particulière. L'humanité n'a ajouté que du faux au vrai de la révélation première. C'est donc le christianisme qui fonde l'opinion universelle du monde, et non l'opinion universelle du monde qui appuie un seul des dogmes du christianisme. Quoi qu'on pense de cette théorie un peu hasardée, il demeure que le consentement général mérite plutôt considération qu'il ne commande l'adhésion. En fait, il n'en exerce pas moins une grande influence; en fait, il se présente dans la réalité pour chacun de nous comme un fragment local et national. La religion est pour chacun de nous une tradition de famille et une institution sociale. A ce titre, elle est revêtue d'une grande autorité, et c'est ainsi restreint que le consentement de tous détermine le nôtre. Cependant on remarquera qu'il nous attache au moins autant à ce qui est particulier qu'à ce qui est universel dans les croyances. Demandez à un Écossais pourquoi il est presbytérien, à un Anglais pourquoi il est épiscopal, à un Français pourquoi il est catholique : sa réponse sincère sera la plupart du temps qu'il est de l'Église dans laquelle il est né. Le consentement de la RÉMUSAT. 2 majorité, et par suite celui de l'universalité, n'est donc pas une preuve logique, mais il se pourrait qu'il fût un moyen de persuasion plus puissant qu'une preuve logique. Cependant il reste établi, je crois, que, comme pierre de touche du consentement général a'légué en preuve de l'existence et de l'unité de Dieu, le philosophe devra recourir à l'étude de l'esprit humain, le chrétien à la révélation, et l'un et l'autre s'appuieront ainsi sur des preuves d'un ordre qui leur paraît supérieur. : Venons à la preuve par l'ordre du monde. Elle a généralement autorisé les déistes à élever leur temple idéal Deo optimo maximo; mais ils ont avec raison traduit cette belle inscription. par ces mots Au Dieu très-bon et très-grand. C'est en effet ce que prouve et tout ce que prouve l'argument, un Dieu très-bon et très-grand, et à part quelques métaphysiciens, les anciens les plus éclairés ne se sont pas formé une autre idée de Dieu. Le spectacle du Cosmos avec ses beautés, mais aussi avec ses imperfections, ses incohérences, avec l'antagonisme des forces qui le régissent, ne peut attester que le triomphe la borieux du principe de l'ordre sur le désordre, et partant une intelligence qui partout a laissé son empreinte, celle de la sagesse et de la bonté, en assurant la durée et l'harmonie de son ouvrage. Cependant la beauté de l'ensemble n'est que celle d'un système où, tout compte fait, le bien l'emporte sur le mal. Sans doute il est bon, sans doute il est sage et puissant, celui qui a réglé cet ordre et qui le conserve; on ne peut se lasser d'admirer par quelles combinaisons profondes, par quels savants artifices tout est réglé et maintenu de manière à surmonter des obstacles toujours subsistants, à résister à des causes de destruction toujours agissantes, enfin quelle habileté suprême semble à chaque instant sauver l'univers. Partout se décèle un sublime architecte; mais tout ce spectacle ne nous révélerait pas, si nous n'en puisions ailleurs la connaissance, un Dieu tout-puissant et infini, le Dieu créateur de la foi, le Dieu parfait de la métaphysique. Si donc nous voulons nous élever à quelque connaissance de la nature de Dieu et concilier son existence avec ses attributs, l'argument en question ne peut plus suffire au chrétien non plus qu'au philosophe, et l'un et l'autre sont obligés de chercher dans la révélation et dans la raison une notion moins imparfaite de la Divinité ou une démonstration de son existence qui soit plus en rapport avec ses perfections. Ici le christianisme nous enseigne des dogmes qui ne sont qu'à lui. Une révélation devait nous apprendre ce que nous aurions ignoré sans elle. C'est ainsi que l'Église nous révèle le dogme de la Trinité. Malgré les analogies qu'on a prétendu trouver dans Platon et les Alexandrins, je persiste à croire que l'idée de la Trinité est essentiellement chrétienne, et que l'esprit humain ne s'y serait point élevé par lui-même. Il faut donc laisser à la théologie positive les dogmes révélés et connus seulement par la révélation. Il y a dans le christianisme des vérités plus générales, je veux dire plus généralement connues, puisqu'elles sont communes à l'orthodoxe, à l'arien, au déiste, même au païen où au mahométan éclairé. Ces notions que le christianisme enseigne sans les discuter ni les démontrer sont par exemple celles-ci: Dieu est un Dieu est parfait, Dieu est le créa esprit, Ces notions chrétiennes, se rencontrant aussi dans certaines théodicées philosophiques, sont donc aussi des notions de la raison, de la pure raison; car apparemment aucune sensation, aucune expérience ne nous les suggère. Pour que Dieu soit créateur, il faut que tout ait commencé; or, c'est dans l'esprit humain seulement que nous pouvons trouver cette idée, soit comme principe démontré, soit comme croyance naturelle. Il n'est certes pas moins vrai que ni la perfection, ni la notion d'un pur esprit n'ont été dérivées d'une expérience actuelle, et la raison seule est capable de pareilles conceptions. Si donc il était possible de fonder l'existence de Dieu sur une de ces idées, par exemple sur celle de sa perfection, cette démonstration ne serait point, comme la preuve tirée de l'ordre du monde ou du consentement universel, dérivée d'un fait d'expérience ou de perception directe, une preuve à posteriori. Elle pourrait par conséquent être à un certain point qualifiée de preuve à priori. Toutes les preuves de ce genre, |