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qui pourroient menacer sa vie, et récompensez notre tendresse en le rendant lui-même tendre et humain pour ses peuples. Rendez-le heureux en lui conservant votre crainte, qui, seul fait le bonheur des peuples et des rois. Assurez la félicité de son règne par la bonté de son cœur, et par l'innocence de sa vie : que votre loi sainte soit écrite au fond de son ame et autour de son diadême pour lui en adoucir le poids; qu'il ne sente les soucis de la royauté que par sa sensibilité aux misères publiques; et que sa piété, plus encore que sa puissance et ses victoires, fasse tout son bonheur et le nôtre !

Ainsi soit-il.

POUR LE QUATRIÈME DIMANCHE

DE CARE ME.

SUR L'HUMANITÉ DES GRANDS

ENVERS LE PEUPLE.

Cum sublevasset oculos Jesus, et vidisset quia multitudo maxima venit ad eum.

Jésus ayant levé les yeux, et voyant une grande foule de peuple qui venoit à lui. Jean, 6. 5.

SIRE,

Ce n'est pas la toute-puissance de Jésus-Christ et la merveille des pains multipliés par sa seule parole, qui doit aujourd'hui nous toucher et nous surprendre. Celui par qui tout étoit fait, pouvoit tout sans doute sur des créatures qui sont son ouvrage ; et ce qui frappe le plus les sens dans ce prodige, n'est pas ce que je choisis aujourd'hui pour nous consoler et nous instruire.

C'est son humanité envers les peuples. Il voit

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une multitude errante et affamée au pied de la montagne, et ses entrailles se troublent, et sa pitié se réveille, et il ne peut refuser aux besoins de ces infortunés non-seulement son secours, mais encore sa compassion et sa tendresse: Vidit turbam multam, et misertus est eis.'

Par-tout il laisse échapper des traits d'humanité pour les peuples. A la vue des malheurs qui menacent Jérusalem, il soulage sa douleur par sa pitié et par ses larmes.

Quand deux disciples veulent faire descendre le feu du ciel sur une ville de Samarie, son humanité s'intéresse pour ce peuple contre leur zèle, et il leur reproche d'ignorer encore l'esprit de douceur et de charité dont ils vont être les ministres.

Si les apôtres éloignent rudement une foule d'enfants qui s'empressent autour de lui, sa bonté s'offense qu'on veuille l'empêcher d'être accessible; et plus un respect mal entendu éloigne de lui les foibles et les petits, plus sa clémence et son affabilité s'en rapprochent.

Grande leçon d'humanité envers les peuples, que Jésus-Christ donne aujourd'hui aux princes et aux grands. Ils ne sont grands que pour les autres hommes; et ils ne jouissent

* Matth. 14. 14.

proprement de leur grandeur, qu'autant qu'ils la rendent utile aux autres hommes.

C'est-à-dire, l'humanité envers les peuples est le premier devoir des grands; et l'humanité envers les peuples est l'usage le plus délicieux de la grandeur.

PREMIÈRE PARTIE.

SIRE, toute puissance vient de Dieu, et tout ce qui vient de Dieu n'est établi que pour l'utilité des hommes. Les grands seroient inutiles sur la terre, s'il ne s'y trouvoit des pauvres et des malheureux : ils ne doivent leur élévation

qu'aux besoins publics; et loin que les peuples soient faits pour eux, ils ne sont euxmêmes tout ce qu'ils sont que pour les peuples.

Quelle affreuse providence, si toute la multitude des hommes n'étoit placée sur la terre que pour servir aux plaisirs d'un petit nombre d'heureux qui l'habitent, et qui souvent ne connoissent pas pas le Dieu qui les comble de bien

faits!

Si Dieu en élève quelques-uns, c'est donc pour être l'appui et la ressource des autres. Il se décharge sur eux du soin des foibles et des petits; c'est par-là qu'ils entrent dans l'ordre des conseils de la sagesse éternelle. Tout ce qu'il

y a de réel dans leur grandeur, c'est l'usage qu'ils en doivent faire pour ceux qui souffrent; c'est le seul trait de distinction que Dieu ait mis en nous ils ne sont que les ministres de sa bonté et de sa providence; et ils perdent le droit et le titre qui les fait grands, dès qu'ils ne veulent l'être que pour eux-mêmes.

L'humanité envers les peuples est donc le premier devoir des grands; et l'humanité renferme l'affabilité, la protection, et les largesses.

Je dis l'affabilité. Oui, Sire, on peut dire que la fierté, qui d'ordinaire est le vice des grands, ne devroit être que comme la triste ressource de la roture et de l'obscurité. Il paroîtroit bien plus pardonnable à ceux qui naissent, pour ainsi dire, dans la boue, de s'enfler, de se hausser, et de tâcher de se mettre, par l'enflure secrète de l'orgueil, de niveau avec ceux au-dessous desquels ils se trouvent si fort par la naissance. Rien ne révolte plus les hommes d'une naissance osbcure et vulgaire, que la distance énorme que le hasard a mise entre eux et les grands: ils peuvent toujours se flatter de cette vaine persuasion, que la nature a été injuste de les faire naître dans l'obscurité, tandis qu'elle a réservé l'éclat du sang et des titres pour tant d'autres dont le nom fait tout le mérite plus ils se trouvent bas, moins ils se

PETIT CARÊME.

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