le grand nombre de pièces que l'on aperçoit accumulées sous le crâne et sur les côtés de la tête. En outre, ces matériaux, qui se détachent facilement, ont des formes vagues qui, loin de les caractériser, rendent leur détermination encore plus incertaine. En présence de cet entassement d'os étranges, on est porté à croire qu'ils n'ont pas d'analogues; que les Poissons, destinés à vivre exclusivement dans l'eau, ne sont pas construits comme les autres Vertébrés et qu'ils ont des os créés exprès pour eux. C'était bien l'opinion de Cuvier; mais comment admettre une décision si contraire aux principes incontestés de la Conformité organique, base essentielle des recherches comparatives? N'est-il pas bien reconnu que la Nature procède toujours d'après un modèle primitif et général, dont elle ne s'écarte jamais et dont on rencontre partout les traces? Comme le disait E. Geoffroy Saint-Hilaire, « la Nature emploie constamment les mêmes matériaux et n'est ingénieuse qu'à en varier les formes. Quelque modification qui se produise, les organes restent dans les mêmes rapports avec les parties voisines. Il semble que la Nature se soit renfermée dans de certaines limites et n'ait formé les ètres vivants que sur un plan unique, essentiellement le même dans son principe, mais qu'elle a varié de mille manières dans toutes ses parties accessoires. << Si l'on considère particulièrement une Classe d'animaux, c'est là surtout que ce plan paraît évident: on voit que les formes diverses, sous lesquelles la Nature s'est plue à faire exister chaque Espèce, dérivent toutes les unes des autres, et qu'il lui suffit de changer quelques-unes des proportions des organes, pour les rendre propres à de nouvelles fonctions et pour en étendre ou restreindre les usages. << Ainsi, les formes, dans chaque Classe d'animaux, quelques variées qu'elles soient, résultent toutes, au fond, d'organes communs à tous. La Nature se refuse à en créer de nouveaux. Toutes les différences, même les plus essentielles, qui distinguent chaque Famille dans une même Classe, viennent seulement d'un autre arrangement, d'une autre complication, d'une modification enfin de ces mêmes organes. Au fond, les formes sont toutes des modifications des mêmes organes. » Du reste, ces principes de la conformité organique n'avaient-ils pas été déjà formulés par Newton lorsqu'il écrivait: Similiter posita omnia in omnibus ferè animalibus; et, il y a plus de deux mille ans, par Aristote : ἕτερα καὶ τὰ αὐτὰ. Il faut donc prendre pour guides ces règles rationnelles, c'est-à-dire la Méthode des Analogues et le Principe des Connexions, afin de déterminer les parties constituantes de la Tête des Poissons; en procédant ainsi, on voit d'abord les complications diminuées, par cela même qu'il n'y a plus à se préoccuper de la forme ni des dimensions. Par conséquent, la principale difficulté consiste en ce que, chez les Poissons, les pièces osseuses de la tête sont ou paraissent être en plus grand nombre que dans les autres Vertébrés. Pour expliquer cette différence de nombre, on a cherché à comparer la Tête des Poissons entièrement développés à celle des Vertébrés supérieurs dans le jeune âge : on a compté et considéré comme autant d'os distincts, chez l'Homme et les Mammifères, les différents noyaux osseux qui, plus tard, se réunissent et se soudent en une seule pièce. Mais ces recherches n'ont pas donné les résultats attendus, sauf pour quelques parties du crâne, par exemple pour l'Occipital, qui se forme par cinq ou six points d'ossification, comme chez les Poissons. Partout ailleurs, l'entreprise devait échouer parce que, en réalité, il y a souvent, pour une même pièce, des centres d'ossification qui restent séparés chez les Poissons et non dans les Mammifères, comme le Frontal et l'Apophyse orbitaire, tandis qu'il en est d'autres qui, séparés dans les Mammifères, ne le sont pas chez les Poissons, par exemple, le corps des deux Sphénoïdes. Enfin, ne voit-on pas, à l'encontre de ce que l'on cherchait à démontrer, plusieurs os du crâne et de la face qui, développés chez les Mammifères, manquent chez les Poissons, tels sont la Caisse du Tympan, l'Apophyse zygomatique, le Jugal, le Lacrymal, etc. Il faut donc renoncer à trouver dans l'ostéogénie des Mammifères le moyen d'expliquer le grand nombre des os de la Tête des Poissons. D'ailleurs, le procédé mis en œuvre dans ce but est défectueux : c'est la méthode descendante, qui prend, comme d'ordinaire, pour point de départ les dispositions connues chez l'Homme, d'après ce principe que les organes, étant ici mieux développés, doivent être modifiés et dégradés dans les Vertébrés inférieurs. Il est plus rationnel de ne se préoccuper d'aucune anatomie particulière et de considérer les organes des Poissons isolément, pour examiner ensuite leur diversité dans les autres Vertébrés. Alors, on peut voir que l'organisation se perfectionne graduellement des Poissons aux Vertébrés supérieurs, et que la construction ichthyologique est, non pas une modification de celle des autres Vertébrés, mais une disposition primitive, une sorte de modèle pour des formations ultérieures et de plus en plus élevées. I. D'après ces considérations, la question à résoudre devient plus précise: elle est dégagée de ce préjugé, d'après lequel on doit nécessairement retrouver, chez les Poissons, tous les caractères organiques qu'on observe dans les autres animaux vertébrés. Il peut arriver, au contraire, que les Poissons, destinés à la vie aquatique, ne soient pas exactement construits comme les animaux à respiration aérienne, et que certaines parties, spéciales aux uns, viennent à manquer chez les autres. Par adaptation au milieu où il vit, le Poisson, dans son ensemble, paraît réduit à la Tête et à la Queue: pour faciliter la natation, le cou et les membres antérieurs, le thorax, les poumons et le cœur sont réunis à la Tête et situés audessous du crâne. Il résulte de ce fait que, pour étudier la 8a SÉRIE. - TOME Χ. 5 Tète des Poissons, il faut éliminer ce qui est accessoire et ne considérer que les parties essentielles. En procédant ainsi, il ne suffit pas d'écarter la ceinture scapulaire et les côtes thoraciques ou Ares branchiaux, on doit encore détacher de la Tête plusieurs annexes, d'apparence osseuse, juxtaposées sous l'orbite ou sur les branchies : ce sont les pièces dites Sous-orbitaires et celles qui constituent l'Appareil operculaire. Bien que spéciales aux Poissons, ces parties ont été l'objet de diverses interprétations tendant à déterminer leurs analogues chez les Vertébrés supérieurs. C'est ainsi que les Sous-orbitaires ont été considérés comme pouvant représenter l'Apophyse zygomatique, le Jugal et le Lacrymal, qui manquent absolument chez les Poissons. On ne saurait admettre ces appréciations, d'abord parce que les pièces sousorbitaires ne sont pas constantes, ensuite parce que, quand elles existent, leur nombre varie de trois ou quatre à six ou sept. Quant aux pièces Operculaires, elles ont plus d'importance, non seulement par leurs dimensions, mais surtout par le rôle fonctionnel qu'elles remplissent. Pour elles aussi, divers naturalistes ont entrepris de rechercher leur nature et d'établir leurs analogies. Le but de ce Mémoire est de retracer et de discuter ces tentatives remarquables, dont l'exacte valeur n'a pas été déterminée. Préalablement, il importe d'examiner la disposition de cet Appareil operculaire et de ses parties constituantes. Généralement bien développé dans les Poissons osseux, il est en forme de large plaque demi-circulaire, sorte de couvercle, qui s'étend sur les Branchies, depuis le bord postérieur du Maxillaire jusqu'à l'Arc scapulo-claviculaire, sur lequel il vient battre comme le bord libre d'un volet sur son cadre. La mobilité de cette valve est assurée par l'articulation de son angle supérieur et antérieur sur une facette du Temporal (Squamosal des Mammifères). En outre, deux muscles, l'un en dehors et l'autre en dedans de cette charnière, servent alternativement à écarter ou à rapprocher de son cadre le bord postérieur de la plaque mobile, de manière à ouvrir ou fermer la cavité respiratoire, communément nommée les Ouïes du Poisson. Cet Appareil est ordinairement formé de quatre pièces aplaties, dont les bords juxtaposés se recouvrent plus ou moins. Variables de forme et de dimensions, elles ont été nommées ainsi qu'il suit, par Cuvier, d'après la disposition qu'elles affectent entre elles. (Voir la Planche annexéе.) 1o Le PRÉ-OPERCULE, situé en avant et allongé de haut en bas, est en forme de croissant, à concavité antérieure, plus ou moins fixée au bord postérieur du Temporal et de l'Articulaire, jusqu'à la jointure de ce dernier avec la partie horizontale du Maxillaire. Le bord postérieur, convexe et aminci, s'agence avec le bord antérieur de l'Opercule et, plus bas, avec l'Inter-opercule. 2° L'OPERCULE, situé en arrière, large et irrégulièrement circulaire, s'articule, en avant et en haut, sur une facette du Temporal. Le bord antérieur s'unit au Préopercule, sur la face externe de son contour postérieur. Le bord postérieur, convexe et libre, bat sur l'Are scapulaire. Le bord inférieur s'unit au Sous-opercule. 8o Le SOUS-OPERCULE est étroit, triangulaire et allongé au bord inférieur de l'Opercule. Il s'unit, en avant, à l'Interopercule. En arrière, son bord libre et convexe s'applique sur le cadre scapulaire, comme celui de l'Opercule, qu'il complète. 4° L'INTER-OPERCULE, à peu près de même forme et compris entre les trois autres pièces, se fixe, en avant, au Préopercule et, en arrière, à l'Opercule, ainsi qu'au Sous-opercule. Il n'a de libre que son bord inférieur. II. Parmi les interprétations émises au sujet de l'Appareil operculaire, on remarque en première ligne celle qui appar |