Cette rose au matin sourit comme sa bouche; Le miel qu'ici l'abeille eut soin de déposer Ne vaut pas à mon cœur le miel de son baiser. Tout pour elle a des vers! Ils me viennent sans peine Doux comme son parler, doux comme son haleine. Quoi qu'elle fasse ou dise, un mot, un geste heureux, Demande un gros volume à mes vers amoureux. D'un souris caressant si son regard m'attire, Mon vers plus caressant va bientôt lui sourire. Si la gaze la couvre, ou le lin pur et fin, Mollement, sans apprêt; et la gaze ou le lin D'une molle chanson attend une couronne. D'un luxe étudié si l'éclat l'environne, Dans mes vers éclatans sa superbe beauté Vient ravir à Junon toute sa majesté : Tantôt, c'est sa blancheur, sa chevelure noire, De ses bras, de ses mains le transparent ivoire. Mais, si jamais, sans voile, et les cheveux épars, Elle a rassasié ma flamme et mes regards, Elle me fait chanter, amoureuse Ménade, Des combats de Paphos une longue Iliade; Et, si de mes projets le vol s'est abaissé, A la lyre d'Homère ils n'ont point renoncé. Non: en la dépouillant de ses cordes guerrières, Ma main n'a su garder que les cordes moins fières Qui chantèrent Hélène et les joyeux larcins1,
Et l'heureuse Corcyre amante des festins. Mes chansons à Camille ont été séduisantes. Heureux qui peut trouver des Muses complaisantes, Dont la voix sollicite et mène à ses désirs
Une jeune beauté qu'appelaient ses soupirs! Hier, entre ses bras, sur sa lèvre fidèle J'ai surpris quelques vers que j'avais faits pour elle ; Et sa bouche, au moment que je l'allais quitter, M'a dit : « Tes vers sont doux; j'aime à les répéter. » Si cette voix eût dit même chose à Virgile, Abel, dans ses hameaux il eût chanté Camille, N'eût point cherché la palme au sommet d'Hélicon; Et le glaive d'Énée eût épargné Didon.
A M. DE PANGE L'AINÉ.
QUAND la feuille en festons a couronné les bois, L'amoureux rossignol n'étouffe point sa voix. Il serait criminel aux yeux de la Nature Si, de ses dons heureux négligeant la culture, Sur son triste rameau muet dans ses amours, Il laissait sans chanter expirer les beaux jours. Et toi, rebelle aux dons d'une si tendre mère, Dégoûté de poursuivre une Muse étrangère, Dont tu choisis la cour, trop bruyante pour toi, Tu t'es fait du silence une coupable loi! Tu naquis rossignol. Pourquoi, loin du bocage, Où des jeunes rosiers le balsamique ombrage Eût redit tes doux sons, sans murmure écoutés, T'en allais-tu chercher la Muse des cités? Cette Muse, d'éclat, de pourpre environnée, Qui, le glaive à la main, du diadème ornée, Vient au peuple assemblé, d'une dolente voix, Pleurer les grands malheurs, les empires, les rois? Que n'étais-tu fidèle à ces Muses tranquilles Qui cherchent la fraîcheur des rustiques asiles, Le front ceint de lilas et de jasmins nouveaux,
Et vont sur leurs attraits consulter les ruisseaux? Viens dire à leurs concerts la beauté qui te brûle. Amoureux, avec l'âme et la voix de Tibulle, Fuirais-tu les hameaux, ce séjour enchanté Qui rend plus séduisant l'éclat de la beauté? L'Amour aime les champs; et les champs l'ont vu naître: La fille d'un pasteur, une vierge champêtre, Dans le fond d'une rose, un matin du printems, Le trouva nouveau-né.....
Le sommeil entr'ouvrait ses lèvres colorées. Elle saisit le bout de ses ailes dorées, L'ota de son berceau d'une timide main, Tout trempé de rosée, et le mit dans son sein. Tout, mais surtout les champs sont restés son empire. Là, tout aime, tout plaît, tout jouit, tout soupire; Là, de plus beaux soleils dorent l'azur des cieux; Là, les prés, les gazons, les bois harmonieux; De mobiles ruisseaux la colline animée; L'âme de mille fleurs dans les zéphirs semée. Là, parmi les oiseaux l'Amour vient se poser; Là, sous les antres frais habite le Baiser. Les Muses et l'Amour ont les mêmes retraites. L'astre qui fait aimer est l'astre des poètes. Bois, Écho, frais Zéphirs, Dieux champêtres et doux! Le génie et les vers se plaisent parmi vous: J'ai choisi parmi vous ma Muse jeune et chère; Et, bien qu'entre ses sœurs elle soit la dernière, Elle plaît. Mes amis, vos yeux en sont témoins :
Et puis une plus belle eût voulu plus de soins. Délicate et craintive, un rien la décourage; Un rien sait l'animer. Curieuse et volage, Elle va parcourant tous les objets flatteurs, Sans se fixer jamais; non plus que sur les fleurs Les Zéphirs vagabonds, doux rivaux des abeilles, Ou le baiser ravi sur des lèvres vermeilles. Une source brillante, un buisson qui fleurit: Tout amuse ses yeux; elle pleure, elle rit. Tantôt, à pas rêveurs, mélancolique et lente, Elle erre avec une onde et pure et languissante; Tantôt elle va, vient, d'un pas léger et sûr; Poursuit le papillon brillant d'or et d'azur, Ou l'agile écureuil; ou, dans un nid timide, Sur un oiseau surpris pose une main rapide. Quelquefois, gravissant la mousse du rocher, Dans une touffe épaisse elle va se cacher, Et sans bruit épier, sur la grotte pendante, Ce que dira le Faune à la Nymphe imprudente, Qui, dans cet antre sourd, et des Faunes ami, Refusait de le suivre, et pourtant l'a suivi. Souvent même, écoutant de plus hardis caprices, Elle ose regarder au fond des précipices, Où sur le roc mugit le torrent effréné, Du droit sommet d'un mont tout-à-coup déchaîné. Elle aime aussi chanter à la moisson nouvelle, Suivre les moissonneurs, et lier la javelle. L'Automne au front vermeil, ceint de pampres nouveaux,
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