1 pendant j'observe que la loi sur les jurés ayant eu soin de séparer le juré d'accusation du juré de jugement, et le peuple respectant cette loi conservatrice de la liberté civile, la Convention doit donner l'exemple du même respect pour la loi, et se bornerà déclarer que Louis est coupable, en renvoyant au peuple pour l'application de la peine. Qu'on ne me dise pas que les suffrages seront difficiles à recueillir; car Louis étant déclaré coupable, il n'y aura plus que l'alternative de la mort ou du bannissement à prononcer. Je crois cependant que vous pouvez prononcer la condamnation à mort, mais en premier ressort seulement : le droit de commuer les peines est un attribut insépara ble de la souveraineté. Il est donc contre tous les principes que vous vous chargiez de la responsabilité de ce jugement; elle ne serait qu'un moyen, quelle que fût votre décision, de vous mettre en butte aux calomnies. Les agitateurs qui spéculent sur l'ignorance du peuple, ne manqueraient pas d'attribuer à votre décision tous les malheurs que d'autres causes auraient produits; le moindre revers seconderait leurs calomnies. La partie éclairée du peuple a dénoncé Louis Capet; le Corps législatif la mis en état d'arrestation; la Convention nationale doit, comme juré, le déclarer convaincu des crimes qui lui sont imputés; mais c'est à la Nation à prononcer, comme juge suprême, dans une affaire qui l'intéresse toute entière, et où ses intérêts politiques pourraient être compromis. Il faut donc que Tome V. B vous indiquiez la peine, je crois que c'est celle de mort qu'il a encourue, mais inviter le peuple à la commuer en une peine plus digne de sa grandeur et de sa clémence, celle du bannissement. Billaud, de Varennes. Jedemande à faire une motion d'ordre. Je demande si l'appel au peuple sera envoyé aux Colonies, dans nos possessions des Indes, qui sont aussi des parties intégrantes de la République française. (On murmure.) Cette interpellation n'a pas de suite. Prost. Votre mission est triste et pénible, sans doute; mais est-ce une raison pour rejeter sur le peuple une partie du fardeau dont il vous a chargés? N'y aurait-il dans cette mesure ni pusillanimité, ni faiblesse ? Ayons le courage de remplir ce pénible devoir; ne répercutons point sur le peuple la responsabilité dont il nous a investis, ou ayons le courage d'y renoncer. Législateurs, tant que vous n'aurez pas satisfait à ce qu'exige de vous la justice nationale, vous n'aurez rien fait pour la nouvelle Constitution que vous êtes envoyés pour établir. Cette constitution doit être basée sur l'Egalité, la Liberté et l'abolition de la royauté : : or, ni l'Egalité, ni la Liberté ne peuvent exister d'une manière solide, tant qu'il existera, un point de réunion, un point central de contrerévolution. L'erreur du peuple plaça Louis sur le trône, le fanatisme l'y établit, et toujours le fanatisme religieux et le fanatisme politique suivront ses pas; toujours la supers tition et la religion serviront à ses agens de motifs et de signal de la guerre civile. Louis est digue de mépris, il est vrai; mais le peuple ne peut pass'en tenir à cesentiment sans compromettre sa sureté et son indépendance. En vain on oppose l'inviolabilité dont la Constitutionl'environnait. L'inviolabilité est et sera toujours une chimère; car il ne se peut pas qu'un peuple veuille et ne veuille pas sa sureté, et il est monstrueux qu'un homme soit au-dessus de la loi; l'inviolabilité disparaissant, il reste un grand coupable à punir. Est-il politique de le faire? Oui, car ne vous attendez pas à voir accepter par les puissances, vos voisines, votre nouvelle Constitution, tant qu'il restera parmi vous le moindre vestige de royauté. Et cependant il est important pour vous de connaître bientôt vos amis et vos ennemis; et ne vous y trompez pas, Citoyens, croyez que le jugement de Louis, quel qu'il soit, ne changera rien aux dispositions hostiles de nos voisins. Mais un roi dont la tête tombe sur un échafaud, quel spectacle! quelle chûte! quelle leçon! Eh bien, vous la devez, cette leçon terrible, au peuple: vous la devez aux milliers de victimes du despotisme entassées dans les tombeaux; vous la devez à vos contemporains, vous la devez aux races futures. Je ne vous demande que de juger Louis suivant le cri de votre conscience. S'il y a du danger, imitons d'Assas, criant sous trente bayonnettes : Ce sont les ennemis ; et ne craignons pas pour nos jours, ils ne sont plus à nous depuis long-temps. Que l'on cesse aussi de comparer le procès de Louis Capet au procès de Charles Stuart: les données et les résultats ne sont pas les mêmes. Charles fut condamné par des juges qui ne tenaient point leurs pouvoirs de la Nation, et votre mission est expresse. Charles fut victime d'un ambitieux. Ici, je ne vois point de Cromwel dans le senat, et j'y vois plus d'un Brutus. La mort de Charles fut inutile à l'Angleterre, parce que la noblesse lui survécut, et que partout où cette plante vénéneuse existe, on doit s'attendre à voir reparaître bientôt la plante parasite de la royauté. Le renvoi du jugement aux assemblées primaires est, selon moi, une mesure désastreuse; elle détruirait l'esprit Républicain, éveillerait les mécontens, serait leur point de ralliement, diviserait en deux partis les familles, les communes, les départemens; elle détruirait l'unité de la République, et serait la source de malheurs incalculables. Elle ferait croire enfin qu'un roi dans la balance est égal à une Nation entière. Citoyens, c'est ici, c'est dans cette enceinte qu'il faut sauver la patrie, ou s'ensevelir avec elle. Je demande qu'à cette tribune chaque délégué du peuple prononce par oui on non, si Louis a mérité la mort. Focquedey. Je ne viens point fixer votre attention par un discours préparé avec art; 1 , je ne viens point réveiller avec méthode les passions de vos ames; je viens vous entretenir des dangers qui menacent ma patrie. L'Europe attentive examine en silence notre contenance nos discours et nos moindres mouvemens. Nos séances sont pour elle le thermomètre infaillible de nos moyens politiques; et je le dirai, combien divers cabinets de l'Europe fondent leurs espérances sur notre dissolution politique, lorsqu ils combinent les effets de notre versatilité ! Jene me fais pas illusion, jamais les dangers de ma patrie ne furent plus grands; la liberté encore à son berceau est étouffée par la licence. L'anarchie règne. Les lois sont méprisées. De faux patriotes agitent les citoyens. La confiance s'altère, et les représentans du peuple sont ici avilis et menacés. Voilà l'état où nous nous trouvons : encore une démarche inconsidérée, et la République est perdue. Je passe à la question. Les crimes de Louis Capet sont connus; mais, est-ce à vous qu'il appartient de les juger? quel exemple donneriez-vous en cumulant tous les pouvoirs? Je sais que vous exercez la souveraineté nationale, mais n'avez-vous pas décrété, le 21 septembre, le maintien des autorités constituées ? Vous reconnaissez donc le pouvoir judiciaire, N'avez-vous pas décrété que vos membres ne pourraient cumuler deux fonctions à la fois, et aujourd'hui vous changeriez de principes! Il serait absurde de supposer que la Na |