cela me plut fort. Il loge chez sa fille, il est à Versailles. La Cour partaujourd'hui, je crois qu'il reviendra pour rattraper le Roi à Auxerre: car il paroît à tous ses amis qu'il doit faire le voyage, où assurément il fera tien sa cour, en donnant des louanges fort naturelles à trois petites choses, les troupes, les fortifications, et les conquêtes de S. M. Peut-être que notre ami vous dira tout ceci, et que ma lettre ne sera qu'un misérable écho; mais à tout hasard je me suis jettée dans ces détails, parce que j'aimerois qu'on me les écrivit en pareille occasion, et je juge de moi par vous, mon cher Monsieur; souvent j'y suis attrapée avec d'autres, mais non jamais avec vous. On dit que M. de Noail. les, votre digne et généreux ami, a rendu de très-bons offices à M. de Vardes, il est assez généreux pour n'en pas douter. M. de Calvisson est arrivé, cela doit rompre ou conclure notre mariage. En vérité, je suis fatiguée de cette longueur, je ne suis pas en humeur de parler bien, que de M. de Vardes, et toujours M. de Vardes, c'est l'Evangile du jour. LETTRE VI. A Paris, y Avril 1682. MADAME la Dauphine est accouchée hier jeudi à dix heures du soir d'un Duc de Bourgogne : votre ami vous mandera la joie éclatante de toute la Cour, avec quel empressement on la témoignoit au Roi, à M. le Dauphin, à la Reine, quel bruit, quels feux de joie, quelle effusion de vin, quelle danse de deux cents Suisses autour des portes, quels cris de vive le Roi, quelles cloches sonnées à Paris., quels canons, tirés, quels concours de compliments et de harangues; et tout cela finira. A Paris, vendredi 13 Décembre 2686. Je vous ai écrit, Monsieur, une grande lettre, il y a plus d'un mois, toute pleine d'amitié, de secrets et de confianee. Je ne sais ce qu'elle est devenue, elle se sera égarée en vous allant chercher peut-être aux Etats: tant y a que vous ne m'avez point fait de réponse; mais cela ne m'empêchera pas de vous apprendre une triste et une agréable nouvelle; la mort de M. de Prince, arrivée à Fontainebleau avanthier mercredit II du courant, à sept heures et un quart du soir, et le retour de M. le Prince de Conti à la Cour par la bonté de M. le Prince qui demanda cette grace au Roi un peu avant que de tourner à l'agonie, et le Roi lui accorda dans le moment, et M. le Prince eut cette consolation en mourant; mais jamais une joie n'a été noyée de tant de larmes. M. le Prince de Conti est inconsolable de la perte |