mis. Après les déroutes de Blenheim, de Ramillies et de Turin, il avait, offert d'abandonner à l'archiduc la couronne d'Espagne et les états du Nouveau-Monde, à condition que le royaume de Naples, la Sicile, les possessions espagnoles en Italie ainsi que la Sardaigne, resteraient au roi Philippe V. Après les désastres de 1707 et 1708, il renouvela les mêmes propositions et fit offrir de plus Milan et les ports de la Toscane. Enfin, pendant les premiers mois de 1709, Louis XIV déclara qu'il abandonnait toute la monarchie espagnole, les ports de la Toscane, le Milanais, les Pays-Bas, les îles et le continent d'Amérique, ne réservant que Naples, la Sicile et la Sardaigne, et laissant même entrevoir qu'il tenait peu à cette dernière province. Puis, pour amener les Hollandais à se faire les médiateurs, il proposait de donner quatre places en ôtage, de rendre Strasbourg et Brisach, de renoncer à la souveraineté de l'Alsace et de n'en garder que la préfecture, de raser toutes ses places depuis Bâle jusqu'à Philisbourg, de combler le port de Dunkerque, et de laisser aux États-Généraux Lille, Tournai, Menin, Ypres, Condé, Furnes et Maubeuge. Ce ne fut pas tout les plénipotentiaires français allèrent jusqu'à promettre que si Philippe V n'acceptait pas de plein gré la condition qui le chassait d'Espagne, le roi donnerait l'argent nécessaire à solder les armées qui le détrôneraient. Mais, comme au moment même où le roi faisait cette proposition, les alliés prenaient Douai et Bethune, et que le général allemand Guy de Staremberg remportait sur les troupes de Philippe V la victoire de Saragosse, on exigea de Louis XIV que, pour préliminaires de la paix qu'il sollicitait, il s'engageât à chasser seul son petit-fils d'Espagne, et cela par la voie des armes. En apprenant cette exigence, le vieux roi releva la tête et s'écria: — Puisqu'il me faut absolument faire la guerre, j'aime encore mieux la faire à mes ennemis qu'à mes enfants. Mais s'il refusait d'attaquer Philippe V, au moins ne pouvait-il plus le soutenir. Il avait été obligé de retirer les trois quarts des troupes qu'il avait en Espagne, afin d'opposer une plus grande résistance vers la Savoie, sur le Rhin et surtout en Flandre. Ce fut alors que se voyant abandonné par l'armée française, le conseil du roi d'Espagne demanda à Louis XIV de lui envoyer au moins un général. Ce général était Vendôme, qui, apres sa campagne malheureuse de Flandre, s'était retiré dans son chateau d'Anct. T. IL. 59 11 Succès de Vendôme en Espagne. - Chûte de Marlborough. La jatte d'eau. Mort de l'empereur Joseph 1er. Revirement de la politique contraire à Louis XIV. — Désastres dans la famille royale. Maladie de monseigneur le grand Dauphin. Sa mort. Son portrait. Maladie et fin de Mae de Bourgogne. Portrait de Son portrait. Son caractère. - Franchise de Gamache. Maladie et mort du duc de Bretagne, le troisième dauphin, Maladie et mort du duc de Berri. dôme. Victoire de Denain. - Paix d'Utrecht. Fin du duc de Ven Ly a un point dans les malheurs extrêmes, où la constance lasse enfin la fortune contraire: Louis XIV en était arrivé à ce point-là. C'était Vendôme qui devait donner le signal du retour à la prospérité politique. A peine paraît-il en Espagne, tout brillant encore de la réputation qu'il s'est faite en Italie et que la Flandre n'a pu lui faire perdre, que les Espagnols reprennent courage et se rallient à lui. Tout manquait en son absence, argent, soldats, enthousiasme; il paraît et on le reçoit avec des cris de joie. Chacun met à sa disposition tout ce qu'il possède, et comme Bertrand Duguesclin autrefois avait fait sortir une armée de terre en frappant la terre du pied, le duc de Vendôme voit se renouveler le même miracle, se trouve à la tête des vieux soldats échappés à Saragosse, aux quels se réunissent dix mille recrues, poursuit à son tour les vainqueurs, qui sentent enfin que l'heure de la défaite est revenue pour eux, ramène le roi dans son palais de Madrid, chasse l'ennemi devant lui, le repousse vers le Portugal, le suit pas à pas, passe le Tage à la nage comme il ferait d'un simple ruisseau, enlève le général Stanhope avec cinq mille Anglais, atteint Staremberg, et remporte sur lui la victoire de Villaviciosa, victoire si glorieuse, si complète, si décisive, qu'elle releva tout ce qui était abattu, rétablit tout ce qui était désespéré, et raffermit à tout jamais sur la tête de Philippe V la double couronne des Indes et de l'Espagne Il avait fallu quatre mois pour faire cette campagne, qui n'a son égale que dans les marches fabuleuses de Napoléon. Tout à coup on apprit en France la disgrâce de la duchesse et du duc de Marlborough. C'était une grande et incroyable nouvelle, car la duchesse de Marlborough gouvernait la reine Anne et le duc gouvernait l'État : par Godolphin, beau-père d'une de ses filles, il tenait les finances; par le secrétaire Sunderland, son gendre, il tenait le cabinet; toute la maison de la reine était aux ordres de sa femme; toute l'armée, dont il donnait les emplois, était aux siens. A La Haye, il avait plus de crédit que le grand Pensionnaire; en Allemagne, il balançait le pouvoir de l'Empereur, qui avait besoin de lui. Partage fait entre ses quatre enfants, il lui restait encore, sans les grâces et les faveurs de la cour, un million cinq cent mille livres de rente. Eh bien! toute cette fortune était tombée, toute cette haute position était perdue; tout cet édifice, lentement et laborieusement construit, s'était écroulé parce que lady Marlborough, par une méprise affectée et en présence de la reine, avait laissé tomber une jatte d'eau sur la robe de milady Marsham, dont le crédit commençait à balancer le sien. Cette maladresse calculée amena une querelle entre lady Marlborough et la reine. La duchesse se retira dans ses terres. On ôta d'abord le ministère à Sunderland, puis les finances à Godolphin, puis enfin le généralat à Marlborough. Un nouveau ministère fut reconnu. Quelques jours après cette nomination, c'est-à-dire vers la fin de janvier 1711, un prêtre inconnu, nommé l'abbé Gauthier, qui autrefois avait été aide de l'aumônier du maréchal de Tallard dans son ambassade auprès du roi Guillaume, et qui depuis ce temps était demeuré à Londres, arriva à Versailles, et, se rendant chez le marquis de Torcy, qu'après quelques difficultés il parvint enfin à voir, il lui dit : — Voulez-vous faire la paix, Monsieur? je viens vous apporter les moyens de la traiter. Le marquis de Torcy prit d'abord cet homme pour un fou. Mais alors celui-ci raconta au ministre cette révolution inattendue qui s'était accomplie en quelques heures; aussitôt le marquis de Torcy comprit que, non par sympathie pour la France, mais par haine contre Marlborough, le nouveau ministère ne s'opposerait effectivement pas à la paix. En même temps, on apprit une autre nouvelle non moins inattendue et non moins heureuse : l'empereur Joseph venait de mourir, laissant la couronne d'Autriche, l'empire d'Allemagne et ses prétentions sur l'Espagne et sur l'Amérique à son fils Charles, qui fut élu empereur quelques mois après. La ligue contre Louis XIV s'était faite pour qu'il ne possédât pas tout à la fois la France, l'Espagne, l'Amérique, la Lombardie, le royaume de Naples et la Sicile. On comprit que ce serait une imprudence non moins fatale, que de faire l'empereur d'Allemagne aussi grand qu'on avait craint un instant que le roi de France ne le devînt. me Mais alors, pour contre-poids à ces deux nouvelles, qui laissaient quelques espérances, Dieu permit qu'une autre série de malheurs s'abattît autour de Louis XIV. Le dauphin, son fils unique, Monseigneur, meurt le 14 avril 1711; Me la duchesse de Bourgogne meurt le 12 février 1712; le duc de Bourgogne, devenu dauphin, meurt le 18 du même mois et de la même année; enfin trois semaines après, le duc de Bretagne, l'aîné de leurs fils les suit au tombeau, et il ne reste plus de cette vieille lignée et de cette triple génération, que le duc d'Anjou, faible enfant dont on était si loin de prévoir la fortune à venir, que Dangeau oublie d'inscrire sur son journal le jour de la naissance de celui qui sera cinq ans plus tard le roi Louis XV Disons quelques mots de toutes ces morts qui furent si rapprochées, et qui produisirent un effet si terrible qu'on ne les voulut point croire naturelles. Commençons par Monseigneur, qui était à cette époque âgé de cinquante ans. Le lendemain des fêtes de Pâques de l'an 1711, Monseigneur allant à Meudon, rencontra à Chaville un prêtre qui portait le viatique à un malade, il fit aussitôt arrêter sa voiture, descendit, se mit à genoux avec Me la duchesse de Bourgogne, et le prêtre étant passé, demanda de quelle maladie était atteint le moribond. On lui répondit que c'était de la petite vérole. M. le Dauphin n'avait eu la petite vérole que tout enfant, fort légère et volante seulement. C'était sa terreur continuelle; aussi la réponse lui fit-elle impression, et le soir même en causant avec son premier médecin, Boudin, il lui dit qu'il ne serait nullement étonné d'avoir, avant quelques jours, la petite vérole. Le lendemain, jeudi 11 avril, Monseigneur se leva à son heure habituelle; il devait courre le loup dans la matinée; mais en s'habillant il se trouva faible et tomba sur une chaise. Son médecin le força aussitôt de se coucher, et à peine fut-il au lif que la fièvre se déclara. Une heure après, le roi fut averti, mais il crut à une simple indisposition. Il n'en fut pas ainsi de M. le duc et de Me la duchesse de Bour |