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lectiques comme si elles existaient. Déjà Platon leur en avait donné l'exemple, en prenant le bien substantiellement, quoiqu'il lui refusât l'essence, et que pour nous l'existence sans l'essence implique. De même l'un ou l'absolument simple, dernier terme de l'ascension dialectique pour les néoplatoniciens, séparé, dépouillé de tout, même de l'intelligence à laquelle il est supérieur, demeure conçu comme étant quelque chose, bien qu'il fût difficile de dire quoi. Il est le premier principe, la cause des causes, et cependant Plotin regarderait comme téméraire de lui attribuer l'existence, et de dire Il est. C'est alors une réalité difficile à concevoir que la sienne, et pour que l'esprit s'en contente, il faut qu'il ait été exercé par une forte discipline aux derniers efforts, je dirais presque aux derniers tours de force de la dialectique. Tous les esprits n'ont pas les ailes qui soutiennent le vol dans un air aussi rare, dans un éther si voisin du vide. Les modernes en général ne respirent pas sur ces hauteurs. Ils éprouvent une grande répugnance à réaliser ce qui ne leur paraît susceptible que d'être pensé.

La conception d'une chose n'est pas pour eux nécessairement un gage de son existence. Ils ne se croient pas fondés à décerner à la raison pure le droit de créer par la seule vertu de la contemplation.

Cependant tous les temps ont vu des philosophes adopter et pratiquer en sens divers et sous des formes diverses la maxime de Parménide: << Le connaître est identique avec l'être. » Ceux qui, tels que les alexandrins, la combinent avec cet autre principe du même profond penseur: «< Tout monte vers l'unité », arrivent comme eux à cette conception de l'Un absolu, qui trouble le sens commun et semble transporter l'esprit hors de la sphère de toute existence. Pour n'en pas sortir ou croire n'en pas sortir, il faut, lorsqu'on est parvenu à la conception d'un idéal quelconque, oser admettre que le fait d'être une idée pure et nécessaire constitue un genre d'existence qu'on pourrait appeler l'existence idéale, existence qu'on ne saurait définir, qui peut être conçue, non connue, mais qui doit être admise, bon gré mal gré, puisqu'elle est conçue nécessairement. C'est là le

dernier terme de la croyance rationnelle; c'est là un idéalisme transcendant, qu'on peut rejeter comme une hasardeuse hypothèse; mais si l'on refuse d'y entrer au moins par supposition, on doit renoncer à lire Plotin, peut-être même Spinoza, Hegel, et certainement le livre de M. Vacherot; on ne pourra pas même le réfuter avec intelligence.

Pour revenir à notre thèse de l'existence de Dieu dont nous paraissons nous être écarté, c'est encore une manière d'employer le principe de Parménide et d'échapper à cette annihilation des existences, résultat possible de l'abus de la dialectique platonicienne, que le parti pris par Descartes de dire que l'existence ne peut être séparée de l'essence de Dieu, parce que cette essence étant conçue comme la souveraine perfection, «il n'y a pas moins de répu»gnance de concevoir un être souverainement » parfait auquel manque l'existence, c'est-à-dire >> auquel manque quelque perfection, que de >> concevoir une montagne qui n'ait point de » vallée. » Sous une forme plus modeste et moins ardue, on doit voir que ce raisonnement

est aussi hardi qu'aucun de ceux des alexandrins, et comme les leurs, suppose que la pensée claire et certaine d'une chose conçue idéalement en implique la réalité, sans qu'il soit même nécessaire d'examiner si seulement cette réalité est possible. Faire ce syllogisme : « La perfection sans l'existence serait imparfaite; or je pense la perfection; donc elle existe», c'est assurément, à la manière de Plotin, conclure de la conception à l'être, et Descartes est mal venu à prétendre qu'il n'admet pas que la pensée impose aucune nécessité aux choses.

La témérité de l'argument est dissimulée, ou plutôt il est ramené à des termes plausibles, lorsqu'en paraissant l'admettre, et dire avec Descartes: « Il n'est pas en ma liberté de con» cevoir un Dieu sans existence, c'est-à-dire un >> être souverainement parfait sans une souve» raine perfection », on ajoute, pour se tirer d'affaire: « Je ne peux tenir du néant ni de » moi-même l'idée d'un être plus parfait que le mien, et il faut qu'elle ait été mise en moi >> par une nature qui soit plus parfaite que je

» ne suis, et même qui ait en soi toutes les

perfections dont je puis avoir quelque idée, >> c'est-à-dire, pour m'expliquer en un mot, qui >> soit Dieu. »

Mais ce n'est pas seulement ajouter, c'est substituer un argument à un autre, et changer de méthode sans en avertir. Ce changement est parfaitement permis à Descartes, qui ne fait pas profession de platoniser ni de néoplatoniser. Faire intervenir Dieu comme source des lumières de l'esprit n'a rien de contraire à la raison commune, parce que la raison commune croit en Dieu. Cependant il faut prendre garde d'en appeler aux croyances indépendantes de toute science proprement dite, si l'on veut conserver à une question son caractère scientifique. Quand le sens commun fait irruption dans la science, il la supplante; ce qui n'a pas d'inconvénients pour la pratique, mais ce qui peut équivaloir à une négation de la philosophie.

Mais ce danger n'en est un véritable que si l'on s'est voué à une méthode exclusive comme la dialectique, à moins que sans répudier celleci, on ne la conçoive d'une manière plus large

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