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L'ART D'AIMER.

FRAGMENS.

FLORE met plus d'un jour à finir une rose;
Plus d'un jour fait l'ombrage où Palès se repose;
Et plus d'un soleil dore, au penchant des coteaux,
Les grappes de Bacchus, ces rivales des eaux.
Qu'ainsi ton doux projet en silence mûrisse;
Que sous tes pas certains la route s'aplanisse;
Qu'un œil sûr te dirige, et, de loin, avec art
Dispose ces ressorts que l'on nomme hasard.
Mais souvent un jeune homme, aspirant à la gloire
De venir, voir et vaincre, et prôner sa victoire,
Vole et hâte l'assaut qu'il eût dû préparer.

L'imprudent a voulu cueillir avant l'automne
L'espoir à peine éclos d'une riche Pomone;
Il a coupé ses blés quand les jeunes moissons
Ne passaient point encor les timides gazons.

OŒuvres posthumes.

3

Si d'un mot échappé l'outrageuse rudesse A pu blesser l'amour et sa délicatesse, Immobile il gémit. Songe à tout expier; Sans honte, sans réserve, il faut s'humilier: Églé, tombe à genoux, bien loin de te défendre; Tu le verras soudain, plus amoureux, plus tendre, Courir et t'arrêter, et lui-même à genoux Accuser en pleurant son injuste courroux. Mais souvent, malgré toi, sans fiel et sans injure, Ta bouche d'un trait vif aiguise sa piqûre; Le trait vole, tu veux le rappeler en vain: Ton amant, consterné, dévore son chagrin; Ou bien d'un dur refus l'inflexible constance De ses feux tout un jour a trompé l'espérance; Il boude; un peu d'aigreur, un mot même douteux Peut tourner la querelle en débat sérieux : O trop heureuse alors, si, pour fuir cet orage, Les Grâces t'ont donné leur divin badinage, Cet air humble et soumis de n'oser s'approcher, D'avoir peur de ses yeux et de t'aller cacher, Et de mille autres jeux l'inévitable adresse, De mille mots plaisans l'aimable gentillesse; Enfin, tous ces détours dont le charme ingénu Force un rire amoureux vainement retenu ! Il t'embrasse, il te tient, plus que jamais il t'aime : C'est ton tour maintenant de le bouder lui-même. Loin de s'en effrayer, il rit; et mes secrets L'ont instruit des moyens de ramener la paix.

Quand Junon sur l'Ida plut au maître du monde, Nous l'avait tenue au cristal de son onde; Et sur sa peau vermeille une savante main Fit distiller la rose et les flots de jasmin. Cultivez vos attraits: la plus belle nature Veut les soins délicats d'une aimable culture. Mais, si l'usage est doux, l'abus est odieux: Des parfums entassés l'amas fastidieux, De la triste laideur trop impuissantes armes, A d'indignes soupçons exposerait vos charmes: Que dans vos vêtemens le goût seul consulté N'étale qu'élégance et que simplicité. L'or ni les diamans n'embellissent les belles : Le goût est leur richesse; et, tout puissant comme elles, Il sait créer de rien leurs plus beaux ornemens; Et tout est sous ses doigts l'or et les diamans. J'aime un sein qui palpite et soulève une gaze. L'heureuse volupté se plaît, dans son extase, A fouler mollement ces habits radieux Que déploie au Cathay le ver industrieux. Le coton mol et souple, en une trame habile, Sur les bords indiens, pour vous prépare et file Ce tissu transparent, ce réseau de Vulcain, Qui, perfide et propice à l'amant incertain, Lui semble un voile d'air, un nuage liquide, Où Vénus se dérobe, et fuit son œil avide.

Crains que l'ennui fatal, dans son cœur introduit, Puisse compter les pas de l'heure qui s'enfuit. Il est pour la tromper un aimable artifice : Amuse-la des jeux qu'invente le caprice; Lasse sa patience à mille tours malins; Ris et de sa faiblesse et de ses cris mutins; Tu braves tant de fois sa menace éprouvée ! Elle vole: tu fuis; la main déja levée, Elle te tient, te presse: elle va te punir; Mais vos bouches déja ne cherchent qu'à s'unir. Le Ciel d'un feu plus beau luit après un orage; L'amour fait à Paphos naître plus d'un nuage; Mais c'est le souffle pur qui rend l'éclat à l'or; Et la peine en amour est un plaisir encor. Le hasard à ton gré n'est pas toujours docile ? Une belle est un bien si léger, si mobile! Souvent tes doux projets, médités à loisir, D'avance destinaient la journée au plaisir : Non, elle ne veut pas; d'autres soins occupée... Tu vois avec douleur ton attente échappée. Surtout point de contrainte; espère un plus beau jour. Imprudent qui fatigue et tourmente l'amour! Essaie avec les pleurs, les tendres doléances, De faire à ses desseins de douces violences; Sinon tu vas l'aigrir; tu te perds. La beauté, Je te l'ai fait entendre, aime sa volonté.

Son cœur impatient, que la contrainte blesse,
Se dépite: il est dur de n'être pas maîtresse.
Prends-y garde: une fois le ramier envolé
Dans sa cage confuse est en vain rappelé.
Cède, assieds-toi près d'elle; et, soumis avec grâce,
D'un ton un peu plus froid, sans aigreur ni menace,
Dis-lui que de tes vœux son plaisir est la loi.
Va, tu n'y perdras rien, repose-toi sur moi:
Complaisance a toujours la victoire propice.
Souvent de tes désirs l'utile sacrifice,
Comme un jeune rameau planté dans la saison,
Te rendra de doux fruits une longue moisson.

Flore a pour les amans ses corbeilles fertiles;
Et les fleurs dans les jeux ne sont pas inutiles
Les fleurs vengent souvent un amant courroucé,
Qui feint sur un seul mot de paraître offensé.
Il poursuit son espiègle; il la tient, il la presse;
Et, fixant de ses flancs l'indocile souplesse,
D'un faisceau de bouquets, en cachette apporté,
Châtie, en badinant, sa coupable beauté;
La fait taire, la gronde, et d'un maître sévère
Imite, avec amour, la plainte et la colère;
Et, négligeant ses cris, sa lutte, ses transports,
Arme le fouet léger de rapides efforts,

Frappe et frappe sans cesse, et s'irrite et menace,

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