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grands de la terre, toujours plus inquiets, plus agités et plus malheureux que le simple peuple, dès que, livrés à leurs passions et à eux-mêmes, ils ont abandonné Dieu.

C'est la figure naturelle de cet état d'élévation et de prospérité si envié du monde, et si peu digne d'envie selon Dieu. Le bonheur, Sire, n'est pas attaché à l'éclat du rang et des titres; il n'est attaché qu'à l'innocence de la vie. Ce n'est pas ce qui nous élève au-dessus des autres hommes qui nous rend heureux, c'est ce qui nous réconcilie avec Dieu. Vous portez la plus belle couronne de l'univers; mais si la piété ne vous aide à la soutenir, elle va devenir le fardeau même qui vous accablera. En un mot, point de bonheur où il n'y a point a point de repos, et point de repos où Dieu n'est point.

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Ainsi l'élévation toute seule ne fait pas bonheur des grands, si elle n'est accompagnée de la vertu et de la crainte du Seigneur. Au contraire, plus on est grand, plus on vit malheureux, si l'on ne vit point avec Dieu.

Vérité importante qui va faire le sujet de ce discours. Implorons, etc. Ave, Maria.

SIRE, Si l'homme n'étoit fait que pour la terre, plus il y occuperoit de place, et plus il seroit heureux.

Mais l'homme est né pour le ciel : il porte écrits dans son cœur les titres augustes et ineffaçables de son origine; il peut les avilir, mais il ne peut les effacer. L'univers entier seroit sa possession et son partage, qu'il sentiroit toujours qu'il se dégrade, et ne se satisfait pas en s'y fixant tous les objets qui l'attachent ici-bas l'arrachent, pour ainsi dire, du sein de Dieu, son origine et son repos éternel, et laissent une plaie de remords et d'inquiétude dans son ame, qu'ils ne sauroient plus fermer eux-mêmes : il sent toujours la douleur secrète de la rupture et de la séparation; et tout ce qui altère son union avec Dieu le rend irréconciliable avec lui-même.

Cependant nous nous promettons toujours ici-bas une injuste félicité. Nous courons tous dans cette terre aride, comme l'Esprit de notre évangile, après un bonheur et un repos que nous ne saurions trouver. A peine détrompés, par la possession d'un objet, du bonheur qui sembloit nous y attendre, un nouveau desir nous jette dans la même illusion; et passant sans cesse de l'espérance du bonheur au dégoût, et du dégoût à l'espérance, tout ce qui nous fait sentir notre méprise devient lui-même l'attrait qui la perpétue.

Il semble d'abord que cette erreur ne devroit

être à craindre que pour le peuple. La bassesse de sa fortune laissant toujours un espace immense au-dessus de lui, il seroit moins étonnant qu'il se figurât une félicité imaginaire dans les situations élevées où il ne peut atteindre, et qu'il crût, car tel est l'homme, que tout ce qu'il ne peut avoir, c'est cela même qui est le bonheur qu'il cherche.

Mais l'éclat du rang, des titres et de la naissance, dissipe bientôt cette vaine illusion. On a beau monter et être porté sur les ailes de la fortune au-dessus de tous les autres, la félicité se trouve toujours placée plus haut que nousmêmes plus on s'élève, plus elle semble s'éloigner de nous. Les chagrins et les noirs soucis montent, et vont s'asseoir même avec le souverain sur le trône. Le diadême, qui orne le front auguste des rois, n'est souvent armé que de pointes et d'épines qui le déchirent; et les grands, loin d'être les plus heureux, ne sont que les tristes témoins qu'on ne peut l'être sans la vertu sur la terre.

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Il est vrai même que l'élévation nous rend plus malheureux, si elle ne nous rend pas plus fidèles à Dieu. Les passions y sont plus violentes, l'ennui plus à charge, la bizarrerie plus inévitable, c'est-à-dire, le vuide de tout ce qui n'est pas Dieu plus sensible et plus affreux.

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PREMIÈRE RÉFLEXION.

:

LES passions plus violentes. Oui, Sire, les passions font tous nos malheurs ; et tout ce qui les flatte et les irrite augmente nos peines. Un grand voluptueux est plus malheureux et plus à plaindre que le dernier et le plus vil d'entre le peuple tout lui aide à assouvir son injuste passion, et tout ce qui l'assouvit la réveille; ses desirs croissent avec ses crimes. Plus il se livre à ses penchants, plus il en devient le jouet et l'esclave sa prospérité rallume sans cesse le feu honteux qui le dévore, et le fait renaître de ses propres cendres; les sens, devenus ses maîtres, deviennent ses tyrans : il se rassasie de plaisirs, et sa satiété fait elle-même son supplice; et les plaisirs enfantent eux-mêmes, dit l'Esprit de Dieu, le ver qui le ronge et qui le dévore: Et dulcedo illius vermes'. Ainsi ses inquiétudes naissent de son abondance; ses desirs, toujours satisfaits, ne lui laissant plus rien à desirer, le laissent tristement avec lui-même : l'excès de ses plaisirs en augmente de jour en jour le vuide; et plus il en goûte, plus ils deviennent tristes

et amers.

Son rang même, ses bienséances, ses devoirs,

Job. 24. 20.

tout empoisonne sa passion criminelle. Son rang; plus il est élevé, plus il en coûte pour la dérober aux regards et à la censure publique: ses bienséances; plus il en est jaloux, plus les alarmes qu'une indiscrétion ne trahisse ses précautions et ses mesures, sont cruelles: ses devoirs; parce qu'il les faut toujours prendre sur ses plaisirs.

Non, Sire, le trône où vous êtes assis a autour de lui encore plus de remparts qui le défendent contre la volupté, que d'attraits qui l'y engagent. Si tout dresse des piéges à la jeunesse des rois, tout leur tend les mains aussi pour leur aider à les éviter. Donnez-vous à vos peuples à qui vous vous devez; le poison de la volupté ne trouvera guère de moment pour infecter votre cœur ; elle n'habite, et ne se plaît qu'avec l'oisiveté et l'indolence : que les soins de la royauté en deviennent pour vous les plus chers plaisirs. Ce n'est pas régner de ne vivre que pour soi-même; les rois ne sont que les conducteurs des peuples : ils ont, à la vérité, ce nom et ce droit par la naissance; mais ils ne le méritent que par les soins et l'application. Aussi les règnes oisifs forment un vuide obscur dans nos annales: elles n'ont pas daigné même comp-. ter les années de la vie des rois fainéants; il semble que n'ayant pas régné eux-mêmes, ils

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