: vous induire à le juger vous-mêmes sans observer aucune forme ? Louis n'est pas un accusé ordinaire; on le sait bien. On ne cesse de crier que son existence sera le germe d'une fermentation continuelle. Pourquoi ne pas examiner si sa mort ne causera pas de plus grands désordres? J'aime trop la gloire de mon pays pour proposer à la Convention de se laisser influencer dans une occasion aussi solemnelle par la considération de ce que feront ou ne feront pas les puissances étrangères. Cependant, à force d'entendre dire que nous agissions dans ce jugement, comme pouvoir politique, j'ai pensé qu'il ne serait contraire, ni à votre dignité, ni à la raison de parler un instant politique. Il est probable qu'un des motifs pour lesquels l'Angleterre ne rompt pas encore qu-vertement la neutralité, et qui déterminent l'Espagne à la promettre, c'est la crainte de hâter la perte de Louis, par une accession à la ligue formée contre nous. Soit que Louis vive, soit qu'il meure, il est impossible que ces puissances se déclarent nos ennemies; mais la condamnation donne une probabilité de plus à la déclaration, et il est sûr que, si la déclaration a lieu, sa mort en sera le prétexte. Vous vaincrez ces nouveaux ennemis.. Je le crois; le courage de nos soldats, et la justice de notre cause m'en sont garans. Cependant résistons un peu à l'ivresse de nos premiers succès, ce sera un accroissement considérable à vos dépenses : ce sera 4 un nouveau recrutement à faire pour vos armées. Ce sera une armée navale à créer ; ce sera de nouveaux risques pour votre commerce qui, déjà a tant souffert par le désastre des colonies; ce sera de nouveaux dangers pour vos soldats qui, pendant que vous disposez ici tranquillement de leurs destinées, affrontent les injures de l'air, les rigueurs de la saison, les fatigues, les maladies et la mort. Et si la paix devenue plus difficile, si la guerre, par un prolongement funeste, conduit vos finances à un épuisement auquel on ne peut songer sans frémir, si elle vous force à de nouvelles émissions d'assignats qui feront croître dans une proportion effrayante les denrées de première nécessité; si elle augmente la misère publique par des atteintes nouvelles portées à votre commerce; si elle fait couler des flots de sang sur le continent et sur les mers; quel grand service vos calculs politiques auront-ils rendu à l'humanité? Quelle reconnaissance vous devra la patrie pour avoir fait en son nom, et au mépris de sa souveraineté méconnue, un acte de vengeance devenu la cause ou senlement le prétexte d'événemens si calamiteux? Oserez-vous lui vanter vos victoires? Je ne parle pas de défaites et de revers: j'éloigne de ma pensée tous présages sinistres; mais par le cours naturel des événemens, même les plus prospères, elle sera entraînée à des efforts qui l'épuiseront insensiblement. Sa population s'affaiblira par le nombre prodigieux d'hommes que la guerre dévore. L'agriculture manquera bientôt de bras. Vos trésors écoulés appelleront de nouveaux impôts. Le corps social, fatigué des assauts que lui livreront au dehors des ennemis puissans, des secousses convulsives que lui imprimeront les factions intérieures, tombera dans une langueur mortelle. Craignez qu'au milieu de ses triomphes', la France ne ressemble à ces monumens fameux qui, dans l'Egypte, ont vaincu le temps. L'étranger qui passe, s'étonne de leur grandeur; s'il veut y pénétrer, qu'y trouve-t-il? des cendres inanimées, et le silence des tombeaux. Citoyens, celui d'entre nous qui céderait à des craintes personnelles, serait un lâche, indigne de siéger dans le Sénat français. Mais des craintes sur le sort de la patrie, si elles supposent quelquefois des conceptions étroites, des erreurs de l'esprit, honorent au moins le cœur. Je vous ai exposé une partie des miennes; j'en ai d'autres encore, et je vais vous les dire. Lorsque Cromwel, que l'on vous a déjà cité, voulut préparer la dissolution du parti avec lequel il avait renversé le trône et fait monter Charles Ier sur l'échafaud, il lui fit des propositions insidieuses, qu'il savait bien devoir révolter la nation, mais qu'il eut soin de faire appuyer par des applaudissemens soudoyés et de grandes clameurs. Le parlement céda. Bientôt la fermentation fut générale, et Cromwel brisa sans effort l'instrument dont il s'était servi pour arriver à la suprême puissance. N'avez-vous pas entendu dans cette en ceinte et ailleurs des hommes crier avec fureur: si le pain est cher, la cause en est au Temple; si le numéraire est rare, si nos armées sont mal approvisionnées, la cause en est au Temple; si nous avons à souffrir chaque jour du spectacle de l'indigence, la cause en est au Temple? Ceux qui tiennent ce langage, n'ignorent pas cependant que la cherté du pain, le défaut de circulation dans les subsistances, la mauvaise administration dans les armées, et l'indigence dont le spectacle nous afflige, tiennent à d'autres causes que celles du Temple. Quels sont donc leurs projets ? Qui me garantira que ces hommes qui s'efforcent continuellement d'avilir la Convention, et qui peut-être y auraient réussi si la majesté du peuple qui réside en elle pouvait dépendre de leurs perfidies; que ces mêmes hommes qui proclament partout qu'une nouvelle révolution est nécessaire, qui font déclarer telle ou telle section en état d'insurrection permanente; qui disent à la commune que lorsque la Convention a succédé à Louis on n'a fait que changer de tyrans, qu'il faut une autre journée du 10 août; que ces mêmes hommes qui publient dans les assemblées de section et dans leurs écrits qu'il faut nommer un défenseur à la république, qu'il n'y a qu'un chef qui puisse la sauver : qui me garantira, dis-je, que ces mêmes hommes ne crieront après la mort de Louis avec la plus grande violence; si le pain est cher, la cause en est dans la Convention; si le numéraire est rare, si nos armées sont mal approvisionnées, la cause en est dans la Convention; si la machine du gouvernement se traîne avec peine, la cause en est dans la Convention chargée de la diriger; si les calamités de la guerre se sont accrues par la déclaration de l'Angleterre et de l'Espagne, la cause en est dans la Convention qui a provoqué ces déclarations, par la condamuation précipitée de Louis? Qui me garantira qu'à ces cris séditieux de la turbulence anarchique, ne viendront pas se rallier l'aristocratie avide de vengeance, la misère avide de changement, et jusqu'à la pitié que des préjugés invétérés auront excitée sur le sort de Louis ? Qui me garantira que dans cette nouvelle tempête, où l'on verra ressortir de leurs repaires les tueurs du 2 septembre, on ne vous présentera pas tout couvert de sang et comme un libérateur, ce défenseur, ce chef que l'on dit être devenu si nécessaire? Un chef! Ah! si telle était leur audace, il ne paraîtrait que pour être à l'instant percé de mille coups. Mais à quelles horreurs ne serait pas livré Paris? Paris dont la postérité admirera le courage héroïque contre les rois, et ne concevra jamais l'ignominieux asservissement à une poignée de brigands, rebut de l'espèce humaine, qui s'agitent dans son sein et le déchirent en tout sens par les mouvemens convulsifs de leur ambition et de leur fureur. Qui pourrait habiter une cité où régneraient la désolation et la mort ? Et vous, toyens industrieux, dont le travail fait toute la richesse, et pour qui les moyens de tra Ci |