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fournit des motifs de fidélité envers Dieu. Je dis des motifs de reconnoissance et de justice.

Oui, mes Frères, ce n'est pas le hasard qui vous a fait naître grands et puissants. Dieu, dès le commencement des siècles, vous avoit destiné cette gloire temporelle, marqués du sceau de sa grandeur, et séparés de la foule par l'éclat des titres et des distinctions humaines. Que lui aviez-vous fait, pour être ainsi préférés au reste des hommes, et à tant d'infortunés surtout qui ne se nourrissent que d'un pain de larmes et d'amertume? Ne sont-ils pas, comme vous, l'ouvrage de ses mains et rachetés du même prix ? n'êtes-vous pas sortis de la même boue? n'êtes-vous pas peut-être chargés de plus de crimes? le sang dont vous êtes issus, quoique plus illustre aux yeux des hommes, ne coulet-il pas de la même source empoisonnée qui a infecté tout le genre humain? Vous avez reçu de la nature un nom plus glorieux; mais en avez-vous reçu une ame d'une autre espèce et destinée à un autre royaume éternel que celle des hommes les plus vulgaires? Qu'avez-vous au-dessus d'eux devant celui qui ne connoît de titres et de distinctions dans ses créatures que les dons de sa grace? Cependant Dieu, leur père comme le vôtre, les livre au travail, à la peine, à la misère et à l'affliction; et il ne réserve

pour vous que la joie, le repos, l'éclat et l'opulence : ils naissent pour souffrir, pour porter le poids du jour et de la chaleur, pour fournir de leurs peines et de leurs sueurs à vos plaisirs et à vos profusions; pour traîner, si j'ose parler ainsi, comme de vils animaux le char de votre grandeur et de votre indolence. Cette distance énorme que Dieu laisse entre eux et vous, a-t-elle jamais été seulement l'objet de vos réflexions, loin de l'être de votre reconnoissance? Vous vous êtes trouvés, en naissant, en possession de tous ces avantages; et, sans remonter au souverain dispensateur des choses humaines, vous avez cru qu'ils vous étoient dus, parce que vous en aviez toujours joui. Hélas! vous exigez de vos créatures une reconnoissance si vive, si marquée, si soutenue, un assujétissement si déclaré de ceux qui vous sont redevables de quelques faveurs; ils ne sauroient sans crime oublier un instant ce qu'ils vous doivent; vos bienfaits vous donnent sur eux un droit qui vous les assujétit pour toujours. Mesurez làdessus ce que vous devez au Seigneur, le bienfaiteur de vos pères et de toute votre race. Quoi! vos faveurs vous font des esclaves; et les bienfaits de Dieu ne lui feroient que des ingrats et des rebelles!

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Ainsi, mes Frères, plus vous avez reçu de

PETIT CARÊME.

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lui, plus il attend de vous. Mais, hélas! cette loi de reconnoissance que tout ce qui vous environne vous annonce, et qui devroit être pour ainsi dire, écrite sur les portes et sur les murs de vos palais, sur vos terres et sur vos titres, sur l'éclat de vos dignités et de vos vêtements, n'est point même écrite dans votre coeur! Dieu reprendra ses propres dons, mes Frères, puisque, loin de lui en rendre la gloire qui lui est due, vous les tournez contre lui-même : ils ne passeront point à votre postérité; ils transportera cette gloire à une race plus fidèle. Vos descendants expieront peut-être dans la peine et dans la calamité le crime de votre ingratitude; et les débris de votre élévation seront comme un monument éternel, où le doigt de Dieu écrira jusqu'à la fin l'usage injuste que yous en avez fait.

Que dis-je! il multipliera peut-être ses dons; il vous accablera de nouveaux bienfaits; il vous élevera encore plus haut que vos ancêtres : mais il vous favorisera dans sa colère; ses bienfaits seront des châtiments; votre prospérité consommera votre aveuglement et votre orgueil; ce nouvel éclat ne sera qu'un nouvel attrait pour vos passions; et l'accroissement de votre fortune verra croître dans le même degré vos dissolutions, votre irréligion et votre impénitence.

C'est donc une erreur, mes Frères, de regarder la naissance et le rang comme un privilége qui diminue et adoucit à votre égard vos devoirs envers Dieu et les règles sévères de l'Evangile. Au contraire, il exigera plus de ceux à qui il aura plus donné; ses bienfaits deviendront la mesure de vos devoirs; et comme il vous a distingués des autres hommes par des largesses plus abondantes, il demande que vous vous en distinguiez aussi par une plus grande fidélité. Mais, outre la reconnoissance qui vous y engage, plus tout allume les passions dans votre état, plus vous avez besoin de vigilance pour vous défendre. Il faut aux grands de grandes vertus : la prospérité est comme une persécution continuelle contre la foi; et si vous n'avez pas toute la force et le courage des saints, vous aurez bientôt plus de vices et de foiblesses que le reste des hommes.

Mais d'ailleurs, sur quoi prétendez-vous que Dieu doit se relâcher en votre faveur, et exiger moins de vous que du commun des fidèles? Avez-vous moins de plaisirs à expier? votre innocence est-elle le titre qui vous donne droit à son indulgence? vous êtes-vous moins livrés aux desirs de la chair, pour vous croire plus dispensés des violences qui la mortifient et la punissent? Votre élévation a multiplié vos

crimes; et elle adouciroit votre pénitence ! Vos excès vous distinguent encore plus du peuple que votre rang; et vous prétendriez trouver là-dessus dans la religion des exceptions qui vous fussent favorables!

Quelle idée de la divinité avons-nous, mes Frères! quel dieu de chair et de sang nous formons-nous! Quoi! dans ce jour terrible où Dieu seul sera grand, où le roi et l'esclave seront confondus, où les œuvres seules seront pesées, Dieu n'exerceroit que des jugements favorables envers ces hommes que nous appelons grands! ces hommes qu'il avoit comblés de biens, qui avoient été les heureux de la terre, qui s'étoient fait ici-bas une injuste félicité, et qui, oubliant presque tous l'auteur de leur prospérité, n'avoient vécu que pour eux-mêmes! et il s'armeroit alors de toute sa sévérité contre le pauvre qu'il avoit toujours affligé ! et il réserveroit toute la rigueur de ses jugements pour des infortunés qui n'avoient passé que des jours de deuil et des nuits laborieuses sur la terre, et qui souvent l'avoient béni dans leur affliction, et invoqué dans leur délaissement et leur amertume! Vous êtes juste, Seigneur, et vos jugements seront équitables.

Mais, Sire, quand ces motifs de justice et de reconnoissance n'engageroient pas les grands

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