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celui de ne point sortir en carrosse, de ne point porter d'armes, etc., ne sont point des caractères de fête publique.

Les discussions au sujet de cette fête, outre quelques lettres d'un magistrat qui égayeront un jour les lecteurs par leur bon sens et leur dialectique, ont du moins produit ce bien-ci: c'est de faire connaître, par la franchise et la vigueur avec lesquelles plusieurs citoyens ont défendu l'honnêteté publique, que des siècles d'esclaves, et les efforts sans nombre qu'on met tous les jours en œuvre pour corrompre et anéantir toutes les idées morales dans l'esprit de la Nation, n'ont pas pu réussir à nous êter le sentiment de ce qui est bon et vrai..

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Il est bien fâcheux que l'on ne se soit pas arrêté dès l'origine à une fête en l'honneur de la Liberté: fête avec laquelle les Suisses de Châteauvieux n'auraient rien eu de commun. Alors cette fête n'aurait point dû être et n'aurait point été une fête privée, mais publique. L'allégresse générale, l'assentiment de tous les citoyens, le concours de toutes les autorités, les talens de David et d'autres artistes, alors bien employés, lui auraient donné tout ce qu'elle devait avoir de grand et d'auguste; et tous les bons Français, en adorant la statue de leur Déesse, n'auraient pas eu le chagrin de la voir en pareille compagnie.

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IAMBE II'.

Quand au mouton bêlant la sombre boucherie
Ouvre ses cavernes de mort,

Pauvres Chiens et Moutons : toute la bergerie
Ne s'informe plus de son sort.

Les enfans qui suivaient ses ébats dans la plaine;
Les vierges aux belles couleurs

Qui le baisaient en foule, et sur sa blanche laine Entrelaçaient rubans et fleurs,

Sans plus penser à lui le mangent, s'il est tendre:

Dans cet abîme enseveli,

J'ai le même destin : je m'y devais attendre.
Accoutumons-nous à l'oubli.

Oubliés comme moi dans cet affreux repaire,
Mille autres moutons comme moi,

Pendus aux crocs sanglans du charnier populaire
Seront servis au Peuple-Roi.

Que pouvaient mes amis? Oui, de leur main chérie, Un mot à travers ces barreaux,

A versé quelque baume en mon âme flétrie.

1. Ces vers ont été composés à Saint-Lazare peu de tems après son entrée dans cette prison. (Note de l'Éditeur.)

De l'or peut-être à mes bourreaux... Mais tout est précipice. Ils ont eu droit de vivre:

Vivez, Amis! vivez contens!

En dépit de Bavus soyez lents à me suivre.,

Peut-être, en de plus heureux tems,

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J'ai moi-même, à l'aspect des pleurs de l'Infortune, Détourné mes regards distraits;

A mon tour aujourd'hui mon malheur importune. Vivez, Amis! vivez en paix!

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IAMBE ΙΙΙ.

Que promet l'avenir? Quelle franchise auguste;
De mâle constance et d'honneur

Quels exemples sacrés, doux à l'âme du juste;
Pour lui quelle ombre de bonheur;
Quelle Thémis, terrible aux têtes criminelles;
Quels pleurs d'une noble pitié;
Des antiques bienfaits quels souvenirs fidèles;
Quels beaux échanges d'amitié,

Font digne de regrets l'habitacle des hommes?

La Peur blême et louche est leur dieu. Le désespoir?...-le fer! Ah! lâches que nous sommes! Tous, oui, tous! Adieu! Terre, adieu!

Vienne, vienne la Mort! Que la Mort me délivre! Ainsi donc, mon cœur abattu

Cède au poids de ses maux? Non, non, puissé-je vivre! Ma vie importe à la vertu.

Car l'honnête homme enfin, victime de l'outrage, Dans les cachots, près du cercueil,

1. Voyez plus bas, même volume, parmi les mélanges en prose, l'article intitulé de la Peur. (Note de l'Éditeur.)

Relève plus altiers son front et son langage,
Brillant d'un généreux orgueil.

S'il est écrit aux Cieux que jamais une épée
N'étincellera dans mes mains,

Dans l'encre et l'amertume une autre arme trempée

Peut encor servir les humains.

Justice, Vérité, si ma bouche sincère,

Si mes pensers les plus secrets
Ne froncèrent jamais votre sourcil sévère;
Et si les infâmes progrès,

Si la risée atroce, ou (plus atroce injure!)
L'encens de hideux scélérats,

Ont pénétré vos cœurs d'une longue blessure,
Sauvez-moi; conservez un bras

Qui lance votre foudre, un amant qui vous venge.
Mourir sans vider mon carquois!

Sans percer, sans fouler, sans pétrir dans leur fange
Ces bourreaux barbouilleurs de lois,

Ces tyrans effrontés de la France asservie,
Égorgée!... O mon cher trésor!

O ma plume! Fiel, bile, horreur, dieux de ma vie!
Par vous seuls je respire encor.

Quoi! nul ne restera pour attendrir l'histoire
Sur tant de justes massacrés1;

1. C'est surtout pendant les mois de messidor et de thermidor 1793 que le tribunal révolutionnaire envoya le plus de victimes à la mort.

Le Moniteur fidèle, en ses pages sanglantes,

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