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L'INVENTION.

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FILS du Mincius1, je te salue, ô toi Par qui le dieu des arts fut roi du peuple roi; Et vous, à qui jadis, pour créer l'harmonie, L'Attique, et l'onde Égée, et la belle Ionie, Donnèrent un ciel pur, les plaisirs, la beauté, Des mœurs simples, des lois, la paix, la liberté, Un langage sonore, aux douceurs souveraines 2, Le plus beau qui soit né sur des lèvres humaines! Nul âge ne verra pâlir vos saints lauriers, Car vos pas inventeurs ouvrirent les sentiers;

1. Virgile. La ville de Mantoue, patrie célèbre du prince des poètes, est située sur un lac formé par la rivière de Mincio, qui sort des Alpes, et se jette dans le Pô, près de Borgo-Forte. Cette rivière a donné son nom au département qu'elle arrose. (Note de l'Éditeur).

2. Graüs ingenium, Graüs dedit ore rotundo Musa loqui.

HORAT., Art. poet.

Et du temple des arts, que la gloire environne,
Vos mains ont élevé la première colonne.

A nous tous aujourd'hui, vos faibles nourrissons,
Votre exemple a dicté d'importantes leçons.

Il nous dit que nos mains, pour vous être fidèles, Y doivent élever des colonnes nouvelles.

L'esclave imitateur naît et s'évanouit;

La nuit vient, le corps reste; et son ombre s'enfuit.

Ce n'est qu'aux inventeurs que la vie est promise :
Nous voyons les enfans de la fière Tamise,
De toute servitude ennemis indomptés,

Mieux qu'eux, par votre exemple, à vous vaincre excités.
Osons: de votre gloire éclatante et durable
Essayons d'épuiser la source inépuisable.
Mais inventer n'est pas, en un brusque abandon,
Blesser la vérité, le bon sens, la raison;

Ce n'est pas entasser, sans dessein et sans forme,
Des membres ennemis en un colosse énorme;
Ce n'est pas, élevant des poissons dans les airs,
A l'aile des vautours ouvrir le sein des mers;
Ce n'est pas, sur le front d'une nymphe brillante,
Hérisser d'un lion la crinière sanglante :
Délires insensés! fantômes monstrueux!
Et d'un cerveau malsain rêves tumultueux!
Ces transports déréglés, vagabonde manie
Sont l'accès de la fièvre et non pas du génie.

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D'Ormuzd et d'Ahrimand ce sont les noirs combats, Où, partout confondus, la vie et le trépas, Les ténèbres, le jour, la forme et la matière, Luttent sans être unis; mais l'esprit de lumière Fait naître en ce chaos la concorde et le jour; D'élémens divisés il reconnaît l'amour, Les rappelle; et partout, en d'heureux intervalles, Sépare et met en paix les semences rivales. Ainsi donc, dans les arts, l'inventeur est celui Qui peint ce que chacun put sentir comme lui; Qui, fouillant des objets les plus sombres retraites, Étale et fait briller leurs richesses secrètes; Qui, par des nœuds certains, imprévus et nouveaux, Unissant des objets qui paraissaient rivaux, Montre et fait adopter à la Nature mère

Ce qu'elle n'a point fait, mais ce qu'elle a pu faire. C'est le fécond pinceau qui, sûr dans ses regards, Retrouve un seul visage en vingt belles épars;

1. Deux génies très-puissans de la mythologie indienne. Ormuzd, comme ayant été créé d'une manière plus pure que les autres génies, a le privilége de siéger près du trône de l'Étre suprême, qui en a fait son premier ministre. On respecte et on adore Ormuzd parce qu'il est le génie du bien, et qu'il est chargé par le Toutpuissant d'inspirer les bonnes actions aux mortels. Il est, dit-on, le père de plusieurs espèces de génies de feu. Arhimand, génie du mal et chef des mauvais génies, est le rival et l'ennemi juré d'Ormuzd. Le devoir des vrais fidèles est de le combattre autant qu'il est en leur pouvoir. (Note de l'Éditeur.)

Les fait renaître ensemble, et, par un art suprême, Des traits de vingt beautés forme la beauté même.

La Nature dicta vingt genres opposés
D'un fil léger entre eux, chez les Grecs, divisés.
Nul genre, s'échappant de ses bornes prescrites,
N'aurait osé d'un autre envahir les limites;
Et Pindare à sa lyre, en un couplet bouffon,
N'aurait point de Marot associé le ton.
De ces fleuves nombreux dont l'antique Permesse
Arrosa si long-tems les cités de la Grèce,
De nos jours même, hélas! nos aveugles vaisseaux
Ont encore oublié mille vastes rameaux.

Quand Louis et Colbert, sous les murs de Versailles,
Réparaient des beaux-arts les longues funérailles,
De Sophocle et d'Eschyle, ardens admirateurs,
De leur auguste exemple élèves inventeurs,
Des hommes immortels firent sur notre scène
Revivre aux yeux français les théâtres d'Athène.
Comme eux, instruit par eux, Voltaire offre à nos pleurs
Des grands infortunés les illustres douleurs;
D'autres esprits divins, fouillant d'autres ruines,
Sous l'amas des débris, des ronces, des épines,
Ont su, pleins des écrits des Grecs et des Romains,
Retrouver, parcourir leurs antiques chemins.
Mais ô la belle palme et quel trésor de gloire
Pour celui qui, cherchant la plus noble victoire,
D'un si grand labyrinthe affrontant les hasards,

Saura guider sa muse aux immenses regards,
De mille longs détours à la fois occupée,
Dans les sentiers confus d'une vaste épopée;
Lui dire d'être libre, et qu'elle n'aille pas
De Virgile et d'Homère épier tous les pas,
Par leur secours à peine à leurs pieds élevée;
Mais, qu'auprès de leurs chars, dans un char enlevée,
Sur leurs sentiers, marqués de vestiges si beaux,
Sa roue ose imprimer des vestiges nouveaux!
Quoi! faut-il, ne s'armant que de timides voiles,
N'avoir que ces grands noms pour nord et pour étoiles,
Les côtoyer sans cesse, et n'oser un instant,
Seul, et, loin de tout bord, intrépide et flottant,
Aller sonder les flancs du plus lointain Nérée,
Et du premier sillon fendre une onde ignorée!
Les coutumes d'alors, les sciences, les mœurs,
Respirent dans les vers des antiques auteurs :
Leur siècle est en dépôt dans leurs nobles volumes.
Tout a changé pour nous: mœurs, sciences, coutumes.
Pourquoi donc nous faut-il, par un pénible soin,
Sans rien voir près de nous voyant toujours bien loin,
Vivant dans le passé, laissant ceux qui commencent,
Sans penser, écrivant d'après d'autres qui pensent,
Retraçant un tableau que nos yeux n'ont point vu,
Dire et dire cent fois ce que nous avons lu?
De la Grèce héroïque, et naissante et sauvage,
Dans Homère à nos yeux vit la parfaite image.
Démocrite, Platon, Épicure, Thalès,

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