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DISCOURS

PRONONCÉ A UNE BÉNÉDICTION DES DRAPEAUX

DU RÉGIMENT DE CATINAT.

Posuerunt signa sua, signa; et non cognoverunt sicut in exitu super summum.

Ils ont mis leurs drapeaux dans le temple comme un présage de leur victoire; et ils n'ont pas connu quelle étoit la fin de cette pieuse solemnité. Ps. 73. 4, 5.

Ce n'est pas pour vous rappeler ici des idées de feu et de sang, et, par le souvenir de vos victoires passées, vous animer à de nouvelles, que je viens, dans le sanctuaire de la paix, mêler un discours évangélique à une cérémonie sainte. La parole dont j'ai l'honneur d'être le ministre, est une parole de réconciliation et. de vie, destinée à réunir les Grecs et les Barbares; à faire habiter ensemble, selon l'expression d'un prophète, les lions, les aigles et les agneaux; à rassembler sous un même chef toute langue, toute tribu et toute nation; à calmer les passions des princes et des peuples, confondre leurs intérêts, anéantir leurs jalousies, borner leur ambition, inspirer les mêmes desirs à ceux

PETIT CARÊME.

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qui doivent avoir la même espérance; et si elle propose quelquefois des guerrés et des combats, ce sont des guerres qui se terminent toutes dans le cœur, et des combats de la grace.

D'ailleurs, je me souviens que je parle sous l'autel même de l'agneau qui est venu pacifier le ciel et la terre; dans un temple consacré au chef d'une légion sainte qui sut préférer le culte de Jésus-Christ à celui des statues de l'empereur, et laisser fièrement les aigles de l'empire pour suivre l'étendard de la croix; et enfin, que je parle à une troupe illustre qui ne connoît les périls que pour les affronter, que mille actions distinguent plus que le nom du fameux général qu'elle a l'honneur d'avoir à sa tête, et le mérite de celui qui la commande; et qui attend plutôt de moi des leçons de piété que de valeur, et des avis pour faire la guerre saintement, que des exhortations pour la bien faire.

Souffrez donc, Messieurs, que, laissant là le corps pour ainsi dire, et les dehors de cette cérémonie, je vous en développe l'esprit; que, sans approfondir ce qu'elle a d'antique et de curieux, je m'arrête à ce qu'elle peut avoir d'utile; et que, loin de vous entretenir de la gloire des armes et du cas que tous les peuples en ont toujours fait, je vous parle des périls de

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cet état, et des moyens d'y acquérir une gloire immortelle et solide.

Pourquoi croyez-vous en effet que les nations les plus barbares aient toutes eu une espèce de religion militaire, et que le culte se soit toujours trouvé mêlé parmi les armes? Pourquoi croyez-vous que les Romains fussent si jaloux de mettre leurs aigles et leurs dieux à la tête de leurs légions, et que les autres peuples affectassent de prendre ce qu'il y avoit de plus sacré dans leurs superstitions, et en traçassent les figures et les symboles sur leurs étendards, sinon pour empêcher que le tumulte et l'agitation des guerres ne fit oublier ce qu'on doit aux dieux qui y président, et afin qu'à force de les avoir sans cesse devant les yeux, on fût comme dans une heureuse impuissance de les perdre de vue? Pourquoi croyez-vous que les Israélites, dans leurs marches et dans leurs combats, fussent toujours précédés du serpent d'airain; que Constantin, devenu la conquête de la croix, fît élever ce signal de toutes les nations au milieu de ses armées; que nos rois, dans leurs entreprises contre les infidèles, allåssent recevoir l'éten dard sacré au pied des autels; et qu'enfin encore aujourd'hui l'Eglise consacre par des prières de paix et de charité ces signes déplorables de la

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guerre et de la dissension; sinon pour vous faire souvenir que la guerre même est une manière de culte religieux; que c'est le Dieu des armées qui préside aux victoires et aux batailles; que les conquérants ne sont bien souvent entre ses 'mains que des instruments de colère dont il .se sert pour châtier les péchés des peuples; qu'il n'est point de véritable valeur que celle qui prend sa source dans la religion et dans la piété; et qu'après tout, les guerres et les révolutions des états ne sont que des jeux aux yeux de Dieu, et un changement de scène dans l'univers; que lui seul ne change point, et seul a de quoi fixer les agitations et les desirs insatiables du cœur humain?.

Il est vrai, Messieurs, que la piété, si pénible *même dans les cloîtres où tout l'inspire, si rare dans le siècle où les devoirs communs de la religion la soutiennent, trouve, dans les dissipations et la licence des armes, des obstacles et des écueils où les plus belles espérances de l'éducation, les plus heureux présages du naturel, les plus tendres précautions de la grace, viennent tous les jours tristement échouer. C'est là qu'on voit quelquefois le peuple de Dieu, sous les yeux même d'un Josué, d'un général sage et religieux, donner dans tous les excès et les crimes des nations: C'est là

que

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des chrétiens mettent tous les jours leur gloire dans leur confusion, et se font un mérite de leur ignominie. C'est là que l'impiété est un bon air; la foi, une foiblesse; la religion un songe; les vérités du salut, le partage des ames oiseuses; les terreurs de l'éternité, une vaine frayeur; et la sainteté de nos mystères, souvent l'assaisonnement des débauches. C'est là que le Dieu que nous adorons n'est nommé que pour être insulté; que le crime est une bienséance; la volupté, un mérite; la fureur, une distinction. C'est là que ceux que la politesse, le rang ou l'intérêt même, sous un prince qui ne compte pour rien la valeur lorsqu'elle est toute seule, éloignent de ces excès, bornent toute leur régularité à l'ambition, la gloire et la vengeance, et ne se relâchent, ce semble, sur les autres passions, que pour être plus vifs sur celles-ci. C'est là que les plus sages sont ceux qui ne sont occupés que de leur fortune et de leur avancement; qui sacrifient tout, bien, repos, conscience, à leur gloire; qui, insen ́sibles sur la félicité des saints, et sur les biens solides de l'éternité, ne sont occupés qu'à saisir un fantôme qui leur échappe avant qu'ils le tiennent, et à se ménager des établissements qui sont fondés sur le sable et dans une cité qui n'est pas permanente. C'est là, en un mot,

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