maître, le bien l'emporte sur le mal; et que, lorsque lange de ténèbres a l'avantage, le mal prévaut sur le bien, et que ce conflit durera jusqu'à la fin du monde; qu'alors il aura une résurrection universelle, et un jour de jugement, où chacun recevra la juste rétribution de ses œuvres : qu'après cela l'ange de ténèbres et ses sectateurs seront relégués dans un lieu où ils souffriront les peines dues à leurs crimes dans une obscurité éternelle; et l'ange de lumière et ses disciples iront aussi dans un lieu où ils recevront la récompense de leurs bonnes actions dans une lumière éternelle; qu'ils seront séparés pour tonjours, et que la lumière et les ténèbres ne seront plus jamais mêlées et confondues ensemble. Les Perses, avant le dernier Zoroastre, n'érigeoient nistatues, ni temples, niautels à leurs dieux, et offroient leurs sacrifices en plein air, et presque toujours sur des hauteurs et des montagnes. Ils regardoient comme une chose injurieuse à la Divinité de la renfermer dans l'enceinte des murailles, elle à qui tout est ouvert, et dont l'Univers entier est comme la maison et le temple. Cet usage fut encore réformé par Zoroastre; et c'est lui qui fit batir des temples où l'on conservoit avec grand soin le feu sacré qu'il prétendoit avoir apporté luimême du ciel. Les lois ne permettoient à aucun Perse de borner le motif de ses sacrifices à un intérêt domestique et privé. C'étoit une belle manière d'attacher les particuliers au bien public, que de leur apprendre qu'ils ne devoient jamais sacrifier pour eux seuls, mais pour le roi et pour tout l'état, où chacun se trouvoit avec tous les autres. Voyez ADORATION, PIÉTÉ. 112 1. REMORDS. Un philosophe pythagoricien avoit acheté à crédit une paire de souliers. Etant revenu ensuite pour les payer, il trouva la boutique fermée, et il apprit que le cordonnier étoit mort. Il ressentoit une secrète joie à cette nouvelle, et s'en alla fort content d'avoir les souliers et l'argent; mais le remords suivit de près la : faute. Il réfléchit sur son injustice, et revint à grands pas à la boutique; il glissa son argent par les fentes de la porte, en disant : << Cet homme qui est mort <<< pour les autres, est encore vivant pour toi. » 2. L'amour du commandement et la rivalité avoient rendu Héraclide, citoyen de Syracuse, l'irréconciable ennemi de Dion. Ce grand capitaine formoit-il quelque projet pour le bonheur de sa patrie? l'opiniatreliéraclide s'y opposoit toujours; et, lâche flatteur d'une populace aveugle, il ne cessoit de cabaler contre le sauveur de Syracuse, afin de gagner les honnes graces des plus méprisables citoyens. Mille fois, les amis de Dion voulurent le débarrasser, par des voies violentes, de ce tyran d'une espèce nouvelle: son ame étoit trop belle, trop généreuse pour y jamais consentir: toujours il arrêta leurs bras prêts à frapper le séditieux. Enfin, un jour qu'il l'avoit envoyé appeler au conseil, il répondit qu'il n'y iroit point, et qu'étant simple particulier, il se trouveroit à l'assemblée avec les autres citoyens, quand elle seroit convoquée; c'étoit mépriser ouvertement L'autorité de Dion: il est bien difficile de ne pas oublier un instant sa vertu; c'est ce qui arriva dans cette occasion au souverain magistrat de Syracuse. Fatigué de souffrir tant d'insultes, il lâcha la main à ses amis, et leur permit de tuer Héraclide. On vit alors combien le cri de la conscience est capable d'alarmerune ame vertueuse : à peine le meurtre cut-il été commis, que Dion ne goûta plus de joie vraiment pure: le repos s'éclipsa pour jamais. Un fantôme affreux, triste suite de son repentir, se présenta devant lui durant les ténèbres, et le remplit d'un trouble effrayant et d'une noire mélancolie. C'étoit une femme d'une taille énorme, dont l'appareil lugubre, l'air farouche, le regard furieux jetoient l'épouvante dans son ame, et sembloit, en balayant avec violence sa maison, lui présager les plus grands malheurs. 3. Alexandre-le-Grand, ayant recu des fruits de la Grèce, les trouvasi beauxetsi frais, qu'il en voulut donner à Clitus, son ami, frère de sanourrice, et qui, dans un combat, lui avoit sauvé la vie. Clitus alors offroit un sacrifice pour la prospérité du roi. Il le quitte pour se rendre auprès du monarque. Trois moutons qu'il devoit immoler, et sur qui l'on avoit déjà fait les effusions ordinaires, le suivirent; ce qui fut pris pour un sinistre présage. Afin d'écarter lesidées funèbres que cet événement singulier avoit fait naître, ont eut recours aux plaisirs; et le prince donna un festin magnifique. Le souper fut long, et l'on y but beaucoup. On y chanta des vers qu'un poète de la suite de la cour avoit faits contre quelques capitaines macédoniens, qui, depuis peu, s'étoient laissé battre par les Barbares. Les vieux officiers en furent mécontens, et querellèrent le poète et lemuscien. Alexandre et ses favoris, au contraire, s'amusant deces vers, ordonnèrent au musicien de continuer.Laliqueur bachique avoit déjà troublé la raison de Clitus: ce capitaine, naturellement fier, se mit tout-a-fait en colère, et dit qu'il étoit honteux de tourneren ridicule, parmi des barbares ennemis, des officiers macédoniens, qui malgré le malheur qui leur étoit arrivé, valoient mieux que ceux qui rioient à leurs dépens. Alexandre lui répondit qu'en donnant à une lâcheté l'indulgente dénomination de malheur, il vouloit sans doute s'excuser lui-même. Il n'en falloit pas davantage pour mettre à son comble le courroux d'un homme brave, que le vin anime, et qu'une longue liberté met an-dessus de la crainte. <<< Cette lâcheté que vous me reprochez, s'écria<< t-il en se levant de table, vous a sauvé la vie, à vous, <<< qui vous dites fils des dieux, lorsque vous présentiez << le dos à l'épée de Spitriade. Ces Macédoniens que l'on << raille ont répandu leur sang pour vous. Les blessures << qu'ils ont reçues vous ont rendu si grand, que vous dé<< savouez le roi Philippe pour votre père, et que vous << voulez sottement passer pour le fils de Jupiter Ammon. << - Méchant, repartit Alexandre, piqué jusqu'au vif, <<< crois-tutenir encore long-temps impunément ces dis<<< cours séditieux que tu répètes sans cesse, pour faire << révolter les Macedoniens? - Hélas! nous sommestous <<< assez punis, répliqua Clitus, par la récompense que <<< nous recevons de nostravaux et de nos fatigues;etnous << estimons heureux ceux qui sont morts assez tôt pour << ne point voir les Macédoniens battus de verges par les << Mèdes, et pour n'être pas obligé de faire la cour aux << Perses, afin d'avoir accès auprès de vous. >> Clitus, la tête levée, tint encore d'autres discours semblables, auxquels Alexandre, en colère, repartit par des injures. Les plus vieux tâchoient de l'appaiser et de faire taire Clitus. Le monarque se tournant alors vers le Cardien Xénodoque, et le Colophonien Artémius : «Ne vous semble<< t-il pas, leur dit-il, que les Grecs sont entre les peu<< ples, comme des demi-dieux qui se promènent entre << des bêtes sauvages?>>>Clitus, ne rabattant rien de son audace et de sa fierté, cria qu'Alexandre dit tout haut ce qu'il avoit à dire, ou qu'il n'invitât pas à sa table des hommes libres, accoutumés à parler avec franchise; mais qu'il se tînt avec des Barbares, lâches esclaves, par qui sa ceinture à la persienne et sa longue veste blanche étoient adorées. A ces mots le conquérant de l'Asie, outré de colère, jette une pomme à la tête de Clitus, et cherche son épée qu'Aritophane, l'un de ses gardes, lui venoit d'ôter. Les autres convives l'entourent et le supplient de se calmer: il sort de table, appelle ses gardes en langage macédonien; et voyant un de ses trompettes, il lui commande de sonner l'alarme. Le trompette refusant d'obéir à cet ordre, il lui donne un coup de poing; mais cet homme fut dans la suite estimé de tout le monde, et même d'Alexandre, parce que sa sage désobéissance avoit empêché toute l'armée de se mutiner. Comme on ne pouvoit parvenir à faire taire Clitus, ses amis le jetèrent hors de la salle; mais il y rentra par une autre porte, en prononçant à haute voix, ce vers d'Euripide: Les mœurs et les vertus abandonnent la Grèce. Ce dernier trait mit le comble à la fureur d'Alexandre. Hors de lui-même, il arrache la javeline d'un de ses gardes, s'élance vers Clitus, le perce, et le renverse mort. La colère du monarque fougueux s'éteignit tout-à-coup dans le sang de sa victime. Dans ce moment, son crime se présenta devant ses yeux avec toute son énormité, toute sa noirceur. Il venoit de tuer un homme qui avoit, il est vrai, épuisé sa patience; mais enfin cet homme l'avoit toujours bien servi; cet homme avoit par son courage défendu la vie de son roi. Il venoit de faire l'office abominable d'un bourreau, en punissant par un meurtre horrible des paroles indiscrètes, que l'on pouvoit imputer à l'effervescence d'une liqueur dangereuse. Comment désormais osera-t-il paroître devant la sœur de son ami immolé ? Comment osera-t-il présenter à cette femme sensible, une main souillée du sang de son frère? Ne pouvant soutenir ces tristes réflexions, le roi de Macédoine se jette sur le corps sanglant de Clitus, en arrache la funeste javeline, et se la porte à la gorge; mais ceux qui l'environnent lui saisissent les mains, le désarment, et l'entraînent, malgré lui, dans son appartement. Il y passa toute la nuit et le jour suivant à pleurer sans cesse, jusqu'à ce que, ne pouvant plus crier ni se plaindre, il s'étendit sur le plancher pour y pousser de longs gémissemens. Ses amis, n'entendant plus sa voix, et craignant pour ses jours, entrèrent de force dans sa chambre; mais il ne voulut écouter qu'Aristandre, qui, lui rappelant un songe qu'il avoit eu touchant Clitus, lui persuada que c'étoit un présage de ce qui étoit arrivé, et que ce triste événement étoit une suite de l'ordre suprême du destin: foible ressource contre les cris d'une conscience justement alarmée, que les flatteries et les faux raisonnemens ne sont point capables de faire taire! Cependant ces discours, répétés de toutes parts, commencèrent à ramener peu à peu le monarque à lui-même. Le philosophe Callisthène, disciple et petit-neveu d'Aristote, puis Anaxarque d'Abdère', vinrent essayer de calmer entiérement la douleur de leur prince. Le premier, par son industrieuse douceur, entama ce grand ouvrage qui paroissoit impossible; mais le second, plein de mépris pour les voies ordinaires, et qui par son caractère singulier, s'étoit acquis le surnom d'écervelé, s'écria dès la porte: << Cieux et terre! qu'aperçois-je ? Quoi ! voilà donc Alexandre-le-Grand, ce héros qui fixe aujourd'hui tous les regards de l'Univers! le voilà couché par terre et pleurant comme un esclave! Eh! pourquoi pleuret-il? Il craint les lois; il redoute les hommes! Souverain |