au dessus de la leur, et qui tiennent en leurs mains la fortune et la destinée publique. Le respect humain n'intimide et n'arrête pas la vertu des grands, eux que tout le monde fait gloire d'imiter, et dont les mœurs deviennent toujours la loi de la multitude. La bassesse de la débauche et de la dissolution trouve moins d'accès dans une ame que la naissance destine à de grandes choses: la règle et les devoirs sont moins étrangers à ceux qui sont établis pour maintenir l'ordre et la règle parmi les peuples. S'ils sont entourés de plus de piéges, ils trouvent en eux plus de freins et plus de ressources: la nature toute seule a environné leur ame d'une garde d'honneur et de gloire : enfin, les premiers penchants dans les grands sont pour la vertu; et ils dégénèrent dès qu'ils les tournent au vice. Ils doivent donc à la religion un respect de fidélité qui leur en fasse observer les maximes; mais ils lui doivent encore un respect de zèle qui les rende défenseurs de sa doctrine et de sa vérité. DEUXIEME PARTIE. La religion est la fin de tous les desseins de Dieu sur la terre : tout ce qu'il a fait ici-bas, il ne l'a fait que pour elle; tout doit servir à l'agrandissement de ce royaume de Jésus-Christ. Les vertus et les vices, les grands et le peuple, les bons et les mauvais succès, l'abondance ou les calamités publiques, l'élévation ou la décadence des empires, tout enfin dans l'ordre des conseils éternels doit coopérer à la formation et à l'accroissement de cette sainte Jérusalem. Les tyrans l'ont purifiée par les persécutions; les fidèles la perpétuent par la charité; les incrédules et les libertins l'éprouvent et l'affermissent par les scandales: les Justes sont les témoins de sa foi; les pasteurs, les dépositaires de sa doctrine; les princes et les puissants, les protecteurs de sa vérité. Ce n'est pas assez pour eux d'obéir à ses loix, c'est le devoir de tout fidèle : la majesté de son culte, la sainteté de ses maximes, le dépôt de sa vérité, doivent trouver une sûre protection dans leur autorité et dans leur zèle. Je dis la majesté de son culte. Rien, Sire, n'honore plus la religion, que de voir les grands et les princes confondus au pied des autels avec le reste des fidèles, dans les devoirs communs et extérieurs de la foi: c'est à eux à opposer leurs hommages publics et respectueux dans le temple saint aux irrévérences et aux profanations publiques, et à venir montrer à la multitude combien il est indécent à des sujets de paroître sans pudeur et sans contrainte au pied du sanctuaire, devant lequel les princes et les rois eux-mêmes s'anéantissent: ils doivent cet exemple aux peuples, et ce respect à la majesté du culte saint. Hélas! ils regardent comme une bienséance de leur rang d'autoriser par leur présence les plaisirs publics, et ils croiroient souvent se dégrader en paroissant à la tête des cantiques de joie et des solemnités saintes de la religion! Ils se font un intérêt d'état de donner du crédit par leur exemple aux amusements du théâtre et aux vains spectacles du siècle : l'Eglise est-elle donc moins intéressée, que leurs exemples en donnent aux spectacles sacrés et religieux de la foi? Les plaisirs publics n'ont pas besoin de protection. Hélas! la corruption des hommes leur répond assez de la perpétuité de leur crédit et de leur durée; et s'ils sont nécessaires aux états, l'autorité n'a que faire de s'en mêler : de tous les besoins publics, c'est celui qui court moins de risque. le Mais les devoirs de la religion, qui ne trouvent rien pour eux dans nos cœurs, il faut que de grands exemples les soutiennent culte achève de s'avilir, dès que les princes et les grands le négligent. Dieu ne paroît plus si grand, si j'ose parler ainsi, dès qu'on ne compte que le peuple parmi ses adorateurs : sa parole n'est plus écoutée, ou perd tous les jours son autorité, dès qu'elle n'est plus destinée qu'à être le pain des pauvres et des petits. Les devoirs publics de la piété sont abandonnés; tout tombe et languit, si la religion du prince et des grands ne le soutient et ne le ranime. C'est ici où l'intérêt du culte se trouve mêlé avec celui de l'état; où il importe au souverain de maintenir, et les dehors augustes de la religion, et l'unité de sa doctrine, qui soutiennent eux-mêmes le trône, et d'accoutumer ses sujets à rendre à Dieu et à l'Eglise le respect et la soumission qui leur sont dûs, de peur qu'ils ne les lui refusent ensuite à lui-même. Les troubles de l'Eglise ne sont jamais loin de ceux de l'état; on ne respecte guère le joug des puissances quand on est parvenu à secouer le joug de la foi et l'hérésie a beau se laver de cet opprobre, elle a partout allumé le feu de la sédition; elle est née dans la révolte; en ébranlant les fondements de la foi, elle a ébranlé les trônes et les empires; et partout, en formant des sectateurs, elle a formé des rebelles : elle a beau dire que les persécutions des princes lui mirent en main les armes d'une juste défense; l'Eglise n'opposa jamais aux persécutions que la patience et la fermeté; sa foi fut le seul glaive avec lequel elle vainquit les tyrans. Ce ne fut pas en répandant le sang de ses ennemis qu'elle multiplia ses disciples; le sang de ses martyrs tout seul fut la semence de ses fidèles. Ses premiers docteurs ne furent pas envoyés dans l'univers comme des lions pour porter partout le meurtre et le carnage, mais comme des agneaux pour être eux-mêmes égorgés : ils prouvèrent, non en combattant, mais en mourant pour la foi, la vérité de leur mission: on devoit les traîner devant les rois pour y être jugés comme des criminels, et non pour y paroître les armes à la main, et les forcer de leur être favorables: ils respectoient le sceptre dans des mains même profanes et idolâtres, et ils auroient cru déshonorer et détruire l'oeuvre de Dieu, en recourant, pour l'établir, à des ressources humaines. Les princes affermissent donc leur autorité en affermissant l'autorité de la religion. Aussi c'est à eux que le culte doit sa première magnificence. Ce fut sous les plus grands rois de la race de David que le temple du Seigneur vit revivre sa gloire et sa majesté. Les Césars, sous l'Evangile, tirèrent l'Eglise de l'obscurité où les persécutions l'avoient laissée. Les Charlemagne, les saint Louis, relevèrent l'éclat de leur règne en relevant celui du culte; et les monuments publics de leur piété, que les temps n'ont pu détruire, et que nous respec |