l'insu de nos lois, à l'insu du vulgaire, Foudroyés sous les coups d'un pouvoir arbitraire, De cris non entendus, de funèbres sanglots, Ne feraient point gémir les voûtes des cachots!
Non, je ne veux plus vivre en ce séjour servile: J'irai, j'irai bien loin me chercher un asile, Un asile à ma vie en son paisible cours, Une tombe à ma cendre à la fin de mes jours, Où d'un Grand, au cœur dur, l'opulence homicide Du sang d'un peuple entier ne sera point avide, Et ne me dira point, avec un rire affreux, Qu'ilsseplaignent sans cesse, et qu'ils sont trop heureux; Où, loin des ravisseurs, la main cultivatrice Recueillera les dons d'une terre propice; Où mon cœur, respirant sous un ciel étranger, Ne verra plus des maux qu'il ne peut soulager; Où mes yeux, éloignés des publiques misères, Ne verront plus partout les larmes de mes frères, Et la pâle indigence à la mourante voix, Et les crimes puissans qui font trembler les lois. Toi donc, Équité sainte! ô toi, Vierge adorée! De nos tristes climats pour long-tems ignorée, Daigne, du haut des Cieux, goûter le libre encens D'une lyre au cœur chaste, aux transports innocens, Qui ne saura jamais, par des vœux mercenaires, Flatter, à prix d'argent, des faveurs arbitraires,
Mais qui rendra toujours, par amour et par choix, Un noble et pur hommage aux appuis de tes lois! De vœux pour les humains tous ses chants retentissent; La Vérité l'enflamme; et ses cordes frémissent, Quand l'air qui l'environne auprès d'elle a porté Le doux nom des vertus et de la liberté.
ÉTRANGER! ce taureau qu'au sein des mers profondes D'un pied léger et sûr tu vois fendre les ondes, Est le seul que jamais Amphitrite ait porté. Il nage aux bords crétois. Une jeune beauté, Dont le vent fait voler l'écharpe obéissante, Sur ses flancs est assise; et d'une main tremblante Tient sa corne d'ivoire; et, les pleurs dans les yeux, Appelle ses parens, ses compagnes, ses jeux; Et, redoutant la vague et ses assauts humides, Retire et veut sous soi cacher ses pieds timides.
L'art a rendu l'airain fluide et frémissant : On croit le voir flotter. Ce nageur mugissant, Ce taureau, c'est un Dieu: c'est Jupiter lui-même, Dans ces traits déguisés, du Monarque suprême Tu reconnais encor et la foudre et les traits. Sidon l'a vu descendre au bord de ses guérets, Sous ce front emprunté couvrant ses artifices, Brillant objet des vœux de toutes les génisses,
La vierge tyrienne, Europe, son amour, Imprudente, le flatte: il la flatte à son tour; Et, se fiant à lui, la Belle désirée
Ose asseoir sur son flanc cette charge adorée. Il s'élance dans l'onde; et le divin nageur, Le taureau roi des Dieux, l'humide ravisseur, A déja passé Chypre et ses rives fertiles;
Il approche de Crète, et va voir les cent villes.
A M. DE PANGE L'AINÉ.
HEUREUX qui, se livrant aux sages disciplines, Nourri du lait sacré des antiques doctrines, Ainsi que de talens, a jadis hérité D'un bien modique et sûr qui fait la liberté! Il a, dans sa paisible et sainte solitude, Du loisir, du sommeil, et les bois, et l'étude; Le banquet des amis, et quelquefois, les soirs, Le baiser jeune et frais d'une belle aux yeux noirs. Il ne faut point qu'il dompte un ascendant suprême, Opprime son génie, et s'éteigne lui-même, Pour user, sans honneur, et sa plume et son tems A des travaux obscurs, tristement importans. Il n'a point, pour pousser sa barque vagabonde, A se précipiter dans les flots du grand monde; Il n'a point à souffrir vingt discours odieux De raisonneurs, méchans encor plus qu'ennuyeux, Tels qu'en de longs détours de disputes frivoles Hurlent de vingt partis les prétentions folles : Prêtres et Gens de cour, ambitieux tyrans; Nobles et Magistrats, superbes ignorans; Tous vieux usurpateurs, et voraces corsaires,
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