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nonçoit que des croix et des souffrances, et les Césars devinrent ses disciples; elle seule vint apprendre aux hommes que la chasteté, l'humilité, la tempérance, pouvoient être assises sur le trône, et que le siége des passions et des plaisirs pouvoit devenir le siége de la vertu et de l'innocence : quelle gloire pour la religion!

Mais, Sire, și la piété des grands est glorieuse à la religion, c'est la religion toute seule qui fait la gloire véritable des grands. De tous leurs titres, le plus honorable c'est la vertu : un prince, maître de ses passions; apprenant sur lui-même à commander aux autres; ne voulant goûter de l'autorité que les soins et les peines que le devoir y attache; plus touché de ses fautes que des vaines louanges qui les lui déguisent en vertus; regardant comme l'unique privilége de son rang l'exemple qu'il est obligé de donner aux peuples; n'ayant point d'autre frein ni d'autre règle que ses desirs, et faisant pourtant à tous ses desirs un frein de la règle même ; voyant autour de lui tous les hommes prêts à servir à ses passions, et ne se croyant fait lui-même que pour servir à leurs besoins; pouvant abuser de tout, et se refusant même ce qu'il auroit eu droit de se permettre; en un mot, entouré de tous les attraits du vice, et ne leur montrant jamais que la vertu un

prince de ce caractère est le plus grand spectacle que la foi puisse donner à la terre; une seule de ses journées compte plus d'actions glorieuses que la longue carrière d'un conquérant; l'un a été le héros d'un jour, et l'autre l'est de toute la vie.

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C'EST ainsi que Jésus-Christ triomphe aujourd'hui du péché : mais il triomphe encore de la mort; il nous ouvre les portes de l'immortalité, que le péché nous avoit fermées ; et le sein même de son tombeau enfante tous les hommes à la vie éternelle.

C'est le dernier trait qui achève le triomphe de la religion. L'impiété ne donnoit à l'homme que la même fin qu'à la bête; tout devoit mourir avec son corps: et cet être si noble, seul capable d'aimer et de connoître, n'étoit pourtant qu'un vil assemblage de boue que le hasard avoit formé, et que le hasard seul alloit dissoudre pour toujours.

La superstition payenne lui promettoit audelà du tombeau une félicité oiseuse, où les vains fantômes des sens devoient faire tout le bonheur d'un homme qui ne peut être heureux que par la vérité.

La religion nous ouvre des espérances plus nobles et plus sublimes: elle rend à l'homme l'immortalité, que l'impiété de la philosophie avoit voulu lui ravir, et substitue la possession éternelle du bien souverain à ces champs fabuleux et à ces idées puériles de bonheur que la superstition avoit imaginées.

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Mais cette immortalité, qui est la plus douce espérance de la foi, n'est promise qu'à la foi même : ses promesses sont la récompense de ses maximes; et pour ne mourir jamais, même devant les hommes, il faut avoir vécu selon Dieu.

Oui, mes Frères, cette immortalité même de renommée, que la vanité promet ici-bas dans le souvenir des hommes, les grands ne peuvent la mériter que par la vertu.

La mort est presque toujours l'écueil et le terme fatal de leur gloire: les vaines louanges dont on les avoit abusés pendant leur vie, descendent presque aussi-tôt avec eux dans l'oubli du tombeau; ils ne survivent pas long-temps à eux-mêmes, ou, s'il en reste quelque souvenir parmi les hommes, ils en sont plus redevables à la malignité des censures qu'à la vanité des éloges : leurs louanges n'ont eu que la même durée que leurs bienfaits ; ils ne sont plus rien dès qu'ils ne peuvent plus rien ; leurs

PETIT CAREME.

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adulateurs mêmes deviennent leurs censeurs (car l'adulation dégénère toujours en ingratitude); de nouvelles espérances forment un nouveau langage; on élève sur les débris de la gloire du mort, la gloire du vivant; on embellit de ses dépouilles et de ses vertus celui qui prend sa place. Les grands sont proprement le jouet des passions des hommes; leur gloire n'a point de consistance assurée, et elle augmente ou diminue avec les intérêts de ceux qui les louent.

Combien de princes, vantés pendant leur vie, n'ont pas même laissé leur nom à la postérité ! Et que sont les histoires des états et des empires, qu'un petit reste de noms et d'actions échappé de cette foule innombrable qui, depuis la naissance des siècles, est demeurée dans l'oubli !

Qu'ils vivent selon Dieu, et leur nom ne périra jamais de la mémoire des hommes: les princes religieux sont écrits en caractères ineffaçables dans les annales de l'univers. Les victoires et les conquêtes sont de tous les siècles et de tous les règnes, et elles s'effacent, pour ainsi dire, les unes les autres dans nos histoires; mais les grandes actions de piété, plus rares, y conservent toujours tout leur éclat. Un prince pieux se démêle toujours de la foule

des autres princes dans la postérité; sa tête et son nom s'élèvent au-dessus de toute cette multitude, comme celle de Saül s'élevoit au-dessus de toute la multitude des tribus; sa gloire va même croissant en s'éloignant; et plus les siècles se corrompent, plus il devient un grand spectacle par sa vertu.

Oui, Sire, on a presque oublié les noms de ces premiers conquérants qui jetèrent dans les Gaules les premiers fondements de votre monarchie; ils sont plus connus par les fables et par les romans que par les histoires, et l'on dispute même s'il faut les mettre au nombre de vos augustes prédécesseurs: ils sont demeurés comme ensevelis dans les fondements de l'empire qu'ils ont élevé ; et leur valeur, qui a perpétué la conquête du royaume à leurs descendants, n'a pu y perpétuer leur mémoire.

Mais le premier prince qui a fait asseoir avec lui la religion sur le trône des François, a immortalisé tous ses titres par celui de chrétien. La France a conservé chèrement la mémoire du grand Clovis ; la foi est devenue, pour ainsi dire, la première et la plus sûre époque de l'histoire de la monarchie; et nous ne commençons à connoître vos ancêtres que depuis qu'ils ont commencé eux-mêmes à connoître Jésus-Christ.

Les saints rois dont les noms sont écrits dans

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