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ÉPIGRAMME.

A UN ÉCOLIER INGRAT.

Si ôter je te pouvois,
Une fois,

Ce que je t'ai su apprendre,
Tu me viendrois caresser,

Sans cesser,

Me priant de te le rendre.

ÉPIGRAMME.

DES AMIS.

LES amis de l'heure présente
Ont le naturel du melon;
Il en faut essayer cinquante
Avant qu'en rencontrer un bon.

ÉPIGRAMME.

D'UN ENFANT DE BONNE MAISON.

QUAND quelque riche fait folie,
Le monde dit cela n'est rien;
Mais quand quelque pauvre s'oublie,
Croyez qu'on le redresse bien.

ÉPIGRAMME.

A UN GENTIL COMPAGNON, QUI SENT TOUJOURS SON

PAYSAN.

Tu dis que tu es gentilhomme
Par la faveur du parchemin;

Si un rat le trouve en chemin,

Que seras-tu? comme un autre homme.

CHANSON

POUR LES HOMMES.

Si tu te plains que ta femme est trop bonne,
L'ayant gardée trois semaines en tout,
Attends un an, et tu perdras à coup
L'occasion de t'en plaindre à personne.

Mais si elle est malicieuse et fiere,
Par mon conseil, ne l'en estime moins;
Je prouverai toujours par bons témoins
Que la mauvaise est bonne ménagere.

Si

par nature elle est opiniâtre, Commande-lui toute chose à rebours;

Et tu seras servi suivant le cours

De ton dessein, sans frapper ni sans battre.

Si elle dort la grasse matinée,

C'est ton profit, d'autant qu'elle n'a pas

Tel appétit, quand ce vient au repas,
Et son dormir lui vaut demi-dînée.

Si elle fait la malade par mine,
Va lui percer la veine doucement
Sans la blesser, et tu verras comment
Tel éguillon lui porte médecine.

Si elle est vieille ou malade sans cesse,
Tu la sauras, sage, contre-garder,
Attendant mieux, et tu pourras garder,
Pour un besoin, la fleur de ta jeunesse.

Si tu te plains que ta femme se passe
De faire enfans, par faute d'un seul point,
Sois patient; mieux vaut ne s'en voir point,
Que d'en avoir qui font honte à leur race.

Mais si tu dis que la charge te pese
D'enfans petits, dont la tête te deult,
Ne te soucie, il n'en a pas qui veut :
Ils t'aideront à vivre en ta vieillesse.

Si quelquefois du vin elle se donne;
Cela lui fait sa malice vomir;
C'est un pavot qui la fait endormir;
Femme qui dort ne fait mal à personne.

ÉPIGRAMME.

D'UN SOT QUI VOULOIT Blesser l'honneur des femmes.

QUAND quelqu'un dit à une femme
Qu'elle est prodigue du corps sien,
Il est sot en la haute game;
Car ce qu'il dit ne sert de rien.
S'il dit vrai, elle le sait bien,
Il n'est besoin de le lui dire;
S'il ment, il n'est homme de bien,
Jamais donc on ne doit médire.

ÉPITAPHE.

SUR UN QUI PLEUROIT LA MORT DU BANQUIER.

NE pleure plus, tu te fais tort;
Ce n'est qu'une personne morte.
RÉPONSE.

АH! je ne pleure pas le mort;
Je pleure l'argent qu'il m'emporte.

ÉPITAPHE D'UN RICHE DÉCÉDÉ.
L'HÉRITIER va pleurant le mort,
Pour la vieille coutume ensuivre;
Mais si le mort retournoit vivre,
L'héritier pleureroit plus fort.

MARC CLAUDE DE BUTTET.

Marc Claude de BUTTET, gentilhomme savoisien, de l'une des premières familles de Chambéry, fut envoyé fort jeune à Paris pour y faire ses études. Le cardinal de Châtillon, dont ses talents lui concilièrent l'estime, le présenta à la princesse Marguerite de France, qui épousa peu après Emmanuel Philibert,

duc de Savoie.

Buttet se trouva quelque temps embarrassé sur le choix de la profession qu'il devoit suivre; mais le mariage de sa protectrice mit un terme à son indécision. Cette alliance rendoit la paix à la France. Buttet ne consulta plus que son goût pour les lettres. Il composa un épithalame pour Marguerite et Philibert, où il avoit adroitement fait entrer l'éloge de Henri II, du cardinal de Châtillon et de plusieurs autres personnages distingués. Cependant la mort du roi, qui avoit été blessé dans un tournoi, changea ces fêtes en deuil; et notre poète, n'osant présenter son épithalame dans de si fâcheuses conjonctures, étoit prêt à le supprimer. Ses amis l'en dissuadèrent; il le présenta, et le fit imprimer (Paris, 1559, Robert Estienne). Buttet accompagna Marguerite dans les états de son mari; et, toujours favorablement accueilli à la cour de Savoie, il s'y occupa exclusivement de la poésie et des mathématiques. Ce poète vivoit encore en 1584; il promettoit alors quelques ouvrages, qui n'ont pas vu le jour.

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