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ÉPIGRAMME EMBLÉMATIQUE.

QUAND deux s'accordent bien, ils peuvent toute chose,
Et rien ne peut contr'eux, quoique tout s'y oppose :
La main jointe à l'esprit nous donne ainsi tout bien.
C'est pourquoi Diomede est compagnon d'Ulisse,
A parfaire un chef-d'œuvre où un seul ne peut rien;
Car il faut que la force à l'adresse s'unisse.

ÉPIGRAMME.

UN boiteux des deux pieds sur un aveugle mis,
Marche droit où il veut; l'aveugle voit sa voye,
L'un prenant ce qu'a l'autre, et s'entr'aidant, amis.
Le boiteux ses yeux prête à l'autre, et le convoye:
L'aveugle prête après ses deux pieds aux boiteux;
L'un change en yeux ses pieds, et l'autre en pieds ses yeux.

BALTHASAR BAILLY.

BALTHASAR BAILLY, échevin, conseiller du roi à Troyes en Champagne, a laissé un poëme intitulé Importunité et Malheur de noz ans, qui fut imprimé en 1576 (le 24 juillet; Troyes, in-8°, Claude Garnier).

Le but principal de ce poëme est de prouver que les maux dont la société est affligée, ont une origine commune dans les vices des grands et du peuple, et qu'ils en sont le châtiment. Pour démontrer cette vérité de fait, Bailly passe successivement en revue les magistrats, les ecclésiastiques, etc. Quoique sévère, cet examen est assez généralement exact. Notre poète ne se borne pas à puiser ses exemples dans l'histoire de son temps; il parcourt l'histoire ancienne, et y trouve que, à toutes les époques, la ruine des nations fut une conséquence nécessaire de leur corruption. Le crime seul a pu, selon lui, renverser ces vastes et puissants empires d'Orient, qui n'ont laissé aucun vestige de leur existence. Il revient ensuite à des objets d'un intérêt plus particulier; il s'étend beaucoup sur les désordres que les Reistres avoient occasionnés en France, et dont il avoit été témoin.

Balthasar Bailly dédia son poëme à Beauffremont, évêque de Troyes.

PORTRAIT DU PEUPLE.

C'EST le plus envieux, ingrat et mal disant,
C'est le plus fort mutin, le plus contredisant,
Le plus hault à la main, plus desireux d'avoir :
Bref, qui faict tout au moins, et rien de son debvoir.
Il veult estre veu tout, et veult tout gouverner,
Et s'il parle deux mots, ne fait que badiner.

Il parle de touts faits, et ne sçait rien de tout.

Il donne ordre à tout point, sans qu'il en vienne à bout.
Il a veu les auteurs, et ne leut jamais rien,

Et ne sçait decider ni de mal ni de bien.
Il corrige les grands, et de son seul babil
Il sçait tous les moyens d'éviter tout péril.
Quelquefois il s'esgaye, et puis il se refâche,

Et se fait comme il veut, ou fort, ou brave, ou lâche.

DE LA ROQUE.

LA ROQUE étoit un gentilhomme de Clermont en Beauvoisis, ou, suivant Baillet, du village d'Aynez, qui n'en est qu'à quelque distance.

L'époque de sa naissance peut être placée vers 1551. Il embrassa la profession des armes, et voyagea dans divers pays, comme il le dit dans l'un de ses

sonnets:

J'ay quarante ans passés, je sçay que c'est du monde ;
J'ay suivi le dieu Mars et celui des amours :

J'ay veu de maints pays les cités et les tours,
Et long-temps voyagé sur la terre et sur l'onde.

Ce poète étoit attaché à la reine Marguerite, à qui est adressée l'épître dédicatoire de ses OEuvres. Dans la Vie de Malherbe, attribuée à Racan, on dit que La Roque mourut à la suite de cette princesse; par conséquent avant 1615.

La plus grande partie des productions de La Roque avoient déjà vu le jour, les unes en 1597, et les autres en 1598, lorsqu il les réunit, en 1608, dans un même recueil, qui contient les Amours, en trois Livres; des Meslanges; la Chaste Bergère, pastorale en cinq actes; et les OEuvres chrétiennes, en soixante-dix sonnets, suivis d'élégies, de stances, et d'une paraphrase des Pseaumes pénitentiaux, de lamentations, etc.

La Roque a fait encore quelques imitations de l'Arioste et d'Ovide, comme l'Epitre de Didon à Énée,

celle de Léandre à Héro, les Amours de Pyrame et Thisbé, le Jugement de Pâris, etc.

La Roque ne manquoit pas de goût. On trouve dans la plupart de ses ouvrages autant d'esprit que de sentiment; son style est simple, mais agréable; sa versification a de l'aisance et de la douceur.

CHANSON.

MON esprit n'a point de cesse;
Je sens une grand' tristesse,
Qui m'assaut en mille endroits,
Reconnoissant en mon ame
Que l'amitié d'une femme
Ne se garde pas six mois.

Car si l'enfant de Cyprine,
Une fois dans sa poitrine
Débande son arc turquois,
Pour un seul jour la constance
Y fera bien résistance:

Mais c'est beaucoup de six mois.

Le sexe est assez volage,
Sans lui donner davantage
De liberté et de choix;
Enfin, si la plus constante
En un moment est changeante,
Que fera l'autre en six mois?

D'un autre côté, je pense

Que bien souvent une absence

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