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Mais la France à la hache abandonne ta tête !
C'est au monstre égorgé qu'on prépare une fête
Parmi ses compagnons, tous dignes de son sort!
Oh! quel noble dédain fit sourire ta bouche,
Quand un brigand, vengeur de ce brigand farouche,
Crut te faire pâlir aux menaces de mort!

C'est lui qui dut pâlir, et tes juges sinistres,
Et notre affreux sénat, et ses affreux ministres,
Quand, à leur tribunal, sans crainte et sans appui,
Ta douceur, ton langage, et simple et magnanime,
Leur apprit qu'en effet, tout puissant qu'est le crime,
Qui renonce à la vie est plus puissant que lui!

Long-temps, sous les dehors d'une allégresse aimable,
Dans ses détours profonds ton âme impénétrable
Avait tenu cachés les destins du pervers2:
Ainsi, dans le secret amassant la tempête,
Rit un beau ciel d'azur, qui cependant s'apprête
A foudroyer les monts, à soulever les mers.

1. Charlotte Corday fuť exécutée le 18 juillet 1793, à midi, sur la place de la Révolution. (Note de l'Éditeur.)

2. L'assassinat du jeune de Belzunce, son amant, massacré par les complices de Marat, lui avait déja fait concevoir le désir de la vengeance: elle méditait en silence les moyens de le remplir, lorsque la proscription des Girondins vint l'enhardir et la déterminer. Elle partit de Caen le 11 juillet 1794; et, le 13 du même mois, Marat n'existait plus. (Note de l'Éditeur.)

1

Belle, jeune, brillante, aux bourreaux amenée,
Tu semblais t'avancer sur le char d'hyménée;
Ton front resta paisible, et ton regard serein;
Calme sur l'échafaud, tu méprisas la rage
D'un peuple abject, servile, et fécond en outrage,
Et qui se croit encore et libre et souverain.

La Vertu seule est libre! Honneur de notre histoire,
Notre immortel opprobre y vit avec ta gloire:
Seule tu fus un homme, et vengeas les humains!
Et nous, eunuques vils, troupeau lâche et sans âme,
Nous savons répéter quelques plaintes de femme;
Mais le fer pèserait à nos débiles mains!

Un scélérat de moins rampe dans cette fange.
La Vertu t'applaudit: de sa mâle louange,
Entends, belle Héroïne! entends l'auguste voix.
O Vertu! le poignard, seul espoir de la terre,
Est ton arme sacrée, alors que le tonnerre
Laisse régner le Crime, et se vend à ses lois.

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O VERSAILLE! Ô Bois! ô Portiques!
Marbres vivans! Berceaux antiques!

Par les Dieux et les Rois Élysée embelli!
A ton aspect, dans ma pensée,
Comme sur l'herbe aride une fraîche rosée,
Coule un peu de calme et d'oubli.

Paris me semble un autre empire, Dès que chez toi je vois sourire Mes pénates secrets, couronnés de rameaux, D'où souvent les monts et les plaines Vont dirigeant mes pas aux campagnes prochaines, Sous de triples cintres d'ormeaux.

Les chars, les royales merveilles,
Des gardes les nocturnes veilles :

Tout a fui; des grandeurs tu n'es plus le séjour;
Mais le Sommeil, la Solitude,

Dieux jadis inconnus, et les Arts, et l'Étude,
Composent aujourd'hui ta cour.

Ah! malheureux! à ma jeunesse
Une oisive et morne paresse

Ne laisse plus goûter les studieux loisirs!
Mon âme, d'ennui consumée,

S'endort dans les langueurs! Louange et renommée
N'inquiètent plus mes désirs!

L'abandon, l'obscurité, l'ombre,
Une paix taciturne et sombre:

Voilà tous mes souhaits. Cache mes tristes jours,
Versaille! et, s'il faut que je vive,
Nourris de mon flambeau la clarté fugitive
Aux douces chimères d'amours!

L'âme n'est point encor flétrie,
La vie encor n'est point tarie,

Quand un regard nous trouble et le cœur et la voix.
Qui cherche les pas d'une belle,

Qui peut ou s'égayer ou gémir auprès d'elle,
De ses jours peut porter le poids.

J'aime : je vis. Heureux rivage!

Tu conserves sa noble image,

Son nom, qu'à tes forêts j'ose apprendre le soir,
Quand, l'âme doucement émue,
J'y reviens méditer l'instant où je l'ai vue,
Et l'instant où je dois la voir!

Pour elle seule encor abonde
Cette source, jadis féconde,

Qui coulait de ma bouche en sons harmonieux! Sur mes lèvres tes bosquets sombres

Forment pour elle encor ces poétiques nombres, Langage d'amour et des Dieux!

Ah! témoin des succès du crime,
Si l'homme juste et magnanime
Pouvait ouvrir son cœur à la félicité,
Versaille! tes routes fleuries,
Ton silence, fertile en belles rêveries,
N'auraient que joie et volupté!

Mais souvent tes vallons tranquilles,
Tes sommets verts, tes frais asiles,

Tout-à-coup à mes yeux s'enveloppent de deuil :
J'y vois errer l'ombre livide
D'un peuple d'innocens, qu'un tribunal perfide
Précipite dans le cercueil 1!

1. Cette ode doit avoir été composée peu de tems après le massacre des prisonniers à Versailles. (Note de l'Éditeur.)

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