<< Assise à tes côtés, ses discours, sa tendresse, «Sa voix, trop heureux père, enchante ta vieillesse! << Dieux! par-dessus la haie élevée en remparts, «Je la vois, à pas lents, en longs cheveux épars, « Seule, sur un tombeau, pensive, inanimée, « S'arrêter, et pleurer sa mère bien aimée! « O que tes yeux sont doux! que ton visage est beau! << Viendras-tu point aussi pleurer sur mon tombeau? « Viendras-tu point aussi, la plus belle des belles, << Dire sur mon tombeau : Les parques sont cruelles! <<-Ah! mon fils, c'est l'Amour! c'est l'Amour insensé «Qui t'a, jusqu'à ce point, cruellement blessé ? « Ah! mon malheureux fils! Oui, faibles que nous sommes, <<C'est toujours cet Amour qui tourmente les hommes. <S'ils pleurent en secret, qui lira dans leurs cœurs «Verra que cet Amour est toujours leur vainqueur. « Mais, mon fils, mais dis-moi: quelle nymphe charmante, «Quelle vierge as-tu vue au bord de l'Erymanthe? « N'es-tu pas riche et beau, du moins quand la douleur «N'avait point de ta joue éteint la jeune fleur? « Parle : est-ce cette Églé, fille du roi des ondes; «Ou cette jeune Irène aux longues tresses blondes? « Ou ne serait-ce point cette fière beauté « Dont j'entends le beau nom chaque jour répété; < Dont j'apprends que partout les belles sont jalouses; « Qu'aux temples, aux festins, les mères, les épouses, << Ne sauraient voir, dit-on, sans peine et sans effroi: << Cette belle Daphné?... - Dieux! ma mère, tais-toi, « Je meurs. Va la trouver : que tes traits, que ton âge, << Tiens, prends cette corbeille et nos fruits les plus beaux; << Prends notre Amour d'ivoire, honneur de ces hameaux; << Prends la coupe d'onyx à Corinthe ravie; << Prends mes jeunes chevreaux, prends mon cœur, prends ma vi << Jette tout à ses pieds; apprends-lui qui je suis; << Dis-lui que je me meurs, que tu n'as plus de fils. << Tombe aux pieds du Vieillard; gémis, implore, presse; << Adjure Cieux et Mers, Dieux, Temple, Autel, Déesse; « Pars; et, si tu reviens sans les avoir fléchis, << Adieu! ma mère, adieu! tu n'auras plus de fils. << -J'aurai toujours un fils: va, la belle espérance (( << Me dit...» Elle s'incline, et, dans un doux silence, Elle couvre ce front terni par les douleurs De baisers maternels, entremêlés de pleurs; Elle arrive; et, bientôt revenant sur ses pas, V. L'OARISTYS, IMITÉE DE LA XXVII IDYLLE DE THÉOCRITE. 000 DAPHNIS, NAIS. DAPHNIS. HÉLÈNE daigna suivre un berger ravisseur: Berger comme Paris, j'embrasse mon Hélène. 1. Les Commentateurs ne s'accordent pas sur le nom d'un des deux personnages que Théocrite a mis en scène dans cet ouvrage. Les uns veulent qu'il y ait Nuts, les autres Κόρη (jeune fille). Dans l'édition de Florence, cette idylle porte pour titre : Θεοκρίτου Δαφνιδος καὶ Νηιδος Οαριστυς; dans celle donnée, en 1820, par M. Valkenaër, on lit : Δαφνιδος καὶ Κόρης Οαριστυς. Voici, à cet égard, la note que M. Gail a placée en tête de la traduction qu'il a faite de cette poésie de Théocrite. << Cette idylle offre un entretien d'une ingénuité hardie entre le « berger Daphnis et une jeune fille, que je nommerai Naïs, d'après « quelques manuscrits. » On concevra maintenant bien aisément qu'André Chénier, à qui la langue grecque était très-familière, ait pu avoir aussi connaissance de ces manuscrits, et qu'il n'ait pas hésité à adopter dans son imitation poétique ce titre, fort gracieux d'ailleurs, et parfaitement approprié au genre pastoral. (Note de l'Éditeur.) NAÏS. C'est trop t'enorgueillir d'une faveur si vaine. DAPHNIS. Ah! ces baisers si vains ne sont pas sans douceur. NAÏS. Tiens: ma bouche essuyée en a perdu la trace. DAPHNIS. Eh bien! d'autres baisers en vont prendre la place. NAÏS. Adresse ailleurs ces vœux dont l'ardeur me poursuit; Va, respecte une vierge. DAPHNIS. Imprudente bergère! Ta jeunesse te flatte; ah! n'en sois point si fière : Comme un songe insensible elle s'évanouit. NAÏS. Chaque âge a ses honneurs; et la saison dernière Aux fleurs de l'oranger fait succéder son fruit. DAPHNIS. Viens sous ces oliviers : j'ai beaucoup à te dire. NAÏS. Non: déja tes discours ont voulu me tenter. DAPHNIS. Suis-moi sous ces ormeaux; viens, de grâce, écouter |