tons encore parmi nous, font plus d'honneur à leur mémoire que les statues et les inscriptions qui, en immortalisant les victoires et les conquêtes, n'immortalisent d'ordinaire que la vanité des princes et le malheur des sujets. Mais les mêmes motifs qui obligent les grands à soutenir la majesté et la décence extérieure du culte, les rendent en même temps protec→ teurs de la sainteté de ses maximes : il faut qu'ils apprennent au peuple à respecter la piété, en respectant eux-mêmes ceux qui la pratiquent; c'est une protection publique qu'ils doivent à la vertu. Oui, Sire, les gens de bien sont la seule source du bonheur et de la prospérité des empires : c'est pour eux seuls que Dieu accorde aux peuples l'abondance et la tranquillité. S'il se fût trouvé dix justes dans Sodôme, le feu du ciel ne seroit jamais tombé sur cette ville criminelle. L'état périroit, le trône seroit renversé, nos villes abîmées et réduites en cendres, et nous aurions le même sort que Sodôme et Gomorrhe, si Dieu ne voyoit encore au milieu de nous des serviteurs fidèles, s'il ne nous laissoit encore une semence sainte, si l'innocence peutêtre de l'enfant auguste et précieux, la seule semence qui nous reste du sang de nos rois, n'arrêtoit les foudres que la dissolution pu blique de nos moeurs auroit dû déja attirer sur nos têtes: Nisi Dominus reliquisset nobis semen, sicut Sodoma facti essemus, et sicut Gomorrha similes fuissemus'. Les princes, Sire, sont donc intéressés à protéger la vertu, puisque les empires, et les monarchies, et le monde entier ne subsistera que tant qu'il y aura de la vertu sur la terre. Mais ce n'est pas, Sire, par un simple respect que les princes doivent honorer les gens de bien : c'est par la confiance; ils ne trouveront d'amis fidèles que ceux qui sont fidèles à Dieu : c'est par les emplois publics; l'autorité n'est sûre et bien placée qu'entre les mains de ceux qui le craignent : c'est par des préférences; les grands talents sont quelquefois les plus dangereux, si la crainte de Dieu ne sait les rendre utiles: c'est par l'accès auprès de leur personne; la familiarité n'a rien à craindre de ceux qui respecteroient même nos rebuts et nos mauvais traitements: c'est enfin par les graces; nos bienfaits ne sauroient faire des ingrats de ceux que le devoir tout seul et la conscience nous attachent. Quel bonheur, Sire, pour un siècle, pour un empire, pour les peuples, lorsque Dieu leur donne dans sa miséricorde des princes 1 Rom. 9. 29. favorables à la piété! Par eux croissent et s'animent les talents utiles à l'Eglise par eux se forment et sont protégés des ouvriers fidèles destinés à répandre la science du salut, à arracher les scandales du royaume de Jésus-Christ, et à ranimer la foi par des ouvrages pleins de l'esprit qui les a dictés par eux s'élèvent au milieu de nous des maisons saintes, des établissements pieux où l'innocence est préservée, où le vice sauvé du naufrage trouve un port heureux : par eux enfin nos neveux trouveront encore ces ressources publiques de salut, monuments heureux qui perpétuent la piété dans les empires, qui assurent aux princes la reconnoissance des âges à venir, qui mettent la postérité dans leurs intérêts, et qui les rendent les héros de tous les siècles. Non, Sire, la gloire des monuments que l'orgueil ou l'adulation ont élevés, sera ou ensevelie dans l'oubli par le temps, ou effacée par les censures et les jugements plus équitables de la postérité les races futures disputeront à la plupart des souverains les titres et les honneurs que leur siècle leur aura déférés; mais la gloire des secours publics accordés à la piété, et qui subsisteront après eux, ne leur sera pas disputée, et quelque grand qu'ait été le roi que nous pleurons encore, de tous les monuments PETIT CARÊME. 5 élevés si justement pour immortaliser la gloire de son règne, les deux édifices pieux et augustes où la valeur d'un côté, et la noblesse du sexe de l'autre, trouveront jusqu'à la fin des ressources sûres et publiques, sont les titres qui lui répondent le plus des éloges et des actions de graces de la postérité. Tel est le zèle de protection que les princes et les grands doivent à la sainteté des maximes de la religion mais ils le doivent encore au dépôt sacré de sa doctrine et de sa vérité; et notre siècle surtout, où l'irréligion fait tant de progrès, doit encore plus réveiller là-dessus leur attention et leur zèle. mais oser J'avoue que les impies ont été de tous les siècles; que chaque âge et chaque nation a vu des esprits noirs et superbes dire non-seulement dans leur coeur et en secret, blasphemer tout haut qu'il n'y a point de Dieu; et que, dès le temps même de Salomon, où le souvenir des merveilles du Seigneur en Egypte et dans le désert étoit encore si récent, ils proposoient déja, contre tout culte rendu au TrèsHaut, ces doutes impies qui sont devenus le langage vulgaire de l'incrédulité. Mais s'il a paru autrefois des impies, le monde lui-même les a regardés avec horreur; et ces ennemis de Dieu n'ont paru sur la terre que pour être comme le rebut et l'anathême de tous les hommes. Aujourd'hui, hélas! l'impiété est presque devenue un air de distinction et de gloire, c'est un titre qui honore; et souvent on se le donne à soi-même par une affreuse ostentation, tandis que la conscience n'ose encore secouer le joug, et nous le refuse. Aujourd'hui c'est un mérite qui donne accès auprès des grands; qui relève, pour ainsi dire, la bassesse du nom et de la naissance; qui donne à des hommes obscurs, auprès des princes du peuple, un privilége de familiarité dont nos mœurs mêmes, toutes corrompues qu'elles sont, rougissent; et l'impiété, qui devroit avilir l'éclat même de la naissance et de la gloire, décore et ennoblit l'obscurité et la roture. Ce sont les grands qui ont donné du crédit à l'impie; c'est à eux à le dégrader et à le confondre. Quelle honte pour la religion, mes Frères. Les plus grands hommes du paganisme ne parloient qu'avec respect des superstitions de l'idolâtrie, dont ils connoissoient la puérilité et l'extravagance : ils pensoient avec les sages, et ils n'osoient parler que comme le peuple : ils n'auroient osé, avec toute leur réputation et leurs lumières, insulter tout haut un culte si insensé, mais que la majesté des loix de l'em |