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Le vent n'est si léger que leur foible pensée;
La neige ne se fond sous le tiede soleil
Si tot que leur faveur : leur amour est pareil
A la vitre pour rien en cent piéces froissée.

Pour bien aimer enfin, je voudrois être aimé,
Que le cœur de l'aimée au mien fût transformé,
Le serrant bien étroit d'une chaîne éternelle :
Qu'elle sentît plaisir, quand je serois présent,
Qu'elle sentît douleur, quand je serois absent,
Et que telle amitié demeurât immortelle.

ODE.

POUR JUSTIFIER L'INCONSTANCE.

Ne blâmons désormais des femmes le courage,
Comme ignorant, aveugle, inconstant et volage;
La nature est leur loi : tout change sous la mer,
Dans les airs, sur la terre; et n'est pas chose étrange,
Si tout en ces bas lieux se change et se rechange,
Afin que l'un mourant puisse l'autre animer.

La faulx du temps goulu tranche tout et consomme
Empires et châteaux, villes, cités et l'homme:
Il est vrai que le genre et les espèces sont
Toujours en l'univers, et que jamais le monde
N'est vuide d'animaux, d'une suite féconde;
Mais les individus se perdent et s'en vont.
On voit toujours marcher des hommes sur la terre,
Et des fleurs qu'en avril son riche sein desserre;

On voit mille poissons nouer entre les eaux;
On voit mille chevaux hennissants par la prée;
Mille oiseaux balancer d'une aîle diaprée;

Mais les vieux en mourant donnent place aux nouveaux.

Ainsi l'amour qui naît en notre fantaisie,
Cet amour mutuel dont notre ame est saisie,
Ainsi qu'il naît, se meurt: comme la passion
Qui d'autre cause en nous tourne, vient et repasse:
L'une dure long-temps, l'autre soudain s'efface,
Afin de recevoir nouvelle impression.

La mort de vieille amour fait naître une nouvelle;
Ainsi tout ce qui vit au monde renouvelle,
Sans que rien soit perdu : les choses seulement
Changent de place et forme, et file à file coulent,
Ainsi que les ruisseaux des grands fleuves s'écoulent,
Une onde poussant l'autre en l'humide élément.

Autant sont les effets et les choses durables,
Que les causes ne sont diverses ni muables;
Autant que la beauté, qui nous cause l'amour,
Autant que les vertus, les honneurs et la grace,
Autant que la constance en nos dames ont place,
Autant fait en nos cœurs Cupidon son séjour.

Jamais aucune amour ne se verra si forte
Que la longueur du tems à la fin ne l'emporte;
Tout passe, et ce passé perd à nous sa saison.
L'inconstance est constante, et le soleil qui tourne
Sans cesse au zodiac, en un lieu ne séjourne,
Ains repasse et révient de maison en maison.

La nature se plaît en cent diverses choses;
Tantôt elle produit violettes et roses,
Tantôt jaunes épics; belle en diversité,

Qui ne veut point faillir doit suivre la nature;
On ne se paît toujours d'une même pâture;
Rien ne donne plaisir comme la nouveauté.

SONNET.

SOMMEIL léger, image déceptive,

Qui m'es un gain et perte en un moment,
Comme tu fais écouler promptement,
En t'écoulant, ma joie fugitive!

De tous amans, nul qui au monde vive
Ne recevroit plus de contentement
Que j'en reçois si mon bien seulement
Ne s'envoloit d'une aîle trop hâtive.

Endimion fut heureux un long tems
De prendre en songe infini passe-tems,
Pensant tenir sa luisante déesse.

Je te demande en pareille langueur
Un pareil songe et pareille douceur:
L'ombre du bien n'est pas grande largesse.

SUR LA DIVERSITÉ DE RELIGION.

A M. DE PIMPOINT.

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DOCTE Pimpoint, que les savantes sœurs
Ont allaité de leurs saintes douceurs,

En ce dur tems que veux-tu que je chante?
Quel son rendra ton oreille contente?

On n'oit que sang et que boulets sonnans,
Fers acérés sur l'enclume sonnans;

On ne voit plus les bœufs par la campagne,
Ores elle est pour les chevaux d'Espagne.
Le soc ouvrier de sillonner les champs
Tourne sa forme en des glaives tranchans.
La prud'homie et la droite justice
Volent au ciel voyant notre malice,

Et plus ici ne se maintient la foi;

Car on n'a point ni de Dieu ni de roi.

D'où vient, Pimpoint, que le vice exécrable
Rend, ô forfait! la France misérable?
Cela ne vient que des opinions

Que font ici tant de contagions
Qui terre et ciel virent à la renverse,

Nous bâtissant religion diverse.

Les ours cruels ne font la guerre aux ours, Et les vautours sont amis des vautours; Aujourd'hui l'homme à l'homme ne s'accorde, Et des serpens plus sainte est la concorde.

Chacun se noye au déluge des eaux,

Et laissant l'arche, est pâture aux corbeaux;
Car les méchans, à bien faire inutiles,
Troublent l'état et le repos des villes.
Pareils malheurs, du temps des Albigeois,
Vinrent troubler l'union des François.
Considérons la gent qui sous Moyse
Aux saintes loix étoit si bien apprise;
Considérons l'histoire des Hébreux :
Vit-on jamais hommes plus furieux,
Plus acharnés aux batailles meurtrières,
Pour repousser des erreurs étrangères?

Mais qui ne sait, chose horrible, combien
De monstres eut pour dieux l'Egyptien?
Et quantes fois, exercé de furie,

Mit en pillage et ses biens et sa vie?

Ils se tuoient pour leurs impuissans dieux

Sans cœur, sans mains, sans oreille et sans yeux.'
Un peuple avoit pour Dieu le crocodile,
Et l'on craignoit dedans une autre ville
L'Ibis qui paît son ventre du serpent;
Et le poisson qui les eaux va coupant,
Fut réveré par d'autres villes fieres.

Autant de peuple, autant sont de manieres.
En maints endroits les chats et pésants bœufs
Etoient priés d'un million de vœux.
D'un oignon-dieu la vénérable tête
Oyoit ailleurs prieres et requête;
Ailleurs le chien, gardien de la maison,
Des supplians écoutoit l'oraison;

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