Le roman expérimental

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Charpentier, 1880 - Criticism - 416 pages
 

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Popular passages

Page 264 - ... en effet l'unique mission de décrire ce qui est bas, ce qui est répugnant, ce qui pue; il est venu au monde aussi, lui, pour définir, dans de l'écriture artiste, ce qui est élevé, ce qui est joli, ce qui sent bon, et encore pour donner les aspects et les profils des êtres raffinés et des choses riches : mais cela, en une étude appliquée, rigoureuse et non conventionnelle et non Imaginative de la beauté, une étude pareille à celle que la nouvelle école vient de faire, en ces dernières...
Page 85 - Le physiologiste n'est pas un homme du monde, disait-il; c'est un savant, c'est un homme absorbé par une idée scientifique qu'il poursuit; il n'entend plus les cris des animaux, il ne voit plus le sang qui coule, il ne voit que son idée et n'aperçoit que des organismes qui lui cachent des problèmes qu'il veut découvrir. De même le chirurgien n'est pas arrêté par les cris et les sanglots, parce qu'il ne voit que son idée et le but de son opération. De même encore l'anatomiste ne sent pas...
Page 172 - Ebloui de l'éclat de la splendeur mondaine Je me flattais toujours d'une espérance vaine, Faisant le chien couchant auprès d'un grand seigneur. Je me vis toujours pauvre, et tâchai de paraître ; Je vécus dans la peine, espérant le bonheur, Et mourus sur un coffre, en attendant mon maître. Naturellement, toutes les échines ne se pliaient pas avec cette complaisance. Des hommes de talent restaient fiers et debout ; mais c'était la très petite exception, car, je le répète, les idées du...
Page 228 - Nous estimons que l'homme ne peut être séparé de son milieu, qu'il est complété par son vêtement, par sa maison, par sa ville, par sa province; et, dès lors, nous ne noterons pas un seul phénomène de son cerveau ou de son cœur, sans en chercher les causes ou le contre-coup dans le milieu. De là ce qu'on appelle nos éternelles descriptions.
Page 25 - C'est précisément le scolastique qui croit avoir la certitude absolue qui n'arrive à rien : cela se conçoit, puisque, par son principe absolu, il se place en dehors de la nature, dans laquelle tout est relatif. C'est au contraire l'expérimentateur qui doute toujours et qui ne croit posséder la certitude absolue sur rien, qui arrive à maîtriser les phénomènes qui l'entourent et à étendre sa puissance sur la nature.
Page 32 - Enfin l'expérience, c'est-à-dire l'étude des phénomènes naturels, apprit à l'homme que les vérités du monde extérieur ne se trouvent formulées, de prime abord, ni dans le sentiment ni dans la raison. Ce sont seulement nos guides indispensables; mais, pour obtenir ces vérités, il faut nécessairement descendre dans la réalité objective des choses où elles se trouvent cachées avec leur forme phénoménale.
Page 123 - Ils n'avaient rien de latin, rien de classique ; ils inventaient leur langue, ils notaient avec une intensité incroyable leurs sensations d'artistes malades de leur art. Les premiers, dans Germinie Lacerteux, ils ont étudié le peuple de Paris, peignant les faubourgs, les paysages désolés de la banlieue, osant tout dire en une langue raffinée, qui rendait aux êtres et aux choses leur vie propre. Ils ont eu une très grande influence sur le groupe actuel des romanciers naturalistes.
Page 150 - C'est ce qui m'a mené souvent à dire que la formule naturaliste nous reportait à la source même de notre théâtre national, à la formule classique. On trouve précisément dans les tragédies de Corneille, dans les comédies de Molière, cette analyse continue des personnages que je demande ; l'intrigue est au second plan, l'œuvre est une longue dissertation dialoguée sur l'homme. Seulement, au lieu d'abstraire l'homme, je voudrais qu'on le replaçât dans la nature, dans son milieu propre,...
Page 268 - Voilà donc ce qu'il faut constater : notre analyse reste toujours cruelle, parce que notre analyse va jusqu'au fond du cadavre humain. En haut, en bas, nous nous heurtons à la brute. Certes, il ya des voiles plus ou moins nombreux ; mais quand nous les avons décrits les uns après les autres, et que nous levons le dernier, on voit toujours derrière plus d'ordures que de fleurs.
Page 142 - J'attends qu'on nous débarrasse des personnages fictifs, de ces symboles convenus de la vertu et du vice qui n'ont aucune valeur comme documents humains. J'attends que les milieux déterminent les personnages et que les personnages agissent d'après la logique des faits combinée avec la logique de leur propre tempérament. J'attends qu'il n'y ait plus d'escamotage d'aucune sorte, plus de coups- de baguette magique, changeant d'une minute à l'autre les choses et les êtres. J'attends qu'on ne nous...

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