Que le tyran qui a usurpé la souveraineté du peuple Français, aille promener dans l'univers la malédiction de ce même peuple, dont il a long - temps outragé la majesté : que sa présence réveille par-tout les remords de ses pareils; qu'elle avertisse les peuples que le temps de leur vengeance est arrivé. Si les rois ont quelquefois élevé des monumens qui rappelleront leur orgueil et leur stupide férocité, pourquoi les peuples n'en éleveraient-ils pas pour perpétuer le souvenir de la justice et de la magnanimité. Trop long-temps le ciseau de l'artiste a gravé sur le marbre et l'airain le cachet de l'immoralité des oppresseurs du monde; qu'il serve enfin à graver celui des vertus de leurs libérateurs: il faut qu'au moment même de l'expulsion de Louis Capet, des colonnes s'élèvent aux confins de la République; qu'elles forment une barrière qu'aucun roi désormais ne saura franchir sans encourir la mort, qu'aucun citoyen ne pourra contempler sans éprouver la douce satisfaction de l'indépendance. Cependant, citoyens, l'exécution de ces mesures ne doit pas être précipitée; que Louis Capet reste encore en ôtage jusqu'à la fin de la guerre; libre, il trahirait la liberté; captif, il peut lui être utile. Et quand même nous voudrions la précipiter, cette exécution, en serions-nous les maîtres ? Aurionsnous oublié que nous ne sommes ici que les mandataires du peuple, et que s'il nous a revêtus du pouvoir de parler en souverain, lorsqu'il ne s'agit qué de régler des points de détail, ce pouvoir est limité dans les occurences majeures, où il s'agit de prendre des mesures qui touchent par quelques points au pacte social? Rappelez-vous que vous ne formez pas ici un tribunal, mais une Convention; qu'il ne s'agit pas d'appliquer à un individu les dispositions d'une loi déjà faite; mais de proclamer, sur un objet nouveau, la volonté générale; enfin, que vous n'allez pas prononcer un jugement proprement dit, mais arrêter une résolution nationale. Voici le projet de décret que je vous propose : Art. Ier. Louis Capet, dernier roi des Français, ses enfans et sa femme sont bannis à perpétuité du territoire de la République. II. La peine de mort est prononcée contre ceux des individus mentionnés en l'article rer qui rentreraient dans le territoire de la République, auquel effet il est ordonnné par la loi à tout citoyen de leur courrir sus et de les tuer. III. Il sera élevé à des distances déterminées, sur les limites du territoire de la République, des colonnes, sur chacune desquelles sera gravée l'inscription suivante : Les rois sont bannis de la France; les droits du peupls resteront; paix avec les Nations; Liberté, Egalité parmi les hommes. IV. Le présent décret sera mis à exécution aussitôt après la fin de la guerre entreprise par le peuple français, pour l'établissement de la Liberté. : V. Jusqu'à l'époque fixée pour l'exécution du décret, Louis Capet, ses enfans et sa femme demeureront en état d'arrestation, et seront gardés avec soin. VI. Le .. de chaque année sera consacré à célébrer l'époque de l'expulsion des rois, ce jour sera appelé la fête de la République. Les citoyens assemblés, et sous les armes, en présence des magistrats, jureront de rester libres. VII.. Ce serment est le seul que prêteront désormais les citoyens Français. VIII. Le présent décret sera incessammen présenté à la sanction du peuple Français, auquel effet les assemblées primaires sont convoquées le. janvier. Thuriot. Je demande qu'il soit fait une liste particulière pour chacune des deux questions qui nous occupent, afin qu'on ne vienne pas, sous prétexte du parler contre l'inviolabilité, parler pour, et toujours pour l'appel du jugement aux assemblées primaires. Buzot. Quelle étrange proposition que celle qui, au moment où il importe de ne pas laisser la calomnie planer sur nos têtes, nous ôterait les moyens de manifester notre opinion toute entière! Cette proposition est une espèce d'inculpation contre ceux qui veulent l'appel du jugement au peuple, puisqu'elle les placerait sur la même ligne que les champions de l inviolabilité absolue. Thuriot. Je ne monte point à la tribune pour me venger des calomnies de Buzot, il m'a sans doute mal entendu. Je demande qué l'on discute séparément la question de savoir si l'ancienne Constitution permet que Louis Capet soit condamné, et celle de l'appel du jugement aux assemblées primaires. La Convention passe à l'ordre du jour. Morisson. Indépendant de tous les partis, s'il en existe dans cette Assemblée, j'énoncerai mon opinion, dussé-je déplaire à ces hommes qui portent l'injustice au point de traiter d'infâmes ou de scélérats tous ceux qui n'ont pas leur cœur ou leur esprit. Je vous rappellerai ce principe éternel de justice; qu'une loi qui existait au temps d'un délit, et qui en déterminait la peine, doit être religieusement observée lorsqu'il s'agit de la punition de ce même délit, à moins que, atroce dans ses dispositions, elle n'ait été remplacée par une loi plus douce, dont l'accusé ait luimême à se féliciter. Mais la loi positive, la Constitution avait prévu les crimes de Louis XVI; elle a prévu la rétractation du serment, c'est-à-dire, le parjure, le cas où il rétrac terait son serment, à plus forte raison les conspirations qui doivent nécessairement précéder ce crime suprême. Quelle peine y at-elle appliquée? l'abdication présumée. Le coupable est donc puni autant que la loi a voulu qu'il le fut. Je l'avouerai, cette loi était injuste; on y remarque l'influence magique des préjugés. Nous avons cru qu'un roi ne pouvait être puni comme un autre citoyen; nous avons cru que la royauté était pour lui le plus grand de tous les biens, et qu'en le privant de ce bien, pour lequel nous avions encoreun respectsuperstitieux, nous le punissions plus sévèrement qu'en prononçant la peine de mort contre un autre citoyen coupable des mêmes crimes. C'était sans doute une erreur bien grossière; mais elle a été consacrée par une loi positive, et nous ne pouvons faire que cette loi ne s'applique pas aux crimes commis pendant qu'elle existait. On vous a cité l'exemple de Brutus, mais César avait une armée formidable et triomphante; il avait dans le sénat de nombreux partisans, il était près d'asservir sa patrie. Si César eût été sans armes, sans puissance, c'est Brutus qui fût peut-être devenu son défenseur. Les Français, au dixhuitième siècle, auront-ils donc encore la soif barbare de verser le sang de leurs frères? Je demande que la peine de mort soit abolie, et je propose le décret suivant : • « La Convention nationale considérant que Louis s'est lâchement parjuré plusieurs fois, qu'il a trahi la Nation par les plus noires perfidies, qu'il a fait égorger plusieurs milliers de citoyens par des ordres précis; considérant qu'il est de la justice rigoureuse de lui faire subir la peine de ses forfaits, mais qu'il est de la générosité de la Nation de le traiter en ennemi captif, décrète qu'immédiatement aprè la guerre, il sera banni à perpétuité du territoire de la République avec une pension de 500,000 livres, et qu'il ne pourra y rentrer sous peine de mort. >> Engerran. Je pose d'abord en principe, que la Convention peut, momentanément et pour la sureté générale, exercer tous les pouvoirs qu'elle est chargée de constituer; cependant, , |