RÉFLEXIONS SUR LES LETTRES DE MADAME DE SÉVIGNÉ. LES Lettres de Madame de Sévigné furent célèbres dès son vi◄ vant, mais celles de quelques autres l'étoient aussi; par exemple, celles de sa cousine, Madame de Coulanges (1). Le vrai goût du style épistolaire s'étoit alors développé en France. Il faut avouer que les plus parfaits modèles en furent donnés par les femmes, et qu'elles (1) Lorsqu'on présenta Madame de Coulanges à la Dauphine en 1680, cette Princesse lui parla de l'agrément de ses lettres. Elle en avoit lu en Allemagne. Tome X. a laissèrent bien loin derrière elles les modèles qu'on leur avoit vantés, et Voiture et Balzac (1). Ce genre sur-tout veut du naturel, et (1) Je ne perdrai pas le tems à parler de ces deux hommes ; ils sont jugés partout, et les gens du monde ne les lisent plus. Mais les gens de lettres, qui doivent lire tout et observer quels ont été les progrès de la perfection, peuvent remarquer que ces deux hommes ne furent ni sans influence, ni sans utilité. On se détromра bientôt de l'enflure de Balsac, et l'on conserva sa noblesse. Le style des dépêches politiques acquit de la dignité. Ce mérite fut remarqué par Louis XIV dans Pomponne, (ami de Madame de Sévigné) et c'est à quoi il dut son élévation. Quant à Voiture, il régna plus long-tems; les esprits les plus graves s'en occupèrent, et j'en ai vu un exemplaire chargé des notes du savant Huet. Son nom étoit devenu une espèce de proverbe, et quand on vouloit louer un badinage ingénieux, on le comparoit à celui de Voiture. Son succès fut trop grand, et ce fut peut-être un bonheur, car sa chûte en a été plus complète. On s'apperçut que l'esprit des Cotins et le ton de l'hôtel de Rambouillet, qui avoit pensé tout perdre, n'étoit que l'imitation des défauts de cet écrivain, l'esprit naturel reprit ses droits. Il faut avouer que Molière aida puissamment à décrédi c'étoit à elles qu'il appartenoit de le perfectionner. Un homme dans ce même tems parut y exceller, c'étoit encore un parent de Madame de Sévigné, le fameux BussyRabutin, écrivain très-pur en même tems qu'un médisant détestable : d'abord détractateur de sa cousine, puis son admirateur sincère. Il imprima le premier Recueil où se trouvent des lettres de cette Dame mêlées aux siennes. Elles ont entre elles quelque air de famille. Bussy brille par cette aisance de tournures, et cette pureté d'expres ter l'affectation et le faux goût. Mais les exemples du vrai style épistolaire furent donnés par des Dames illustres dont on a conservé les lettres. Madame de Sévigné, Madame de Coulanges, Madame de Villars, Madame de Maintenon, virent dans leur jeunesse régner dans les lettres la folie du bel-esprit ; on ne voit dans les leurs qu'un langage plein de raison et d'élégance. sion dont Bouhours l'a si constamment loué : mais il est vain, mais son orgueil y paroît écrasé, et non pas éteint par les humiliations qu'il s'étoit attirées. On est fatigué de le voir si long-tems à genoux devant Louis XIV, et à-peu-près consolé de ce qu'il n'obtient point grace. Sa cousine, au contraire, est bonne, naturelle; elle lui a pardonné. Mais je ne sais pourquoi on soupçonne qu'elle n'a pu oublier la vieille injure. Soit parce qu'il fut un méchant, soit parce qu'il est toujours bel-esprit et se pavane dans son langage d'homme de la Cour, elle paroît moins parfaitement à l'aise avec lui. Ses lettres ne tombent point de sa tête toutes faites comme les autres, et elle ne peut pas dire de celles-là ; |