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un empire perpétuel sur les esprits et sur les cœurs.

Nous pouvons donc nous dispenser de faire ici l'éloge des Sermons de Massillon. Qu'ajouterions-nous à l'approbation constante et unanime de toute la France? D'ailleurs le public s'apercevra bientôt que les Sermons que nous lui présentons, sont dans le vrai goût de la chaire; c'est au cœur que parle Massillon; c'est le cœur qu'il affecte et qu'il intéresse; or quiconque a le secret d'aller au cœur, soit qu'on l'écoute, soit qu'on le lise, est sûr de plaire, et de plaire toujours.

Ce pathétique qui fait la principale force de l'éloquence et le caractère propre de notre orateur, manquoit presque entièrement à la chaire, lorsque le ministère de la parole lui fut confié. On en avoit heureusement banni tous ces traits entassés d'une érudition déplacée, assemblage bizarre du sacré et du profane, propre à imposer au vulgaire ignorant, plus propre encore à révolter l'homme sensé. Mais le commun des prédicateurs ignoroit l'art d'intéresser par le sentiment, quoique de là dépende tout le

succès du discours; et combien d'autres défauts n'avoit-on pas encore à leur reprocher? Aussi, lorsque Massillon arriva de la province, le révérend Père de La Tour, général de l'Oratoire, lui demandant ce qu'il pensoit des prédicateurs les plus suivis : Je leur trouve, répondit-il, bien de l'esprit et des talents; mais si je prêche, je ne précherai pas comme eux. Il tint parole, il prêcha, et s'ouvrit une route toute nouvelle.

Qu'on ne le soupçonne pas néanmoins d'avoir confondu Bourdaloue avec les autres orateurs de son temps. Pouvoit-il ne pas applaudir à ce grand homme, duquel il est vrai de dire, comme Quintilien le disoit de Cicéron : Qu'il faut juger du progrès que l'on a fait dans l'éloquence, par le goût que l'on trouve à la lecture de ses ouvrages. Trop connoisseur pour s'y méprendre, à peine eut-il entendu Bourdaloue, qu'il l'admira; et s'il ne le prit pas en tout pour son modèle, c'est que son talent le portoit vers un autre genre d'éloquence. Or il étoit fortement persuadé que pour réussir en quelque genre que ce soit, l'on doit étudier son ta

lent, et le suivre; en un mot, travailler de génie; que s'attacher servilement à copier la manière d'un autre, quelque parfait qu'il soit, à moins que sa manière ne se trouve assortie aux dispositions que la nature a mises en nous, c'est s'exposer à ne jamais rien faire qui ait un certain feu, et ce tour. original qui fait le mérite des bons ouvrages.

Pour la plupart des autres prédicateurs, outre ce défaut d'onction et de sentiment, Massillon leur reprochoit d'entrer dans un trop grand détail sur les conditions et sur les mœurs extérieures, moyen infaillible pour ennuyer les trois quarts de son auditoire, toujours composé de personnes qui diffèrent toutes entre elles, ou par l'âge ou par l'état, ou par la condition. Tandis que vous instruisez le magistrat sur les devoirs de sa charge, devez-vous vous flatter d'attirer l'attention de tout ce qui n'exerce point les fonctions de la magistrature? Et tous ceux qui ne sont point engagés dans le commerce, seront-ils curieux d'entendre des vérités qui n'attaquent que les fraudes et l'avarice des négociants? Non, sans doute:

l'intérêt que nous avons à ce que l'on dit, peut seul nous y rendre attentifs. Cela étant, toutes les vérités que le prédicateur annonce, et que nous ne pouvons pas nous appliquer personnellement, ne nous intéressant point, ce n'est plus qu'avec ennui et avec dégoût que nous les écoutons; et nous soupirons après la fin d'un discours qui ne s'adresse point à nous.

Le prédicateur doit donc être sobre et réservé dans la peinture des mœurs extérieures et des conditions, s'il desire être écouté attentivement. Veut-il attacher tout son auditoire? Qu'il attaque les passions qui sont les mêmes dans tous les hommes, malgré la différence des objets vers lesquels elles se portent. En peignant d'après nature les mouvements, les ruses, la souplesse des passions, rien de ce que l'on dit ne peut être étranger pour aucun de ceux qui écoutent.

Enfin Massillon n'approuvoit pas que l'on s'arrêtât si long-temps à établir des vérités que personne n'ignore; des maximes générales, dont tout le monde convient : il vouloit que l'on s'appliquât principalement à

découvrir ces malheureux prétextes que l'amour-propre trop ingénieux ne manque jamais de suggérer pour secouer le joug de la loi; et qu'après les avoir découverts, l'on en fit sentir avec force toute l'illusion.

Il se fit donc une manière de composer, qu'il ne dut qu'à lui-même; et sans autre guide que son propre génie et ce talent original qu'il avoit reçu de la nature, il sut se garantir des défauts qu'il avoit cru remarquer dans les autres. Chez lui, rien d'inutile et de superflu. Dès la première phrase, sup. posant les principes, ou les établissant en deux mots, il cherche les raisons sur lesquelles chacun en particulier, sans contester l'existence de la loi, ni la nécessité de lui obéir, se met dans le cas de la dispense : il cherche ces raisons dans le cœur de ceux qui l'écoutent, dans l'attache à ces passions, dont les intérêts nous sont malheureusement plus chers que notre salut; passions auxquelles nous voudrions bien ne pas renoncer, sans être forcés cependant de nous regarder comme infracteurs de la loi. C'est là qu'il découvre la source intarissable de

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