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qu'il est impossible de discuter avec plus de bonne foi, de faire de plus consciencieux efforts pour mettre dans tout leur jour et ses propres idées et ses objections aux idées des autres. On sent qu'il a vivement à cœur de ne faire injustice à personne, de ne tromper personne, et de livrer sa pensée tout entière à l'examen qu'il semble provoquer. L'ouvrage est curieux aussi par la thèse à laquelle il est consacré. La voici: supposé qu'il y ait une substance existant nécessairement, cause intelligente de toutes choses, il est démontrable que cette substance est infiniment étendue. Cette idée a pour but d'employer en preuve de l'existence de Dieu l'impossibilité où nous sommes de concevoir une limite à l'espace. De cette première proposition: l'étendue infinie ou l'infinité d'étendue existe nécessairement, de ce principe démontré luimême par voie psychologique, l'auteur déduit, avec tout l'appareil des formes géométriques, que cette infinité d'étendue est nécessairement un être, un être simple, unique, qu'il en est de même de l'infinité de durée, et qu'enfin cet être infiniment étendu et durable est néces

sairement intelligent, omniscient, tout-puissant, entièrement libre, complétement heureux, parfaitement bon.

M. Gillespie raconte ensuite qu'une fois en possession de cette argumentation, publiée, je crois, vers 1837, il vit un jour aux vitres d'une petite boutique de libraire, dans une des grandes rues d'Édimbourg, une nouvelle édition de l'Age de la raison, de Thomas Payne, et qu'il entra alors pour représenter au vendeur que c'était un livre infâme; mais il trouva dans la boutique quelqu'un qui lui apprit qu'une société d'athées se réunissait dans la ville tous les dimanches soir. Il se mit aussitôt en rapport avec un membre de cette société, et, lui donnant pour elle un exemplaire de sa Démonstration, il le chargea de lui porter de sa part le défi de la réfuter. Une personne fut désignée comme prête à répondre; mais cette personne ayant finalement refusé la provocation, il la renouvela dans une adresse imprimée à l'Aréopage ou Société zététique (1) de Glasgow. Cette asso

(1) Zététique, qui cherche, un des noms donnés aux sceptiques.

ciation, plus nombreuse, plus habile, plus instruite que celle d'Édimbourg, professe, dit-il, les mêmes principes d'athéisme. Elle lui fit connaître par écrit que son défi était accepté dans les termes où il l'avait posé, et, comme une de ses conditions était que la discussion ne serait pas orale, on lui annonçait qu'un membre de la société lui préparait une réponse qu'elle imprimerait à ses frais. En conséquence il reçut l'année suivante, avec une lettre de la même main, un exemplaire d'une Réfutation de l'argument a priori tant de Samuel Clarke que de M. Gillespie, par Antitheos. C'est pour répliquer à cet ouvrage qu'il a publié une troisième édition du sien. Il y discute avec beaucoup de soin soit les critiques, soit la thèse de son adversaire, qui ne me paraît pas avoir donné beaucoup de force et de nouveauté au triste lieu commun dont il a pris la défense. Si M. Gillespie ne met pas un grand talent au service. d'une cause sacrée, c'est un réviseur méthodique de doctrines et d'arguments, et dans son nouvel effort pour éclaircir et fortifier ses raisonnements, il les suit pied à pied, les déve

loppe avec une conscience exemplaire, et, conduit par les nécessités de sa thèse à discuter les différentes théories de l'espace, il en donne le tableau analytique, et met ainsi le lecteur en mesure d'apprécier en parfaite connaissance de cause la valeur de sa découverte. Je doute qu'elle reste comme un progrès dans la science, mais elle nous a valu un livre que les gens faisant profession de métaphysique ne liront pas sans profit.

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Pas moins que Clarke, qui écrivait cent ans avant lui, M. Gillespie ne s'est montré sévère pour les preuves ou considérations qu'on emploie communément au service de la croyance en Dieu. Il a nié de nouveau la possibilité de tirer d'aucune l'infinité d'un seul des attributs divins. On ne peut guère croire cependant que, plus que le docteur Clarke, il fasse renoncer ses compatriotes à demander à la nature de confesser son auteur. Il ne se passe guère d'année sans que la Grande-Bretagne voie paraître plusieurs essais sur la théologie naturelle, où

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