dans l'autre. Si vous craignez sérieusement que la présentation du jugement de Louis à la ratification du peuple, produise la guerre civile, pourquoi ne redoutez-vous pas ce terrible effet de la présentation du décret qui déclare le gouvernement républicain: ou s'il est vrai que vous ne craigniez pas que la présentation de ce décret entraîne des discordes, pourquoi feignez-vous de croire qu'on ne peut, sans les faire naître, demander la sanction du peuple sur le jugement de Louis? Soyez conséquens dans vos frayeurs, ou renoncez à nous persuader de leur sincérité. On a senti combien il serait facile de dissiper tous ces fantômes dont on a voulu nous effrayer. Pour atténuer d'avance la force des réponses que l'on prévoyait, on a eu recours au plus lâche, au plus vil des moyens, à la calomnie. On a représenté ceux qui ont adopté l'opinion de Salles comme des conspirateurs contre la liberté, des amis de la royauté. On nous assimile aux Lameth, aux Lafayette, et à tous ces courtisans du trône que nous avons aidé à renverser. On nous accuse! certes, je n'en suis pas étonné; il est des hommes dont, par leur essence, chaque souffle est une imposture, comme il est de la nature du serpent de n'exister que pour la distillation du venin. On nous accuse! Ah! si nous avions l'insolent orgueil ou l'ypocrite ambition de nos accusateurs; si, comme eux, nous aimions à nous targuer du peu de bien que nous avons fait, nous dirions avec quel courage 1 nous avons constamment lutté contre la tyrannie des rois et contre la tyrannie plus dangereuse encore des brigands qui, dans le mois de septembre, voulurent fonder leur puissance sur les débris du trône. Nous dirions que nous avons concouru, au moins par notre suffrage, au décret qui a fait disparaître la distinction aristocratique entre les citoyens actifs et inactifs, et appelé également tous les membres du corps social à l'exercice de la souveraineté. Nous dirions sur-tout que le 10 août nous n'avons quitté le fauteuil que pour venir à cette tribune proposer le décret de suspension de Louis, tandis que tous ces vaillans Brutus, si prêts à égorger les tyrans désarmés, ensevelissaient leurs frayeurs dans un souterrain, et y attendaient l'issue du combat que la liberté livrait au despotisme. On nous accuse, on nous dénonce, comme on faisait le 2 septembre, au fer des assassins; mais nous savons que Tibérius Gracchus périt par les mains d'un peuple égaré qu'il avait constamnient défendu. Son sort n'a rien qui nous épouvante. Tout notre sang est au peuple; en le versant pour lui nous n'aurions qu'un regret, ce sera de n'en avoir pas davantage à lui offrir. On nous accuse, si ce n'est de vouloir allumer la guerre civile dans les départemens, au moins de provoquer des troubles à Paris, en soutenant une opinion qui déplaît aux vrais amis de la liberté; mais pourquoi une opinion exciterait-elle des troubles ? parce que ces vrais amis de la liberté menacent de la mort les citoyens qui ont le malheur de ne pas raisonner comme eux. Serait-ce ainsi qu'on voudrait nous prouver que la Convention nationale est libre! Il y aura des troubles dans Paris, et c'est vous qui les annoncez; j'admire la sagacité d'une pareille prophétie. Ne vous semble-t-il pas en effet très-difficile, Citoyens, de prédire l'incendie d'une maison, alors qu'on y porte soi-même la torche qui doit l'embraser? Oui, ils veulent la guerre civile, les hommes qui font un précepte de l'assassinat, des crimes, de la tyrannie, et qui, en mêmetemps, désignent, comme amis de la tyrannie, les victimes que leur haîne veut immoler. Ils veulent la guerre civile, les hommes qui appellent les poignards contre les représentans de la nation et l'insurrection contre les lois; ils veulent la guerre civile, les hommes qui demandent la dissolution du gouvernement, l'anéantissement de la Convention; ils demandent l'anéantissement de la Convention, la dissolution du gouvernement, les hommes qui érigent en principe, non pas ce que personne désavone, que dans une grande assemblée , une moitié peut quelquefois rencontrer la vérité, et la majorité tomber dans l'erreur; mais que c'est à la minorité à se rendre juge des erreurs de la majorité, à légitimer les insurrections contre le vœu de la majorité; que c'est aux Catilina à régner dans le sénat, que la volonté particulière doit être substituée à la volonté générale, et la tyrannie à la liberté; ils veulent la guerre civile, les hommes qui ensei gnent ces maximes éversives de tout ordre social dans cette tribune, dans les assemblées populaires, dans les places publiques; ils veulent la guerre civile, les hommes qui accusent la raison d'un feuillantisme perfide, la justice d'une déshonorante pusillanimité, et l'humanité, la sainte humanité de conspiration; ceux qui proclament traître tout homme qui n'est pas à la hauteur du brigandage et de l'assassinat; ceux enfin qui pervertissent toutes les idées de morale, et par des discours artificieux, des flagorneries hypocrites ne cessent de pousser le peuple aux excès les plus déplorables. La guerre civile pour avoir proposé de rendre un hommage à la souveraineté du peuple! A votre avis, la souveraineté du peuple est donc une calamité pour le genre humain? Je vous entends: vous voulez régner. Votre ambition était plus modeste dans la journée du Champ-de-Mars. Vous rédigiez alors, vous fesiez signer une pétition qui avait pour objet de consulter le peuple sur le sort de Louis revenant de Varenne. Votre cœur n'était point tourmenté par la crainte des discordes. Il ne lui en coûtait rien pour reconnaître la souveraineté du peuple. Setait-ce qu'elle favorisait ves vues secrettes, qu'aujourd'hui elle les contrarie? N'existet-il pour vous d'autre souveraineté que celle de vos passions? Insensés! avez-vous pu vous flatter que la France a brisé le sceptre des rois, pour courber la tête sous un joug aussi avilissant? On a parlé de courage, de grandeur d'ame; ce serait, dit-on, une faiblesse de ne pas faire exécuter votre jugement avant d'avoir pris le vœu du peuple. Je ne connais pour un législateur d'autre grandeur, que la constance à ne pas dévier des principes. Je sais que dans les révolutions on est réduit à voiler la statue de la loi. Mais il me semble qu'on abuse étrangement de cette maxime. Quand on veut faire une révolution contre la tyrannie; il faut voiler la statue de la loi qui consacre et protège la tyrannie. Quand vous voilerez la loi qui consacre la souveraineté du peuple, vous commencerez une révolution qui tournera au profit des tyrans. Il fallait du courage le to août, pour attaquer Louis dans sa toute puissance. En fautil tant pour envoyer au supplice Louis vaincu et désarmé ? Un soldat Cimbre entre dans la prison de Marius pour l'égorger. Effrayé à l'aspect de sa victime, il s'enfuit sans osér la frapper. Si ce soldat eût été membre d'un sénat, doutez-vous qu'il eût hésité à voter la mort du tyran. Quel courage trouvezvous à faire un acte dont un lâche serait capable? On croit nous presser en disant que, si votre jugement est envoyé à la ratification du peuple, vous ne traitez plus Louis comme un autre homme, vous violez les principes de l'égalité. Mais l'a-t-on regardé comme un autre homme, quand on vous a fait décréter que ce serait vous qui le jugeriez? A-t-on respecté les principes de l'égalité, quand on l'a éloigné des tribunaux où sont jugés tous les citoyens, et qu'on a tenté de |