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DES COMMENCEMENTS DE TOUTE THÉOLOGIE.

Je voudrais donc d'abord, non pas exposer philosophiquement, mais raconter comment nous sommes amenés dans la vie réelle à l'idée de Dieu, et à toutes les pensées comme à tous les sentiments dont cette idée est le fondement. Les métaphysiciens aiment à en chercher l'origine dans la nature de l'esprit humain. Ils s'attachent à prouver qu'elle lui est aussi nécessaire que les lois mêmes de son activité, et fait corps pour ainsi dire avec la raison: noble et légitime ambition, que je suis loin de leur reprocher, et que j'ai ressentie quelquefois;

mais notre prétention est ici plus modeste. Ce sont des faits positifs que je voudrais retracer ; c'est aux souvenirs de chacun de nous que j'entends m'adresser, et cherchant à les ranger dans leur ordre historique, je voudrais les suivre pas à pas, et remonter les degrés de la pensée et de la croyance religieuse.

Il me semble que la première révélation de Dieu est faite à l'enfance dans les termes par lesquels commence la Bible. Ces paroles si simples, et qui expriment le fait le plus solennel que le temps ait reçu dans son sein, l'orphelin seul les entend pour la première fois d'une autre bouche que de celle d'une mère. C'est la mère qui se réserve d'annoncer au fruit de ses entrailles la vérité qui l'éclaire et la console, soit que, dirigeant les yeux de l'enfant sur un livre de gravures, elle lui montre, dans quelque lointaine copie des peintures de MichelAnge ou de Raphaël, les premières scènes de la création; soit que, promenant son doigt sur les pages usées d'un petit livre d'histoire sainte, elle lui fasse épeler ces mots : «Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. »

Dieu a fait le monde, telle est l'idée générale dont la Genèse, abrégée pour l'enfance, lui donne la forme narrative; mais en même temps cette idée, sous sa forme abstraite, prend place dans la raison naissante. Elle y est reçue à la faveur d'une notion fondamentale que la raison a déjà conçue et appliquée des milliers de fois, quoiqu'elle n'en connaisse distinctement ni l'origine, ni l'expression, ni l'universalité. Cette notion est celle que les philosophes appellent la notion de cause. C'est parce que nous savons préalablement qu'un fait qui commence a une cause, quoique nous soyons encore incapables de nous prononcer à nous-mêmes ce principe général, que dès nos plus tendres années nous concevons ce qu'on nous apprend, quand on nous dit que le monde a commencé et qu'il est l'ouvrage de Dieu.

De cette notion de cause, nous faisons dans cette circonstance une application par analogie; car aucune expérience ne nous a nettement suggéré l'idée d'une cause créatrice. Nous n'avons connu que des effets nouveaux, produits par une cause externe ou interne dans ce qui

existait déjà. Nous n'avons vu changer que la forme de la matière. Les effets mêmes, plus directement, plus irréfragablement connus, qui se passent en nous, ne sont que des phénomènes nouveaux dans un être durable qui les a précédés. C'est donc, je le répète, par analogie que de l'action des causes connues nous induisons la possibilité d'une cause créatrice, c'està-dire d'une cause qui produise à la fois la substance et le phénomène. Si, comme il arrive quelquefois, souvent même, mêlant le sacré et le profane, on combinait l'enseignement juif avec la tradition hellénique, et l'on mettait le chaos d'Hésiode ou d'Ovide en arrière de la création, l'action de la cause divine serait un peu plus comparable à celle des causes que nous avons vues agir. Je dis comparable, car en toute hypothèse la cause divine ne peut être exactement assimilée à aucune des causes que discerne l'expérience. Elle serait créatrice encore, quand la matière serait éternelle. La naissance des êtres déterminés bien comprise implique déjà ce que nous entendons d'essentiel par création.

Mais n'oublions pas que nous parlons des enfants, et que ces problèmes les touchent peu. A peine quelque question jetée en passant par ce besoin de comprendre qui s'éveille et s'endort tour à tour dans leur intelligence est-elle venue embarrasser un moment la mère souriante, plus fière de ce que l'enfant lui demande qu'humiliée de ne pouvoir répondre. Ces curiosités s'allument et s'éteignent comme des lueurs passagères, et l'esprit reste sans trop d'effort dans ce brouillard qui remplit tous les abords de l'infini. Ce qu'il saisit mieux, ce qu'on craint moins de lui représenter, ce sont les preuves partout visibles de l'existence d'un suprême auteur des choses. On ne parle guère à un enfant des objets de l'histoire naturelle sans lui faire remarquer, quelquefois même un peu à la légère, des combinaisons de moyens et de buts qu'on aperçoit ou qu'on croit apercevoir dans l'ordre général des phénomènes. Après avoir enseigné le fait de la création, grâce à l'idée de la cause qu'Aristote nommait efficiente, on cherche à expliquer l'ensemble et l'harmonie des choses créées par la notion de la cause qu'Aristote

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