les dernières transformations qu'elles ont subies. Cependant on peut dire qu'ils écrivent en hommes qui savent la philosophie plutôt qu'en philosophes. Ils n'ont point à cœur d'établir, par la critique ou la discussion, quelque négation ou quelque vérité nouvelle. On sait d'avance quelle sera leur thèse, et d'avance on devine quels adversaires ils vont combattre. Il n'en est pas de même lorsqu'on ouvre le livre d'un philosophe proprement dit. S'il n'a pas encore produit de système, on se demande, avant de lire la première page, ce qu'il veut et à qui il en veut, et l'on commence avec incertitude et curiosité. C'est dans cette disposition d'esprit qu'on doit aborder un ouvrage qui a fait du bruit en Angleterre depuis quelques années, sous ce titre significatif: Examen des limites de la pensée religieuse. Sur ces mots seuls, on se doute qu'on a affaire à un ouvrage de philosophie. L'auteur, M. Mansel, a débuté, je crois, par des Prolégomènes de logique qui lui ont mérité les éloges de son maître, sir William Hamilton, dont il publie en ce moment avec M. Veitch les leçons inédites. Il est aujourd'hui lecteur de philosophie morale et métaphysique à Magdalen-College, dans l'université d'Oxford. Sa compétence est donc entière pour attaquer par leur côté philosophique les problèmes de la théodicée; mais sa position académique, son titre d'oxonien, sa qualité de membre de l'Église établie, ne permettent guère de soupçonner en lui un théologien téméraire, faible ou complaisant sur l'orthodoxie. En effet, il ne l'est pas, et son livre atteste une véritable sévérité dans la foi, et même une certaine ardeur chrétienne qui n'affecte pas l'impartialité. Cependant il est bien de cette école écossaise, devenue plus difficile et plus stricte en dialectique par son commerce avec l'école de Kant, et telle que l'a faite et laissée sir William Hamilton. L'œuvre de cet éminent penseur est surtout en effet d'avoir plus étroitement combiné l'observation et la critique, d'avoir cherché à corriger, par la recherche d'une plus subtile exactitude, ce laisser-aller, cette sorte de crédulité systématique que l'on reprochait à ses prédécesseurs, sans compter le secours de vaste et minu tieuse érudition philosophique qu'il est venu apporter à l'ignorance un peu volontaire de Reid et de ses contemporains. A-t-il par là réussi à changer la fonte en acier, à donner plus de force, plus de trempe, plus de pointe, à la doctrine qu'il a ainsi reforgée? Est-il parvenu à en chasser le dernier grain de septicisme qu'elle contient? C'est une question; mais il est certain que dans le parti pris avec lequel Thomas Reid proscrit presque toutes les conclusions de la métaphysique ancienne et moderne, dans cette continuelle inscription de faux contre presque toutes les théories de la science, ne respire pas une grande confiance dans la raison, mère de la métaphysique et de la science. Lorsque, de son côté, Kant est venu attaquer l'une et l'autre, et contester leurs droits et leurs dires, il poursuivait une œuvre plus analogue qu'on ne le croirait d'abord à celle du professeur de Glasgow. Le rationalisme critique de l'un est sur la même voie que l'appel au sens commun de l'autre, et pour l'honneur de la philosophie spéculative, c'est presque la même chose que de soutenir qu'il faut s'en rapporter à certaines croyances instinctives, parce qu'elles sont des faits, elles n'en courent pas moins le risque d'être des illusions. En toute chose, le fait séparé du droit est d'une médiocre valeur. Si donc, formé et aguerri par l'étude de la philosophie grecque et de la philosophie germanique, Hamilton a porté plus de rigueur dans l'enseignement des Écossais, il n'est pas sûr qu'il ait affermi les bases de leur doctrine. Et lorsqu'il a insisté sur ce point, mis par lui dans un jour nouveau, que, la détermination étant à la fois la forme et l'essence de la connaissance, rien ne pouvait être connu que limité conditionnellement, il a éliminé de la science l'absolu et l'infini, il a encore rapproché, exhaussé les barrières de l'esprit humain, et mis en interdit une bonne partie de la métaphysique et presque toute la théologie reçue. Je le remarque, parce que M. Mansel s'est montré son fidèle disciple, et qu'à tomber dans les mains d'un philosophe, la théologie n'a rien gagné comme science, si même elle n'y a compromis jusqu'à ce titre modeste de servante de la foi que lui avait conservé la scolastique. RÉMUSAT. 5 Il existe à Oxford une fondation de John Bampton, chanoine de Salisbury. C'est un legs destiné à rémunérer chaque année l'auteur de huit lectures pour la défense des principes essentiels du christianisme. Comme l'enseignement religieux ne fait pas faute à l'Université, l'usage s'est introduit de consacrer ces leçons à l'examen de quelques questions nouvelles ou à l'exposition de quelques nouvelles vues qui intéressent la philosophie de l'orthodoxie. Elles offrent par là même un attrait particulier de curiosité, et sont comme un cours supérieur de théologie transcendante. C'est par les Bampton Lectures que, dans le temps, le docteur Hampden produisit une nouvelle critique de l'interprétation du dogme qui parut une censure des trente-neuf articles de l'Église, et qui l'aurait exposé à être déclaré schismatique, si, au lieu de cela, il n'était devenu évêque. C'est par les Bampton Lectures que le révérend Henri Mansel a introduit une doctrine qui ne lui a pas valu les mêmes attaques qu'au docteur Hampden, mais qui, suivie dans toutes ses applications, pourrait bien atteindre plus gravement les formulaires |